Je griffonne quelques lignes rassurantes sur le carnet à couverture de croco qu’il me tend.
Puis, satisfait, je drive la tuture jusqu’au « Dorade Hôtel ».
— Adieu, monsieur Farragus. Nous voici parvenus à destination. Si vous avez besoin d’un renseignement complémentaire, appelez-moi ici.
Il me file un regard tout chose. Songeur, admiratif. Puis il me dit :
— J’aime bien rencontrer un homme, de temps en temps.
Et croyez-moi ou allez vous faire honorer le balzac chez les Grecs, mais il me tend la main.
Moi, jamais bêcheur, je la lui serre.
Je sais d’ores et déjà que c’est gagné.
— Écoutez, mon petit, j’ai là monsieur le ministre à mon côté… Son Excellence me charge de vous dire combien elle… à quel point vous… En un mot : bravo ! For-mi-da-ble ! C’est Neptuno Farragus en personne qui a appelé la maison Blum-Dattaque voici une heure en lui annonçant que les fameux plans avaient été retrouvés et que les travaux allaient pouvoir reprendre…
Il est en transe, le Dabuche.
Va se payer une extinction de voix. Devant le ministre, il s’applique à en rajouter. Il fait mousser la savonnette ! Un vrai bain d’O-Bao, son burlingue, je gage…
Il parle, il exclame, complimente, applaudit, pouffe, glousse, promet, certifie, vivelafrance, anticipe, participe, déclare, prend à témoin, sermente, glorifie, sanglote. The délire…
C’est p’t-être bon de se faire astiquer les tympans au sirop de chef ; pourtant, depuis un instant je n’écoute plus.
La porte de ma chambre s’est ouverte. Dans l’encadrement se tiennent Pinaud et Pearl. Ils me regardent… Je leur souris.
L’héritière de l’empire Farragus fait quelques pas dans la pièce.
J’obstrue de la main l’émetteur pour lancer un velouté :
— Bonjour, beau petit oiseau des îles Bahamas !
Elle s’approche du lit où je suis vautré, vêtu seulement de mon pantalon de pyjama.
— Oh, darling, me dit-elle [43] En réalité, Pearl m’a dit « Oh, chéri ». En français. Mais comme nous parlons anglais et que je vous traduis les dialogues au fur et à mesure, toutes taxes comprises, je suis obligé d’écrire darling pour trouver l’équivalence de chéri. C’est bête, hein ?
.
Elle s’assied près de moi. Elle a des larmes plein son magnifique regard couleur de je-ne-sais-plus-quoi-je-chercherai-plus-tard.
— Est-ce vrai, dites, est-ce bien vrai, réellement vrai ?
— Quoi, ma beauté pure ?
— Que je ne suis pas malade, ne l’ai jamais été ?
— C’est vrai, Pearl. Je vous en donne ma parole d’homme.
Elle se signe [44] Fille d’italien, vous pensez !
.
— Dieu soit loué, darling, alors je vais pouvoir aimer à ma guise ? Sans arrière-pensée ? Sans retenue ? Aimer de tout mon être ?
— Oui, mon ravissement, vous allez pouvoir, garantis-je en lui ouvrant les bras.
Elle semble ne pas voir mon geste. D’un élan elle s’est déjà redressée, elle court à Pinaud, noue ses bras au cou de Baderne-Baderne et lui plante un baiser à crampon en pleine bouche.
Cela fait, elle se retourne vers moi, la mine altière.
— Il n’est pas très beau, dit-elle, il n’est plus très jeune, pourtant c’est le plus merveilleux des amants.
FIN
Expressions stupides, comment les chercher autrement qu’avec les yeux ? À l’odeur, peut-être, en ce qui concerne Béru ?
Celle-là je l’ai lue, y a vingt-deux ans, dans un almanach de province.
J’aime mieux l’écrire en français.
Oui, j’ai bien écrit « brenouille » et non pas « bredouille ». Ça me regarde, non ?
Je dis 421 pour que tout le monde comprenne, mais maintenant y a des jeux de dés plus intellectuels.
Je m’amuse, quoi !
J’ai failli vous placer une tirade sur les perles d’eau irisées, mais je préfère me réserver pour une meilleure occasion car nous sommes pressés.
Pour tout vous dire, Farragus se prénomme Neptuno Roberto ce qui donne N.R.F. Comme on veut pas avoir de suif avec Gallimard je lui ai sucré son second prénom. Faut être corrèque, comme dit Béru.
Je manipule un anglais impec.
Certains puristes mettent deux « f » à désoufer. Grand bien leur fasse !
Car toujours dire « croissant » finit par fatiguer.
Merci, San-Antonio : ça c’est une leçon de style ! (Frédéric Dard.)
D’accord, ça se conjugue pas ainsi, mais c’est mon éditeur qui paie l’imprimeur, non ?
Je voulais écrire canards, et puis au dernier moment j’ai trouvé que ça faisait trop cucul-la-praline. figure.
J’aime bien le mot, employé comme ici pour exprimer la stupeur, l’incrédulité et l’interrogation. Il est très économique et je le recommande chaleureusement aux romanciers débutants qui cherchent des astuces pour tirer à la ligne.
Je vous laisse apprécier l’originalité de la métaphore.
Deux mots sautés par suite d’une carence dans la traduction.
Ce qu’est un ton interplanétaire ? Ben faites-vous réciter une fable de La Fontaine par ce mec et vous comprendrez.
Note pour l’imprimeur : J’ai bien écrit « électroque » parce que je ne trique plus depuis que la môme m’a épongé.
Bien que ça s’écrive San-Antonio, ce qui inciterait à prononcer San-Nantonio, voire à la rigueur, San-Hantonio, ils disent tous San-Tantonio. Alors, allons-y pour la tante Onio, je m’en tamponne. Et puis aussi, quand ils m’écrivent ils m’oublient le tiret. Je m’écris San-Antonio et pas San Antonio comme la ville texane. C’est ce menu trait de deux millimètres qui représente mon génie. Alors j’y tiens ! Cela dit, c’est pas la peine qu’ils m’écrivent.
D’habitude j’écris chier en toutes lettres, mais les correcteurs de notre chère maison sont des gens bien élevés qui me rectifient chaque fois chier en ch… À moins qu’ils soyent franc-macs ? Cloquer des trois points à tout va ça cache quèque chose, selon moi. Dorénavant, je les emboite le pas en troipoinçonnant moi-même les chier de ma littérature fangeuse.
Si mes multiples parenthèses vous énervent, achetez un canif très pointu, et effacez-les en grattant légèrement. Le papier de mes polards étant de qualité médiocre, elles disparaîtront aisément !
Je raffole des adverbes. Si vous avez de vieux adverbes dont vous ne vous servez plus, dans votre grenier, envoyez-les-moi, je les repeindrai. On arrive à faire de très jolies phrases à l’aide d’adverbes défraîchis, ou même de vieux adjectifs pris adverbialement.
Note pour l’imprimeur : J’ai bien dit : « Il vautre » et non « Il se vautre ». Vautrer a beau être un verbe réfléchi, moi je l’utilise sans réfléchir.
Parfaitement, je veux « poly-glottes » et non « polyglotte ». Il y va de mes intentions profondes. Ma pensée est en marche, j’interdis qu’on lui fasse des croque-en-jambes.
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