— T’es un homme mort ! prévient Izri.
— À ta place, je fermerais ma grande gueule.
Les mains de Tama se crispent sur les coussins du canapé.
— Il est où, le fric du fourgon ? interroge Théo. Si tu nous le donnes, on la laisse en vie…
— Va te faire mettre ! souffle Izri.
— Quoi ? J’ai droit à mes indemnités de licenciement, non ?! rigole Théo.
— T’as droit à rien et si tu te barres pas tout de suite, Manu va…
— Manu ? Je m’en occuperai plus tard. Mais là, tu vois, t’es tout seul. TOUT SEUL !
— Alors, il est où ce putain de blé ? questionne le géant.
Izri garde le silence, Théo soupire. Il se penche légèrement pour approcher son visage de celui de Tama.
— Comment tu t’appelles, déjà ?
— Tama…
— C’est joli, comme prénom. Et tu as quel âge, Tama ?
— Quinze ans.
— Dis donc Iz, y a pas détournement de mineure, là ? se marre Théo. Faudrait appeler les flics !
Théo range le revolver à la ceinture de son jean et s’assoit près de Tama. Elle tente de s’éloigner, il la plaque contre lui. Puis il caresse l’intérieur de sa cuisse, passe sous la nuisette. Elle se contracte de la tête aux pieds.
— Tu es très mignonne, Tam Tam … Mais qu’est-ce que tu fous avec cette merde, dis-moi ?
Elle ferme les yeux une seconde.
— Iz n’est pas une merde !
— Tu sais où il est, ce fric, toi ? demande encore Théo.
— Non.
— Dommage…
D’un signe, Théo s’adresse au colosse qui assène un coup de pied dans le dos d’Izri. Il tombe vers l’avant et mord le parquet en chêne. Le géant continue à le frapper sous le regard satisfait de Théo.
— Arrêtez ! implore Tama.
Izri se protège comme il peut tandis que le colosse s’acharne sur lui.
— Laissez-le !
Elle veut se lever, Théo la retient par un bras et la rassoit sur le canapé.
— Reste avec moi, Tam Tam … Profite du spectacle.
Au bout de trois longues minutes, le géant cesse enfin de cogner. Izri reprend son souffle, recroquevillé sur sa douleur.
— Bon, dit Théo, tu balances ou on va y passer la nuit ?
— Va te faire foutre, murmure Izri.
L’homme se remet à frapper, plus fort encore.
— Il est coriace, ton mec, chuchote Théo à l’oreille de Tama. Mais je sais comment le décider…
— Arrêtez ! sanglote-t-elle.
Le mastodonte attrape Izri par les cheveux pour le remettre à genoux. Du sang coule de son nez, de sa bouche et de son arcade sourcilière jusque dans ses yeux gris.
— Dis-leur où est l’argent ! supplie Tama. Je t’en prie…
Izri lui jette un regard désespéré.
— Tu devrais écouter ta gonzesse, ajoute Théo avec un sourire décontracté. Parce que je commence à trouver le temps long…
Mais Izri se mure dans le silence.
— Bon, puisque t’as décidé de nous casser les couilles, on passe au plan B…
Théo attrape Tama par la nuque et la traîne jusque devant Izri.
— Tu veux vraiment qu’on s’occupe d’elle, mon pote et moi ? Je me suis jamais tapé une gamine de quinze ans…
— La touche pas, fils de pute ! hurle Izri.
— Dis-moi où tu planques le blé et je te promets qu’elle pourra organiser tes obsèques…
Izri inspire un grand coup avant de parler.
— Box 59. Avenue Robespierre.
— La clef ?
— Dans mon portefeuille… Tama ?
Tama récupère le portefeuille d’Izri dans son blouson et le vide sur la table. Elle tente de contrôler le tremblement de ses mains et trouve deux clefs anonymes, reliées ensemble.
— C’est celles-là ? demande-t-elle.
Izri hoche la tête.
— Le fric est planqué derrière une fausse cloison, ajoute-t-il.
— Parfait ! jubile Théo. Mon ami va aller récupérer le pognon et nous, on va l’attendre ici, bien tranquilles…
Ça fait dix minutes que le colosse est parti. Izri est toujours à genoux, mains derrière la nuque. Tama est assise par terre, sur le tapis. Au-dessus d’elle, Théo se prélasse dans le canapé. Il tient son arme dans la main droite et, avec la gauche, lui caresse les cheveux.
— La touche pas ! crache Izri.
— Quand j’aurai récupéré mon fric, je l’emmènerai avec moi, répond Théo. C’est vrai, quoi, j’suis pas un salaud… Qu’est-ce qu’elle va faire sans toi, cette petite ?
— Si vous tuez Izri, faudra me tuer aussi, dit alors Tama.
— Oh, mais c’est qu’elle t’aime, en plus ! sourit Théo.
Sa main descend dans son cou, puis se glisse sous la nuisette. Tama se relève d’un bond, mais Théo la rattrape par le poignet et la force à s’agenouiller devant lui.
— Reste calme, chérie… Sois bien sage.
— Laissez-moi ! hurle Tama.
Izri ferme les yeux, conscient qu’au moindre mouvement, il recevra une balle en pleine poitrine.
— Va me chercher un café, ordonne Théo. Bien serré.
Tama se relève et s’enfuit vers la cuisine.
— Et pas de connerie, hein, Tam Tam ? Sinon, je plombe ton mec, c’est compris ?
— Oui, monsieur.
— En plus elle est polie ! ricane Théo. Vraiment, c’est une bonne petite.
Il s’approche d’Izri, restant tout de même à une distance raisonnable.
— Tu sais, quand je t’aurai fumé, je vais me la faire, Iz…
Dans le regard du jeune homme, la douleur se mélange à l’impuissance. Théo arbore un sourire cruel puis va s’affaler à nouveau dans le canapé.
— Alors, ce café, ça vient ? gueule-t-il.
— Ça arrive, monsieur, répond Tama. Vous voulez du sucre ?
— Ouais, du sucre, poupée. Et puis après, tu me feras une petite pipe, OK ?
Derrière lui, Tama approche. Le bruit discret de ses pas est masqué par celui du percolateur.
Sa main droite serre éperdument un couteau de cuisine.
Arrivée à quelques centimètres du canapé, elle se fige. Ses doigts manquent de lâcher l’arme. Alors, elle lève les yeux sur Izri.
Comme pour se souvenir de ce qu’il est pour elle.
Se souvenir d’où elle vient.
Que sans lui, elle n’est rien.
Encore un pas, le percolateur s’arrête. Tama bloque sa respiration et fond sur Théo. Il ne l’entend pas, ne se méfie pas.
Ce n’est qu’une gamine apeurée, après tout.
Tama lui plante la lame en travers de la gorge avant de reculer précipitamment.
Théo se redresse d’un bond, le doigt sur la détente. Izri se jette au sol, la balle siffle au-dessus de sa tête et pulvérise la baie vitrée. Puis Théo lâche son arme et tombe à genoux. D’une main tremblante, il attrape le manche du couteau tandis qu’Izri se remet debout.
— Je t’ai pourtant appris à surveiller tes arrières, pauvre con…
Coup de pied en pleine tête, Théo finit de s’écrouler. Mais il n’est pas encore mort. Alors Izri retire le couteau et le sang jaillit de la carotide.
En relevant la tête, il voit Tama debout près du canapé, la bouche entrouverte, les yeux exorbités. Doucement, il s’approche d’elle et la prend dans ses bras. Il la serre aussi fort qu’il peut. Elle est raide comme la mort, Izri a l’impression d’enlacer un bloc de béton.
— C’est fini, Tama, murmure-t-il. Calme-toi…
Elle se met à trembler de la tête aux pieds. Un long sanglot s’échappe de sa poitrine.
— C’est fini, répète Izri.
Il récupère le revolver de Théo, vérifie qu’il reste des munitions dans le barillet. Puis il court jusqu’à la chambre, passe un jean avant de revenir auprès de Tama qui n’a pas bougé d’un centimètre, le regard fixe. Izri met l’arme à la ceinture de son jean et ouvre le placard de l’entrée. Il se saisit d’une batte de base-ball.
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