Frédéric Dard - J’ai bien l’honneur… de vous buter

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J’ai bien l’honneur… de vous buter: краткое содержание, описание и аннотация

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Je marche un peu, histoire de briser ma tension nerveuse. Mais c'est une coriace que cette tension-là ! Une seconde cigarette ne l'entame pas davantage. Au contraire, j'ai l'impression qu'elle est toute prête à se rompre…
Je jette un coup de saveur à ma breloque ; voilà près de deux heures qu'elle est entrée dans la carrée, Elia… Et celle-ci demeure aussi inerte et silencieuse qu'auparavant.
Il n'y a toujours qu'une fenêtre éclairée… Et quand je dis éclairée, j'exagère… Simplement on décèle une lueur…
Que fabrique-t-elle derrière cette façade croulante ?…

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C’était rudement dangereux. Le zig qui a dépensé une fortune pour aménager cette masure en palace ne doit pas tenir à attirer l’attention dessus.

Je relève la hure et je constate que la grosse bistrote me regarde complaisamment. Ses yeux de poupée bouffie me caressent avec un rien d’extase. Ma parole, elle aimerait se faire reluire à la française, cette motte de saindoux !

Gêné, et surtout écœuré, je me détranche. Mes eyes se portent alors vers l’extérieur, c’est-à-dire sur cette placette triangulaire au bord de laquelle s’alignent des cabines téléphoniques.

Je m’aperçois que l’une d’elles — celle qui se trouve en face de la lourde — est occupée. Un petit bonhomme vêtu d’un costard beige clair et coiffé d’une casquette à large visière l’occupe. Ce petit mec, je l’ai déjà repéré au bureau de poste tandis que je tubais au Vieux. Il me biglait d’un air intéressé. Probable que ma physionomie le captive… Peut-être s’intéresse-t-il à ma morphologie, ce bédouin ? Ou des fois qu’il est peintre et que mon angle facial l’inspire ? Je le surveille du coin de l’œil et je m’aperçois que de son côté il en fait autant. La preuve : il ne téléphone pas. Il est accroupi dans l’angle de la cabine, la visière de sa bachouze ramenée sur la vitrine et je sens son regard filtrer par-dessous.

Tiens tiens !

Je puise dans ma fouille une pièce d’argent et je la tends à la gravosse.

Cette dernière s’annonce, louvoyante. Ses flûtes sont grosses comme des tonneaux, pour les mouvoir il lui faut pas mal de volonté. Elle me réclame un demi-penny en plus de la pièce et me demande si c’est vrai que les Français mangent des grenouilles.

Du moins je suppose que c’est cette question-là qu’elle pose.

Yes , je dis. Et même que c’est rudement fameux. Seulement, chez les grenouilles, c’est comme chez les gonzesses : y a que les cuisses de bonnes !

Je me lève et je sors.

M’est avis qu’une petite balade s’impose. J’aimerais vérifier d’une façon positive si le petit mec en beige me file vraiment le train.

Je prends Shaftesbury Avenue jusqu’à Cambridge Circus où la circulation devient vaguement épaisse. Je stoppe un instant devant Le Palace because je jouis d’un jeu de glaces favorable.

Pas d’erreur, mon petit mecton est laga.

La moutarde me monte au nez. J’ai une sainte horreur d’être suivi, je prends toujours ça pour une insulte personnelle et j’ai chaque fois des réactions violentes. Mon premier mouvement est pour lui sauter au colback, à ce ouistiti, afin de lui faire cracher son arête. Mais mon petit lutin en profite pour ramener sa cerise.

« San-Antonio, me dit-il, tu es la dernière des crêpes. Tu oublies que tu es en Angleterre et que tu occupes une situation d’attente. Ton chef a été formel : ouvrir les châsses et laisser flotter les rubans. Du reste, ce petit homme ne parle peut-être pas un mot de francecaille et tu serais bien marron s’il appelait un policeman… »

« Ça va, fais-je intérieurement, je suis assez grand pour savoir ce que j’ai à faire, je sors sans ma grand-mère depuis déjà un bout de temps… »

Mais je suis brusquement calmé.

Je continue d’avancer jusqu’à Charing Cross. Je tourne dans Oxford Street et peinardement je rejoins ma base.

Avant de sonner à la lourde de la Filesco, je balance un coup de saveur par-dessus mon épaule. L’homme en beige est toujours dans mon sillage, fluet comme une belette.

Gloria vient m’ouvrir.

Elle semble surexcitée. Son visage est rouge et des larmes se ramassent derrière ses cils.

Je lui prends le menton avec tendresse. Je ne peux pas supporter de voir du chagrin dans les mirettes d’une greluse. Les souris sont faites pour enchetiber les matous, pas pour avoir de la peine.

Celle-ci se dégage prompto.

— Eh bien ! fais-je, comme si elle pouvait me comprendre, que se passe-t-il ?

— Il se passe que cette péronnelle est renvoyée ! fait une voix derrière moi.

Je sursaute.

Elia Filesco est là, sévère dans une nouvelle toilette plus stricte que les précédentes. Ses yeux noisette sont tout à fait froids, mais alors froids comme des huîtres et tout aussi expressifs.

Moi, j’en suis baba. Si vous voulez mon opinion, je pensais ne plus revoir cette pépée, jamais ! Quelque chose m’avertissait qu’elle était cannée. Je pensais qu’il ne restait plus qu’à dégauchir son charmant cadavre dans un fond de terrain vague.

Et voilà qu’au contraire elle est là, devant moi. Plus vivante que toute une maternité, plus belle que tout un défilé de mannequins parisiens, plus sensuelle que toute la prose du marquis de Sade !

— Pourquoi faites-vous ces yeux-là ? me demande-t-elle. Et d’abord pourquoi ne m’avez-vous pas attendue ?

Je la bigle de façon tout ce qu’il y a de peu amène.

Pour du culot elle a du culot, Elia… Demander à un gnace de patienter douze heures devant une carrée, faut avoir le despotisme dans le pétrousquin !

— Mais, fais-je, j’ai attendu toute la nuit !

— Vous êtes à mon service, objecte-t-elle, par conséquent vous devez exécuter les ordres… Je me suis attardée chez des amis, il ne vous appartient pas de juger mes actes ni de prendre de décisions. Vous êtes payé pour cela, et grassement payé ! D’autre part, de quel droit êtes-vous allé vous promener ce matin ? Voilà un quart d’heure que je vous attends…

Elle débite tout ce laxonpem comme un camelot vend ses appareils à débiter les tomates en tranches.

Si je m’écoutais, j’y balancerais une tarte sur la terrine, mais ça ferait du cri dans la gentry !

Je me contente de serrer les poings. Elle s’en aperçoit et sourit. Mais son sourire n’apporte aucune détente dans son visage, au contraire, il le rend encore plus vénéneux.

— Vous êtes nerveux, murmure-t-elle.

— Assez, fais-je, c’est un mal fréquent chez les Français… Ils sont impulsifs…

— Oui, fait-elle, impulsifs et, paraît-il, sentimentaux…

Impudique, elle s’avance sur moi, comme la veille dans ma piaule. Lorsque la pointe de ses roberts entre en contact avec ma poitrine, il me semble qu’on vient de me faire asseoir sur la chaise électrique et qu’un petit futé a branché la sauce.

Je la harponne sauvage par le cou. Elle a un sursaut en arrière pour m’échapper, mais j’ai de la mécanique de précision dans les biscotos.

Je lui roule le vache patin du guerrier de retour à la carrée.

Elle adhère à mon baiser comme le timbre-poste adhère à l’enveloppe. Je la lâche. Elle lève la main pour me gifler, alors que voulez-vous, le gars San-Antonio a un tour à vide. Il oublie son job, les ordres, les circonstances et l’âge de Cécile Sorel. D’un revers du gauche, j’écarte la baffe, d’un plaqué du droit je lui en mets une sur la joue gauche, ponctuée par un autre revers sur sa joue droite.

Elle ouvre la bouche, interdite. Ses joues deviennent écarlates.

« Cette fois, chuchote mon petit lutin portable, tu peux aller préparer ta valoche et retenir ta place pour le prochain ferry. »

Elia se frotte les joues.

— Vous êtes un garçon intéressant, fait-elle simplement. Allez charger ces valises dans la voiture, nous partons en voyage !

CHAPITRE V

Je deviens maître queux !

Nous roulons dans la Frégate neuve.

La pépée est vautrée à l’arrière, les flûtes repliées sous elle, une cigarette dans le bec, l’œil vague.

Elle m’a guidé de ses conseils pour sortir de London. Maintenant nous sommes sur la route de Douvres et ça me fait rudement du bien de respirer un air vivifiant. Cette circulation londonienne me fatigue. Elle est trop baroque… Les autobus à étage, les taxis vétustes dont l’avant est ouvert pour les bagages, les vélos à la papa, les puissantes motos anglaises, tout cela me fait un peu tartir. Maintenant, sur la route bordée d’un interminable gazon où poussent des pavillons bien léchés, je rencontre encore des bus qui ont fait philippine et des motos qui bombent comme des météores, mais ils sont moins nombreux.

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