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Frédéric Dard: Certaines l’aiment chauve

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Frédéric Dard Certaines l’aiment chauve

Certaines l’aiment chauve: краткое содержание, описание и аннотация

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Ben, mon vieux, dans le machin ici présent que voici, il y est pas été a'v'c le dos de la cuiller, le Sana ! Youyouille, tu parles d'un circus, mon n'veu ! Ça carbonise à tout va. Des événements pas banaux, espère ! Quant à ce dont qui conceme les gonzesses, je peux t'résumer en trois mots : dé-gueu-lasse ! Enfin, brèfle, on s'est bien marrés. Je t'en serre cinq. A-B. Bérurier

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Il raccroche enfin pour lancer son javelot en direction du prose à Inès.

Moi je me reloque rapidos, vachetement joyce d’être sauvé par ce gong de Roland. Je pouvais plus la souder, la môme Inès. Assurer ses transports devenait une foutue corvée. J’ai besoin de me consacrer à la tâche qui m’attend.

Oui, car j’omettais de te dire : depuis quelques heures, nous sommes le 1 er juin et c’est ce soir à minuit que je vais devoir veiller sur les jours précieux de Christian Bordeaux.

II

LE VOL DE LA COLOMBE

La fraîcheur nocturne m’apporte un bien-être sensible. Le sentiment de liberté aussi. C’est à des détails de ce tonneau que je mesure combien je suis peu destiné à l’état d’homme marié. Devoir embroquer bobonne avec constance et dévotion, lui consacrer tout mon temps libre, me paraît être quelque chose d’impossible, en tout cas d’immoral.

J’ai besoin de jouer au chat qui s’en va tout seul dont parle Kipling, moi. D’aller selon mon humeur, sans souci de l’heure. Ainsi, tu vois, maintenant que je me trouve au pied de l’immeuble à Inès, j’ai plus envie de calter ailleurs. Je mate la perspective silencieuse qui trempe dans une lumière pour peintre surréaliste. Les poubelles regorgeantes de ma société de consommation qu’arrive pas à tout consommer… Les bagnoles stationnées en queue leu leu… Les fenêtres dont certaines demeurent éclairées…

Je décide d’attendre mister Roland, par pure curiosité, histoire de mater quelle gueule il a.

Un caprice. Est-ce que je serais vaguement jalmince ? M’étonnerait. Moi, Inès, je t’en fais cadeau. C’est de la pouliche frémissante, qui te caracole sur le gland avec brio. T’aimes à la sortir dans des boîtes huppées parce qu’elle en installe bien et commotionne messieurs les bonshommes. Sinon, je m’en tamponne de cette greluse.

Je prends place dans ma pompe, sur le siège passager, et je me mets à guetter l’arrivée du bandeur de nuit.

Seulement, au bout de très peu, j’ai la moulinette farceuse qui part à dame.

À la place de cette rue immobile, c’est la fastueuse maison de Christian Bordeaux que je vois.

Comme si j’y étais.

La preuve : j’y suis !

FLASH BACK ( en très bon état et qui vaut du vrai présent )

Une admirable soubrette vient m’ouvrir. Blonde à croquer, le nez retroussé, robe noire, tablier blanc, petite coiffe de dentelle. On est déjà au cinoche. Elle sent l’eau de cologne et la chatte bien lavée. Elle sourit comme dans les films de son patron et y’a au coin de son œil un petit machin fripon qui te donne envie de lui faire cueillir des pourboires dans ta poche après l’avoir percée.

Je lui annonce que j’ai rendez-vous, ce qui est vrai. Le melon m’a dégauchi un rambour, car Christian Bordeaux est un gonzman duraille à approcher, tu t’en doutes. Les gus, plus ils sont connus, moins ils se laissent voir ; ils s’emmitouflent dans leurs cavernes dorées, derrière un rempart d’oisifs branleurs, lécheurs, qui les lubrifient constamment de belles louanges passe-partout, onctueuses comme du cacao de curé.

La poulette me prie de la suivre et m’entraîne dans le sillage d’un cul frétillant. Celui-ci est porté par des jambes impeccables, si bien que je n’ai pas le temps de m’ennuyer pendant la traversée du hall.

Elle pousse une porte sans se donner la peine de frapper et annonce :

— C’est le monsieur des Assurances !

Puis s’écarte, et j’entre de plein pied dans la vie privée de Christian Bordeaux.

Un salon de dimensions agréables, avec plein de meubles anciens qui feraient l’honneur du musée de Cluny, des toiles fabuleuses, des tapis en couches superposées, et beaucoup de fauteuils dont on ne peut s’arracher, une fois qu’on y est installé, sans l’aide d’une dépanneuse ou de trois déménageurs de piano.

Le comédien est là.

En représentation. Il porte une extraordinaire robe de chambre en satin bleu ciel, à col châle bleu nuit. Il n’est pas rasé. Ses cheveux en tignasse ruissellent sur son cou. Il fume un tronçon de cigare gros comme un quart Perrier, lové dans un fauteuil, ses jambes repliées sous ses fesses.

Il me regarde venir d’un air écœuré, comme si j’étais une flaque de dégueulis au milieu de la pièce. Je le trouve beaucoup moins beau qu’à l’écran, Cricri. Plus vieux, aussi. Il fait ses trente-six ans sans oublier une seule journée. Il a le regard poché par des bouffissures dues au biberon et aux veilles. La foire, ça t’érosionne un gars, espère. Ils ont beau le colmater à outrance, dans les studios, le tartiner au fond de teint, lui peindre les joues en mauve pour qu’il ait l’air pas grassouillet, il est pas jojo, Christian Bordeaux. Un peu blet, déjà. Faisandé. Tu sens que des charogneries pernicieuses prennent date avec sa carcasse. Qu’un de ces quatre, il va y aller de l’infarctus, comme un grand, le jeune premier ! Finito la java, les drinks et les habanas ! Hôpital américain, chauffeur, et lentement !

Il me paraît aussi sympa qu’une vaisselle pas faite, le vedet [2] Une vedette, un vedet. Logique, non ? . Il se veut rogue, hostile. Sa gloire, il y met les barbelés de l’antipathie autour, en chevaux de frise, pas qu’on s’en approche trop.

Il n’est pas seul dans la pièce. Deux croûtons lui tiennent compagnie : d’abord un petit bonhomme courtaud, dont le front dégarni s’orne d’une énorme loupe. L’équivalent d’un bouffon de prince. Il est en saharienne à manches courtes et futal noir souillé des pires taches. L’autre garde du corps est un jeune éphèbe qui fait semblant d’être pédé, tellement c’est criant de vérité. De dos, tu croirais une nana. De face, on dirait un travelo démaquillé. Blondinet ; chemise romantique, à manches gigot, poignets bouffants ; pantalon de velours jaune canari.

Calquant leur attitude sur celle de leur patron, les deux tordus s’abstiennent de me saluer, voire de marquer la plus légère réaction. Ils se contentent de poser sur ma personne, pourtant digne d’intérêt, un regard lointain de chat qui a trop bouffé ou qu’on aurait châtré le matin même.

— Bonjour, messieurs ! lancé-je avec entrain, manière de ne pas me laisser épingler par l’adversité, surtout lorsqu’elle est affligée de gueules aussi patibulaires.

Christian Bordeaux a un imperceptible hochement de tête qui, venant de lui, équivaut à une révérence de cour.

— Puis-je vous entretenir en privé, monsieur Bordeaux ?

— Nous sommes en privé, me répond l’illustre personnage d’une voix comme des nouilles bouillantes qu’on verse dans une passoire.

L’homme à la loupe me virgule un sourire catalogué « sardonique » dans le fichier de son éthique personnelle. Le minet, lui, se contente de mimer l’avalage d’une potion à base d’ipéca.

— Comme vous le savez, je viens vous parler de la journée du 2 juin, monsieur Bordeaux.

Il tète son cigare et balance dans ma direction une grosse goulée rageuse qui ne m’atteint pas.

— Je ne vois pas ce qu’on pourrait en dire, grommelle le célébrissime assuré.

— On pourrait, pour commencer, parler de ce qui vous a amené à la redouter, fais-je.

Je désigne un fauteuil.

— Si cette place n’est pas réservée aux invalides de guerre, je crois bien que je vais vous demander la permission de m’y asseoir, monsieur Bordeaux.

Il a un léger sourcillement de surprise. Il ne s’attendait pas à mon culot. Ordinairement, tout le monde glaglate d’émotion devant lui et bédole dans son grimpant, à force de trop d’admiration. Et voilà que moi, je me comporte comme avec n’importe qui.

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