Frédéric Dard - Bacchanale chez la mère Tatzi

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Bacchanale chez la mère Tatzi: краткое содержание, описание и аннотация

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Tu connais l'histoire de la chèvre de M. Seguin ? C'est celle de la mère Tatzi. Sauf qu'il manque M. Seguin. Par contre, des loups, t'en trouves à gogo. Et avec des dents vachement carnassières. Il en faut pour bouffer cette vieille bique.

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— Pas encore.

— Y a une salle de restaurant où on bouffe de la friture, mais qui ne marche pas fort ; et puis un bar à piano qui fonctionne déjà mieux… Ce qui est le plus rentable, ce sont les quatre chambres du premier.

— Un boxif ?

— Oui. Avec des filles qui s'expliquent magnifiquement. Elles ne descendent jamais au bar mais attendent la clientèle dans un petit salon du haut. Elles sont renouvelées assez souvent. Des vraies pros ! Seulement il faut montrer patte blanche pour pouvoir grimper.

— C'est quoi, montrer patte blanche ?

— Avoir le mot de passe si je puis dire.

Il sourit.

— Depuis que la filière Karol était carbonisée j'y ai passé de beaux moments, avoue-t-il.

La nostalgie de ces instants délicats lui arrive en catastrophe. Raphaël est en train de se dire que la fête à Coquette c'est pas pour tout de suite. U va en biffer des jours dans cette cellule avant de pouvoir batifoler à nouveau chez la mère Tatzi.

— C'est là-bas que vous alliez porter votre petite marchandise ?

— Exact.

— Ça s'opérait de quelle façon ?

— Te montais au salon, je choisissais une partenaire à mon goût et je réclamais la « chambre myosotis », car chacune des quatre pièces portait un nom de fleur sur une plaque émaillée vissée à la porte. La chambre myosotis avait des murs garnis de glaces, y compris le plafond.

— Si bien que vous vous envoyiez en l'air à mille exemplaires !

Nouvel acquiescement de mon client.

— Et alors ?

— Dans cette pièce se trouve un placard mural. J'y suspendais mes effets ; c'était la consigne. Souvent, la fille que j'avais choisie se foutait de moi, me trouvant trop méticuleux. Dans la poche droite de mon veston, je plaçais ce que j'avais à remettre. Après mes galipettes, je récupérais mes fringues et le « quelque chose » ne s'y trouvait plus. A la place, il y avait… ma prime.

— Le placard a un fond mobile ?

— Ça paraît évident.

— Jamais personne n'a fait allusion a ce tour de passe-passe (si je puis dire) quand vous vous trouviez chez la mère Tatzi ?

— Jamais.

— Et cette mère Tatzi, elle existe ?

— Bien sûr.

— Le genre bordelier ?

— Plutôt ! Blonde platinée comme on n'en fait plus.

— Je vois. Qui la seconde ?

— Je n'ai pas remarqué quelqu'un d'autre, hormis des serveurs et une femme de chambre.

— Toujours « si j'ose dire » : quel était le mot de passe ?

— En fait, il n'y en a eu qu'un : celui que j ai débité la première fois, ensuite elle me reconnaissait.

— Et c'était ?

Il rassemble ses souvenances.

— J'ai mangé une friture de goujons ; au moment de l'addition, je lui ai murmuré : « Mon ami Meyer m'a dit que vous faisiez l'aïoli, le vendredi ? »

— Comment a-t-elle réagi ?

— Elle s'est penchée sur moi et a répondu : « Dans le couloir, il y a un escalier. Au premier, vous verrez un salon dont la porte est ouverte. Vous n'aurez qu'à choisir, c'est cinq cents francs ; je les encaisse tout de suite. »

— C'est elle qui vous a conseillé de prendre la chambre myosotis ?

— Non, on me l'avait signalée à l'avance ; de même qu'on m'avait recommandé de mettre mes vêtements dans le placard.

— Et, en haut, vous n'avez jamais choisi deux fois la même partenaire ?

— Cela a dû m'arriver, mais je préférais changer. Vous me promettez de ne rien révéler à mon épouse ?

— Je n'ai qu'une parole.

— Merci.

— Vous êtes allé souvent chez la mère Tatzi ?

— Très souvent.

— Il n'y a jamais eu d'anicroche ?

— Non, jamais.

— Vous rappelez-vous le nom des trois autres chambres ?

Raphaël réfléchit de nouveau. Il récite, les paupières closes :

— Violette, muguet, aubépine.

— Toutes des fleurs champêtres, noté-je, elle est bucolique, votre rombière. Laquelle de ces trois piaules est contiguë à « myosotis » ?

Il se pince le regard entre pouce et index.

— Aubépine !

— Vous n'avez jamais pratiqué d'autres chambres que la « myosotis » ?

— Et pour cause.

— Quand elle était occupée ?

— J'attendais qu'on la libère.

Je perçois une chanson. Ça vient de la cour. Un détenu rital qui balancé O sole mio d'une voix de ténor léger.

— Vous m'avez dit qu'après la disparition de Karol le Pieux on vous a durement interrogé ?

— C'est la vérité.

— Qui ?

— Des Jaunes.

— Ça s'est passé où et comment ?

Raphaël Sein fait la moue. Cruels souvenirs ! L'évocation de tels sévices fouaille sa viande. Il en a des frissons dans le rectum, le pauvret.

— Un soir, au sortir des labos, deux hommes m'attendaient dans ma voiture stationnée sur le parking de l'entreprise. L'un deux se tenait au volant. L'autre m'a enjoint de prendre place derrière, à son côté, après m'avoir montré un pistolet muni d'un silencieux. Une voiture s'est mise à nous suivre. Une fois sur la route, le type m'a tendu une cagoule noire sans trous à la place des yeux et m'a dit de la passer, puis de m'agenouiller sur le plancher. J'ai obéi. Nous avons roulé pendant près d'une heure. Ensuite, on m a fait sortir de l'auto et l'on m'a guidé dans une maison qui devait être une ferme car cela sentait le fumier. Une fois là, j'ai dû descendre dans un local voûte éclairé par une baladeuse électrique accrochée au plafond. Il y avait des pommes de terre dans des caisses. Ils m'ont fait mettre nu, m'ont entravé bras et jambes et la « séance » a commencé. Au début ils ne parlaient pas et n'ont commencé à m'interroger que lorsque j'ai été très mal en point. C'était affolant. Cela a duré une partie de la nuit. Ils paraissaient infatigables. Quand enfin ils ont compris que je ne savais rien, l'un des deux Jaunes s'est absenté, mais il est revenu rapidement. On m'a demandé de me rhabiller, on m'a remis la cagoule et nous sommes repartis. Il y a eu à nouveau une heure de trajet, puis on m'a délié en m'annonçant que je pouvais rentrer chez moi. Ils m'ont abandonné, j'ai arraché la cagoule. Je me trouvais dans ma voiture, au bout d'une impasse proche de la porte d'Italie.

— Et ensuite, comment avez-vous reçu les ordres ?

— Par téléphone, à mon domicile. Ma femme est infirmière dans une clinique privée et quitte notre appartement une heure avant moi. C'est en son absence que j'avais droit à une communication.

— Votre chère épouse connaît vos activités extra-professionnelles ?

— Maintenant, oui, mais elle ignorait tout avant mon arrestation.

— Comment a-t-elle réagi ?

— Elle est roumaine d'origine et n'a pas « ressenti » le côté « trahison » au plan patriotisme. Je lui ai expliqué que j'agissais pour lui assurer une existence confortable…

— Vous n'avez pas d'enfants ?

— Hélas, non.

— Et tout ce pognon occulte, qu'en avez-vous fait ?

Il hausse les épaules.

— Un appartement, une maison de campagne, Marika adore les croisières, nous en faisions une chaque année.

— Sympa. Vous allez probablement rater la prochaine, mais si vous avez un bon bavard, il vous arrangera les bidons pour l'an prochain ; de nos jours, tout le monde brade la France, peu ou prou, et ça ne tire pas à conséquence.

FOURTH

— Comment tu la trouves-t-il ? interroge le Somptueux.

— J'ai l'impression de lécher le sol d'un garage, réponds-je. Soit que les poissecailles eussent été élevés dans une nappe de mazout, soit qu'on les ait fait frire dans de l'huile de vidange.

Je clape encore un goujon de cinq centimètres, raide et sec comme l'ongle d'un mandarin chinois. Le picrate est à l'unisson : aigrelet et bouchonné ; un malheur n'arrivant jamais seul.

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