Frédéric Dard - N'en jetez plus

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N'en jetez plus: краткое содержание, описание и аннотация

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Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Messieurs les Membres du Gouvernement,
Messieurs les Députés,
Messieurs les Sénateurs,
Messieurs les Membres du Conseil constitutionnel,
Mesdames, Messieurs et Divers,
permettez-moi, en ma qualité de citoyen français nanti d'une carte d'électeur en état de marche et d'ex-abonné d'honneur au Gaz de France, de vous poser respectueusement les questions ci-dessous :
Avez-vous déjà vu mon Bérurier, que dis-je ! votre Bérurier, se muer tour à tour en rabbin, en pilote de ligne et en saint Jean-Baptiste ?
Avez-vous déjà lu la correspondance qu'il adresse à notre Sainte Paire le pape ?
M'avez-vous vu sauver de la fange, de la mort et du déshonneur l'un des Français les plus prestigieux de notre hexagonerie ?
Non, n'est-ce pas ?
C'est bien ce que je pensais.
Alors, qu'attendez-vous pour lire ce livre ? Hmmm ?

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— Laissez mon toupet tranquille, vous confondez avec Cyrano ! j’objecte. Police !

Ça le désamorce pas.

— Vous avez votre carte ?

— Pas sur moi, mais laissez-moi votre adresse, je vous en ferai parvenir une photocopie !

Ayant dit, j’ouvre sa portière du côté passager. Il va pour égosiller, mais Béru ouvre la portière du côté conducteur et repousse l’acteur vers le milieu de la banquette d’un coup de dargif péremptoire.

— Mais ! Au secours ! s’écrie Chemoldu.

— Vous faites pas sauter les cordes vocales, vieux, sinon vous serez aphone pour la représentation de ce soir et il faudra rembourser. J’ai besoin de votre voiture vingt minutes. Nous sommes réellement de la police et je vous donne ma parole que nous vous ferons une publicité du tonnerre.

Est-ce la peur, ou bien mon esprit de décision qui agit, toujours est-il que le Cid se met à bayer au Corneille [43] Y’en a-t-il un seul parmi les entre vous qui ne s’attendait pas à ce calembour ? .

— En route ! fais-je au Gros.

— Ça consiste en quoi ? il demande.

— Tu circules !

— Où ?

— Dans le patelin et ses environs. Prends toutes les petites rues, les chemins creux, les impasses, arrête-toi sur les places et aux carrefours. Va doucement.

Quant à moi, je cueille le micro aux doigts moites de Chemoldu, et je dégoise le texte ci-dessous :

— Allô ! Allô ! Avis à la population. Aujourd’hui même sera interprété à Saint-Nom-la Bretèche : « L’exécution de Von Chichmann par le Shin-Beth. » Je répète. Aujourd’hui, à Saint-Nom, « L’exécution de Von Chichmann par le Shin-Beth ». Attention, attention ! Achtung ! Achtung !

Et j’y vais, sans trêve, de ma voix admirablement timbrée au tarif pneumatique.

Gonflé autant qu’astucieux, vous ne pensez pas ? Ce faisant, mon objectif est double : « alerter Von Chichmann et me signaler aux tueurs du Shin-Beth planqués dans le pays afin de les pousser à se manifester. En agissant de la sorte, je leur casse la cabane, comprenez-vous ? Il est pas machiavélique, le Tonio ? C’est pas chiadé de première bourre, ça ?

« Attention ! Attention…

On roule à une allure de corbillard automobile. Chemoldu se fait tout mignard entre nous. Béru a un coude à la portière. De sa main libre il pianote le toit de la carriole. Il ne me pose pas de questions. Il a pigé, le gros bougre. Un sourire de maquignon tord ses lèvres gloutonnes.

L’exécution de Von Chichmann par le Shin-Beth…

On a traversé toute l’agglomération, de part en part, en allant loin sur la route. On sillonne à présent les petites voies secondaires où se blottissent les maisons de pierres blondes sur lesquelles se vautrent les glycines tutélaires. Des visages apparaissent aux fenêtres. Des gamins nous escortent un instant, en trottinant, de même que des roquets jappeurs.

— Achtung ! Achtung !…

L’avons-nous déjà atteint, Von Chichmann ? Sait-il, maintenant que sa vie est en danger ? Et si oui, a-t-il les moyens de se protéger ? Cet étrange appel ne risque-t-il pas de lui faire perdre la tête, au contraire ?

J’avais promis de lui mobiliser sa calèche pour vingt minutes, à l’ex-so-scié-taire de la Comédie Vranzaize. On l’utilise depuis déjà trois quarts d’heure à vouloir tout couvrir de ma belle voix vibrante. On passe, on repasse, on dépasse, on surpasse !

« Attention ! Attention ! Aujourd’hui même, à Saint-Nom : « L’exécution de Von Chichmann par le Shin-Beth ».

— Merde ! s’écrie le Mammouth.

Cette solennelle déclaration passe par l’ampli et s’étale sur le bourg. Je coupe le contact.

— Que t’arrive-t-il ?

— J’sus à plat.

En grommelant des invectives capables de compromettre son salut éternel (car il y met en cause l’existence de Dieu, lui, le baptiste !) Bérurier va regarder à l’avant de la tire. Il se baisse, examine les pneus et s’approche de ma portière.

— On est naze des deux boudins avant, Mec ! annonce-t-il.

— À la fois !

De son index crochu il m’invite à descendre.

— Avec ce tapis d’honneur qu’on nous a déroulé, c’t’un miracle qu’on soye pas à plat à cent pour cent.

Il me montre de drôles de petits objets biscornus sur le chemin. Ils sont gros comme des noix et hérissés de pointes très effilées.

— Et ils n’ont pas pleuré la marchandise ! renchérit mon compagnon. Sur dix mètres au moins !

— Courons ! hurlé-je.

Je pique un sprint. Sa Majesté m’imite en bramant des « Ouktuvamerdatanmoi » déjà essoufflés.

Votre San-Antonio chéri, mesdames, ne perd pas un pouce de seconde à l’affranchir. Il court, il court comme le furet du bois joli. Il débouche sur l’esplanade où se trouve garée sa pompe. S’y rue comme Cirrus dans six rues [44] Passez outre, merci. . Il démarre, exécute un crocheton pour charger son cachalot.

— Mainondedieuspliquetoi ! exhale Alexandre-Benoît, comme un adieu d’opéra consécutif au meurtre du ténor par la basse, malgré l’intervention tardive de son beau-frère le gentil baryton [45] Dans un opéra le baryton est presque toujours le beau-frère du ténor. .

Je bombe jusqu’à la fourche. Je mate à gauche, à droite… Rien !

— Hep, facteur, s’il vous plaît ! interpellé-je en faisant, d’un coup de frein hollywoodien, gicler du gravillon jusque dans la braguette mal boutonnée du postier.

Le pététeur s’immobilise.

— Vous avez dû voir passer un camion-citerne, il y a un instant, non ?

— Qui charriait du mazout ?

— C’est cela même !

— En effet.

Je n’attends pas davantage pour embrayer car l’homme de lettres a eu spontanément un geste pour m’indiquer la direction prise par le camion.

Je fonce.

— Ben quoi, le citernier ? ahane Béru.

— On l’a croisé deux fois pendant notre virée dans le pays.

— Et alors, c’est normal, puisqu’il vient décharger du fuéle ?

— Il n’a pas eu le temps de décharger quoi que ce soit et il était juste devant nous à l’instant où nous avons crevé. S’il n’a pas crevé lui-même, c’est parce que c’était lui qui semait les perce-boudins !

« Il doit avoir une petite soute sous le châssis arrière, qui se commande depuis la cabine. De la sorte, on ne voit pas tomber les hérissons d’acier. »

Bérurier Premier opine.

— Y’a longtemps qu’t’as pas dit quéque chose d’aussi impertinent, Gars.

Je file un coup de patin qui met en relation étroite le crâne du Dodu avec le pare-brise.

— Il est là ! soufflé-je. T’as pas vu, à droite ? Dans la cour de cette grande propriété ?

Mais le Gros ne voit pas plus loin que sa bosse frontale (ce qui est néanmoins appréciable car elle mesure une bonne vingtaine de centimètres).

— Pas z’eu le temps, bafouille-t-il.

Je repars.

— Où que tu vasses ?

— Inutile d’attirer l’attention de ces gus. Nous allons contourner le parc et faire le mur pour les surprendre par-derrière. Dommage que nous ne soyons pas armés.

Mon très cher camarade appuie sur le bitougnot de la boîte à gants, le volet tombe et Béru extrait triomphalement un casse-tronche de 9 mm, à la crosse tellement grosse que la main d’Alexandre-Benoît en paraît fluette.

— Et ça ! demande-t-il. À ton avis, c’est pour se coller des gouttes dans le pif ?

CHAPITRE XV

LA STUPEUR EST À LA SURPRISE CE QUE LE RAMADAN EST AU CAREME

J’ai dit parc, mais en réalité, il s’agit d’un grand jardin de cinq à six mille mètres carrés, planté d’arbres pompeux, pimpants et pompéiens. En son centre s’élève une vaste maison de style Île-de-France, avec des portes-fenêtres tout autour, des mansardes et un toit d’ardoises patinées par le temps.

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