Frédéric Dard - Appelez-moi chérie

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Appelez-moi chérie: краткое содержание, описание и аннотация

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On peut tout exiger d'un bœuf…
Sauf qu'il remplace un taureau.
Fût-ce au pied levé !
Par contre, on peut demander à un taureau de mon espèce de se comporter comme une vache !
A preuve…
Ah ! y a de quoi ruminer, je vous jure ! J'sais pas si vous avez envie, ou non, de lire ce livre.
Moi, à votre place, j'hésiterais pas.
P't'être parce que je sais ce qu'il y a dedans ?
En tout cas, si vous souhaitez voir un San-Antonio partir à la recherche du plus gros diamant du monde avec une canne blanche, ratez pas cette recase, mes fils !
Vous comprendrez alors pourquoi j'ai intitulé ce machin « Appelez-moi, chérie » !
Chérie, parfaitement, avec un « e » muet !
Heureusement que l'auteur, lui, ne l'est pas !

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Les grossiums se goinfrent toujours.

Et y’en a de plus en plus, malgré la grande marée socialisante (ou p’t-être à cause d’elle ?). Des gus bourrés d’osier qui achètent ce qu’il y a de plus chérot en s’inscrivant pour les produits en cours d’augmentation. J’en sais, ils commandent d’office les denrées coûteuses, sans s’occuper de savoir ce dont il s’agit. Parole ! Ils reçoivent un catalogue, tout de suite ils foncent à la colonne des prix, ne s’arrêtant que sur ceux comportant le plus de chiffres. « Mettez-moi-z’en douze de chaque », ils disent, à tout hasard, que ça soient des Cadillac ou des Van Gogh, des livres rares ou du caviar, des châteaux faits au dos ou des écuries de course. Tout de suite, les v’là qu’accaparent. Je dis ça sans rancune. On n’a pas de rancune envers un malade, sauf s’il te fait chier trop longtemps avec sa maladie, naturellement. Car y’en a qu’ont aucun savoir-mourir et qui s’éternisent à plaisir. Des qui emmerdent leurs draps et leur entourage pendant des mois, des années, à promettre un dernier soupir qui ne vient pas. Te font de fausses agonies pathétiques, que chaque fois tu t’y laisses prendre et que t’y vas de ta larme. Tes fringues noires, bien pimpantes, se fanent dans des antres naphtalineux. Les moissons de chrysanthèmes se succèdent et le client est toujours fidèle au poste au milieu de ses médicaments exorbitants qu’à force d’à force, la Sécurité en fait une maladie !

Mais je m’écarte.

Et Dieu sait que ce n’est pas le moment de s’écarter, vu que la route-digue, ou la digue-route où nous circulons ne mesure pas plus de trois mètres de large. Je me demande comment on fait pour doubler sur cette voie. Le plus faible doit reculer, probable. Ou se foutre dans la tisane. Laquelle n’est guère appétissante. Elle est couleur de rouille, la flotte des marécages. Avec d’inquiétantes plaques vertes qui ressemblent à de l’huile de vidange. C’est le cloaque à l’état pur (si je puis me permettre). La fange sur des milliers et des milliers d’hectares. Le soleil te fait bouillonner ce vilain potage au-dessus duquel ronflent des nuages d’insectes inquiétants.

Le zig qui pilote notre jeep est un grand rouquin pas rasé, pas lavé, qui pue comme une étable de trente-six boucs. Les rouquins devraient jamais descendre au-dessous du quarantième parallèle, qu’après l’odeur devient trop néfaste. Moi, de Wiky (c’est le blaze du chauffeur) et du marécage je saurais pas dire lequel fouette le plus fort. J’aurais des boules quiès, c’est dans les narines que je me les enfournerais.

C’est vrai, ça : on n’a pas commercialisé des trucs pour s’obstruer les fosses nasales. On se protège du bruit, pas des odeurs. L’olfactif, il est travaillé à sens unique, seulement dans le suave. La poudre de Guerlin-pinpin, elle t’embellit les trous de pif, mais t’as quoi pour combattre les remugles ? Les désodorants ? Combat inégal. C’est la lutte du pot de terre contre le port de merde. L’unique moyen de se préserver radicalement des miasmes, c’est de se neutraliser l’odorat. Tant qu’il te reste un bout de sens, tu l’utilises. Un eunuque jouissant d’un quart de burne, il respire encore les frangines, c’est certain. Vérifié ! Je suis convaincu qu’il existe des fils d’eunuques de part la planète. Me semble même en avoir reconnu au passage…

Des heures qu’on roule de la sorte sous ce soleil que je n’ose qualifier de « plomb » afin de ne pas éveiller la cupidité des ferrailleurs.

Wiky chante en néerlandais, vu qu’il est Hollandais d’origine. Sa voix me fait mal aux nerfs. Je m’écouterais au lieu de l’écouter, je l’estourbirais et le filerais dans le marécage. On est trop bon avec ses contemporains. On les ménage exagérément. Le christianisme nous a ramollis, les gars. Mais bougez pas, attendez la suite… Le jour que Paul VI aura fusionné avec la General Motors, on verra peu à peu la nature reprendre ses droits.

Après avoir longtemps malenpatienté, j’aperçois à l’horizon les premières pentes du Zobmastar.

Je pige l’émotion qu’ont dû éprouver les Christophe Colomb’s sailors, quand le gus du mât de misère a beuglé « Terre ». Atteindre le bout de la nuit, c’est dopant ; même lorsque cette nuit se traduit par un soleil concasseur ! Tout en beuglant sa complainte du moulin à vent et de la tulipe réunis, Wiky champignonne, et bientôt nous franchissons les dernier kilomètres maudits de la région du Kelmerdouilh. Ouf ! J’en pouvais plus !

Franchement, à première visée, ce diamant de deux tonnes ne paie pas de mine. On dirait un gros rocher. Pas si énorme que ça, d’ailleurs, puisqu’il possède le volume d’une petite bagnole (qui se serait fait malmener par une plus grosse). Une gangue brune l’habille. On a seulement gratté quelques centimètres carrés de sa surface afin de mieux l’identifier. Ensuite de quoi cette cicatrice a été badigeonnée de minium.

Quelques gars hirsutes veillent sur le caillou en fumant à l’ombre des tentes. Leur chef, le colonel Torgnol, s’avance vers moi d’une démarche chaloupée. Il lui manque un œil, une main, les deux oreilles et le sens des convenances. Il est cubique comme un robot, plutôt petit, avec la plus belle gueule de vache que j’aie jamais vue.

— C’est toi, le grand con qui fallait qu’on attende ? m’aborde-t-il sobrement. Qu’est-ce t’as de particulier, mon gars, à part tes belles mains de bureaucrate et tes dents blanches ? Tu sais broder des nappes et refaire leurs tresses aux petites filles ?

Les autres pommes pouffent à qui mieux mieux. Z’adorent les rutilantes saillies de leur chef. L’esprit, c’est comme le fromage : il en faut pour tous les goûts (prenez mes livres par exemple). Y’a de l’esprit mou, de l’esprit fort, de l’esprit de sel, de l’esprit à l’ail (voire au cul d’ail). Y’a l’esprit devin, l’esprit d’Éloi, l’esprit sain, l’esprit de clocher et celui de l’escalier. L’esprit frappeur… Et puis, vous le voyez, l’esprit du colonel Torgnol, lequel colonel devait être précédemment sergent dans l’armée française.

Un pareil accueil est certes déconcertant, pourtant il en faut bien davantage pour sectionner le sifflet de votre réputé San-Antonio.

— Tu sais que t’es presque marrant, toi, dans ton genre, avec ton air gland et tes galons achetés aux puces ? je lui rétorque. Dis voir, quand tu mets des lunettes, tu fais tenir les branches avec du sparadrap ? Tes portugaises tu les as déblayées en te rasant, un matin que t’avais mal cuvé, ou bien si c’est un farceur qu’avait filé des lames Gillette dans ton képi ?

Le colonel Torgnol devient si hideux à force de colère qu’on pourrait barrer la route aux Allemands rien qu’en plaçant sa photo agrandie à l’articulation de la charnière de Sedan.

Les mecs de son acabit ne se perdent jamais en parlotes. Quand ça ne va pas, ils cognent.

Je le sais.

Voilà pourquoi j’esquive avant que son ultime poing ne me percute le tiroir.

Un contre d’une belle précision l’envoie sur son derrière massif. Le tout n’a pas duré deux secondes. Il a un léger ébrouement, comme un mec sortant d’un coma éthylique au petit matin, avec de la bile jusqu’aux paupières pour considérer un univers tournant plus vite qu’une scie circulaire.

Il porte la main à l’étui de cuir de son revolver. Seulement j’ai déjà le mien en pogne.

— Tu ne vas pas nous quitter à la fleur de l’âge alors qu’il te reste encore un œil pour regarder les filles et une paluche pour leur dégrafer le soutien-loloches, je récrie.

Il renonce. Ses bonshommes ne mouftent plus. Je promène un regard aimable sur l’assistance.

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