Frédéric Dard - Va donc m'attendre chez Plumeau

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Va donc m'attendre chez Plumeau: краткое содержание, описание и аннотация

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Je n'ai, jusqu'à ce jour, reçu que deux lettres de Sa Majesté britannique Elisabeth II. La première date de plusieurs années et concerne mon livre « BAISE-BALL À LA BAULE ». La chère souveraine m'y faisait quelques remontrances parce que j'y avais assez lourdement brocardé un membre de sa royale family. L'envoi de deux douzaines de roses rouges (nous n'étions pas encore en régime socialiste), accompagnant un billet d'excuses, me valut son absolution. Mais voici que la cousine récidive, ayant entendu parler du présent ouvrage. Grâce à une indiscrétion de ma femme de ménage, elle me pria, par l'intermédiaire de l'ambassadeur de Grande-Bretagne à Berne, de lui adresser une copie de mon manuscrit. Je le fis. Ce qui motiva la seconde lettre royale. Madame Deux s'y déclare indignée de la manière dont je traite l'Intelligence Service dans ces pages et me somme de ne pas publier cette œuvrette. Passant outre cet interdit, mon éditeur et moi avons décidé de la faire paraître tout de même. Nous verrons bien.
SAN-ANTONIO

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Manière d’en viendre aux choses sérieuses, comprends-tu ? C’est mon ex-pote qui mord dans le gras du lard, bille en boule :

— Un truc fou, San-Antonio !

— Y a bon Banania, pourléché-je ; vas-y, j’écarquille.

— L’affaire débute par un nommé Stone-Kiroul, diplomate indien en poste à Moscou.

Il regarde le général Blackcat, lequel, d’après le peu de nos relations, a des difficultés avec le dialecte de Molière. L’officier en civil (jamais un officier ne fait davantage militaire que lorsqu’il est en civil) se tient droit contre le dossier de sa chaise, épousant à ce point la forme d’icelle qu’il a lui-même l’air d’un siège. On dirait que tout ce qui s’échange comme paroles dans une autre langue que la sienne ne l’intéresse pas.

Demussond poursuit :

— Un beau jour, Stone-Kiroul prend contact avec l’un de ses homologues britanniques et lui annonce qu’il vient de mettre le nez dans une histoire terrific dans laquelle l’Angleterre est concernée. Il n’en dit pas davantage, mais disparaît le soir même, bien qu’un rendez-vous à l’échelon suprême eût été pris pour le lendemain. On retrouve le corps de Stone-Kiroul dans sa voiture incendiée. Officiellement, elle a percuté un camion militaire. Fin du premier épisode.

— Je crois bien que je vais rester pour écouter le second, soupiré-je.

Demussond sourit. Le général paraît absolument momifié et je me demande presque s’il n’a pas été confié à mon pote par le conservateur du British Museum, des fois que ce serait Ramsès XX déguisé pour mieux passer les douanes.

— La semaine dernière, continue mon terlocuchose, un incident curieux, mais qui n’est pas le premier du genre, s’est produit à l’aéroport de Zurich : on a trouvé un homme dans le train d’atterrissage d’un avion de l’Aeroflot, en provenance de Moscou. L’individu était presque congelé par le froid. On l’a transporté à l’hosto dans un état de coma profond. Qu’il vive encore tenait du miracle.

— Effectivement, j’ai lu un entrefilet à ce propos dans mon bulletin paroissial, conviens-je. Un gars qui avait « choisi sa liberté » ?

— Le gars en question n’est autre que Stone-Kiroul, mon bon. Son cadavre carbonisé appartenait, si je puis dire, à quelqu’un d’autre. Lui avait été embastillé.

— Et il a joué la belle ?

— Mystère. Toujours est-il qu’on a trouvé sur lui le document dont voici la photocopie. Cela a été écrit avec le propre sang du gars ; Stone-Kiroul a utilisé une grosse écharde de bois comme plume et un méchant papier hygiénique en guise de vélin supérieur. Les Services britanniques ont repassé les caractères à la mine de plomb pour les rendre plus lisibles.

Je lis ces lignes, rédigées en anglais :

Si mort, adresser I.S. London. Prévenir P. J. France San Antonio. V 818 Stocky Pied .

Je lis, relis, rerelis, apprends par cœur ce texte un peu plus bref, j’en conviens, que les stances du Cid ; le rends à Demussond avec une grimace d’incompréhension.

Non capito , dis-je. Tu as une photo de ce Stone-Kiroul ?

Demussond qui n’attendait que cela extrait de son attaché-case un portrait de format 13 × 18 représentant un homme de race effectivement indienne, beau mais quasiment mort, ce qui ôte du charme aux individus les mieux tournés. L’homme a les yeux mi-clos, bien qu’on ait essayé de lui remonter les paupières pour faire plus gai.

D’un coup d’œil je balaie mes propres doutes.

— Je n’ai jamais rencontré ce gus, Milou (je l’appelais Milou à l’époque de nos frasques).

Il n’insiste pas, sachant parfaitement qu’en pareille circonstance je n’avancerais jamais une chose dont je ne sois rigoureusement sûr.

— Alors, comment expliques-tu ce message, Antoine ? murmure-t-il.

— Je ne l’explique pas. Cet homme m’est totalement inconnu, point à la ligne. Je suis même ahuri qu’il soit au courant de mon existence. Maintenant approfondissons un peu tout ça.

— Bonne idée, laisse tomber le général, en anglais pour nous convier à user de ce patois.

— Vous y croyez, vous autres, à l’évasion de Stone-Kiroul ? leur demandé-je. Vous avez déjà entendu parler des mecs qui se sont arrachés des culs-de-basse-fosse en U.R.S.S. ? Et en admettant la chose, vous trouvez logique que ce diplomate risque une telle équipée au lieu de se rendre tout bonnement à l’ambassade anglaise ou américaine ? Comme s’il était possible à un fugitif de vadrouiller sur les pistes de l’aéroport de Moscou et de se faufiler dans le logement d’un train d’atterrissage ! Cousu de fil blanc, mes amis. Ceci est un piège. Ce sont les Popofs qui vous ont expédié le gus.

— Après s’être esquinté le tempérament à faire croire qu’il était mort accidentellement ? objecte le général.

— Pourquoi pas ? Leurs desseins sont infinis… Dans quelle situation se trouvait-il lorsqu’on l’a déniché ?

— Il était attaché après un kraposck [1] Le kraposck est un produit breveté S.G.D.G. de mon imagination. S.-A. bloqueur, me renseigne Demussond.

— Attaché avec quoi ?

— Une sangle usée qu’il aurait pu trouver dans les salles où est entreposé le fret.

— D’après les employés de piste qui l’ont découvert, il aurait pu se fixer lui-même au kraposck ?

— Ils ne se sont pas posé la question et ont tranché les liens.

— Ce sont les autorités suisses qui ont transmis le message ?

— En effet. Conformément au souhait du diplomate, elles sont entrées en contact avec l’I.S. La chose n’a pas transpiré car les Helvètes sont discrets, c’est notoire ; la presse n’a même pas publié l’identité du fugitif, laquelle a cependant été connue moins de deux heures après qu’on l’eut trouvé dans sa niche.

— Il a des chances de survivre ?

— Il est mort, fait le général.

— Sans avoir repris conscience ?

— Est-ce qu’un bloc de glace reprend conscience une fois qu’on l’a fait fondre ?

Je soupire.

— Donc, pour l’I.S. je constitue une espèce de recours, n’est-ce pas ? J’ai une signification puisque le gars m’a adressé ces mots.

— Nous sommes en droit de l’espérer.

— Je sais parfaitement, général, que pour un organisme comme l’I.S., les dénégations d’un pékin, fût-il un honorable commissaire français, ne sont pas davantage prises en considération qu’un pet de moineau, pourtant, quand bien même vous auriez la possibilité de m’infliger le supplice de la question, je ne pourrais rien vous apprendre. Il y a cinq minutes encore, je n’avais jamais entendu parler de Stone-Kiroul. Vous ne me croyez pas ?

L’ex-momie (mais encore général et définitivement anglais) croise ses longues jambes maigres, puis ses longues mains maigres sur son genou gauche, plus maigre encore que tout le reste.

— Ecoutez, commissaire. Stone-Kiroul porte à la main gauche une entaille qu’il s’est faite avec un éclat de bois. Ce même éclat de bois lui a servi de stylo pour écrire, avec l’encre sortant de la blessure, un texte qui vous est adressé. Il est difficile d’admettre que vous vous ignoriez, lui et vous.

— Et s’il s’agissait d’une machination ?

— Cela changerait quoi ? Vous avez fatalement quelque chose en commun ?

Demussond, embarrassé de servir d’intermédiaire, se racle la gargoulette. Il sent bien que ça se crispe entre le vieux Rosbif et moi et que nous risquons de nous crêper le chignon si un été on se trouve en vacances ensemble au Club Méditerranée.

San Antonio, P. J. France , récite mon ancien compagnon de beuverie ; on ne voit guère qui d’autre que toi pourrait être concerné.

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