Ils ont des culs larges de deux mètres, des jambes qui les obligent à des démarches robotiques tellement qu’elles sont mahousses et s’entrechoquent.
La personne que je te signale ci-dessus a eu la bonne idée de se mettre un chemisier jaune et un pantalon de soie noir dans lequel, si tu le fermes du bas, tu pourrais coltiner un tombereau de betteraves. Son rouge à lèvres sur sa formidable bouche donnerait à penser qu’elle a dans le visage un panneau d’interdiction de stationner.
Et c’est la première Noire qui plonge ses yeux dans les miens depuis que j’ai débarqué céans.
— Hello ! elle me fait.
Moi, toujours facétieux, je lui répondrais bien que l’eau, elle est en train de remplir de nouveau le réservoir de la chasse, mais comme elle ne comprend pas le français, ma calembredaine passerait à côté de son humour. Alors, je lui retourne un « Hello » guilleret.
Elle s’arrête face à moi, si bien que le couloir se trouve complètement obstrué et que même un Biafrais ne pourrait pas passer entre nous deux. Au point que je sens frémir son énorme ventre. Elle a une odeur drôlement obsédante, la dame. Elle renifle, la grosse Noirpiote, le parfum sortant de chez les plus grands parfumeurs de Chinatown. Rance et ambre confondus : un vrai bonheur olfactif.
— Vous voulez vous amuser un peu, baby ? me demande cette sympathique personne.
— Ça dépend où et avec quoi, réponds-je, en m’efforçant de refréner mon enthousiasme pour ce projet.
Elle me sourit, puis il se passe un événement : elle entrouvre sa bouche et me tire une langue de six livres qui appelle irrésistiblement la sauce gribiche. Cet organe charnu frétille mollement, kif une carpe concluant son asphyxie par d’ultimes spasmes.
Ça doit être une tradition dans le patelin, pour les gonzesses pétassières, qu’elles soient blanches ou noires, d’aguicher le mâle par un déballage de menteuse plus ou moins appétissante. Cet aprème, la follingue de dame Cower, déjà, m’a chambré en exhibant sa bavarde !
Je regarde tristement ce tas rose et je me dis qu’un mec qui se laisserait caler ça dans la clape, par inadvertance ou bonté d’âme, périrait étouffé.
— J’ai un studio à deux pas et je vous ferai des trucs inouïs, m’assure la dame.
Sa main que j’avais pas vue partir m’arrive sur les aumônières et les palpe.
— Beau paquet ! complimente-t-elle.
J’ai oublié de te dire qu’elle porte aux oreilles des boucles qui sont vraiment des boucles, à savoir des anneaux de la taille de ceux qui servent en gymnastique.
J’exécute une esquive rotative pas trop impolie afin de soustraire ma panoplie de queutard à ses gestes hardis.
— Avec moi, vous seriez drôlement servi, baby !
Baby pense, qu’au poids, il aurait certes son taf.
Elle chuchote :
— Je suis noire.
— Vous faites bien de me prévenir, je ne l’avais même pas remarqué dans cette pénombre.
— Vous n’auriez rien à faire, je m’occuperais de tout.
De quelles formalités veut-elle donc parler ?
Devinant ma question, elle y répond :
— Je vous lécherais des pieds à la tête, baby , jusqu’à ce que votre engin soit aussi gros et dur que le flambeau de la Liberté. Ensuite je me mettrais à cheval sur vous, baby . Ma chatte est plus large que le Queens Midtown Tunnel. Pendant que je vous chevaucherais, vous pourriez profiter de mes seins. Croyez-moi, je vous ferais crier d’extase.
Note bien que si ce plan était réalisé avec un partenaire tel que Bérurier, par exemple, tu pourrais filmer la séance avec deux caméras simultanées et tu serais certain d’aller à Cannes.
Et puis tout à coup, soudain, brusquement [6] Biffer la manutention inutile. Bérurier .
, il me vient une idée.
— Il est loin, votre studio ?
— Dans l’immeuble. Si vous voulez, on peut même passer par la porte de service de l’ Old Country pour y aller.
— O.K., mais auparavant j’aimerais boire un pot car je crève de soif. Vous prenez quelque chose avec moi ?
— Pas de refus, baby .
Et me revoilà dans la salle, cornaquant mon éléphante noire, sans fierté superflue, je dois dire, mais enfin, brèfle, je préfère m’exhiber avec ce tombereau dans une boîte de Harlem plutôt qu’au Fouquet’s .
La gravosse planture sur la banquette. Elle déborde de partout. Son cul forme une flaque qui dégouline jusqu’à ma jambe. Son odeur m’incommode terriblement. Je me dis qu’un coup de raide me fera le plus grand bien et je commande un dry martini, tout comme ma sombre conquête. Quand je pense qu’il existe des frémissants de la membrane pour escalader la face nord de cette montagne de viande, je mesure combien l’on est peu de chose ! Capable de toutes les déviations, l’homme. Sa baguette magique l’incite aux pires turpitudes.
Elle est diserte, la mère. Me dit se nommer Loli. Paraît que sa mère était plus grosse qu’elle et que tous les hommes lui grimpaient dessus comme sur la coque renversée du Poseidon . Elle est contente que je sois français. Elle a beaucoup entendu parler de la France par son père qui a été G.I. pendant la dernière guerre. La France, c’est bien ce pays qui se trouve en Afrique, entre l’U.R.S.S. et l’Australie, n’est-ce pas ? Presque ? Elle est contente de sa mémoire. Tout ce que son vieux lui a raconté demeure intact dans sa tête.
Je louche sur ma Cartier. Trente minutes se sont écoulagas depuis mon coup de grelot à Mathias. J’ai idée qu’il ne va pas tarder, l’apôtre. Et alors j’ai des picotements plein le recteur, avec des élancements diffus dans la région précolombienne. Ce qui va suivre ne doit pas cafouiller. La moindre foirade peut comporter des conséquences graves. Avant tout, être bien certain que l’Ecarlate se trouve en position.
J’attends encore un brin avant de cigler. Puis je fais signe à la serveuse et la couvre d’or.
— On monte, darling ? proposé-je à mon égérie d’un soir.
— D’accord, d’accord…
Je me lève et écarte la table afin de permettre à mon gros cargo de sortir du port. Les musiciens se remettent en formation sur l’estrade. Les deux projos anémiques se rallument. Tiens, le gonzier au manteau d’astracon s’est fait la valoche avec son lad.
Tout naturellement, je me dirige vers la sortie.
— Vous ne préférez pas passer par l’intérieur de l’ Old Country, baby ? demande Loli.
— C’est comme vous voulez, fais-je nonchalamment en continuant toutefois de marcher vers la rue.
Parvenu à la porte, je balance un coup de sabord à l’extérieur et j’ai l’immense satisfaction d’apercevoir un taxi jaune à trois mètres de là. Je m’efface pour laisser passer ma conquête. Résolument, je mets ma main sur son épaule, bien signifier au Rouque que je l’accompagne et qu’il doit se garder au chaud en attendant la suite.
Il est marle comme un sapajou, le Mathias, sauf qu’il a la queue moins longue. Rien ne bronche dans le taxi. Ma grosse négresse emprunte le perron où le vieux au chapeau melon continue de fumer.
Elle lui grommelle de tirer ses saloperies d’os de merde en shootant dans ses genoux. Le vénérable la traite de pute pourrie et m’annonce qu’elle va me foutre toutes les véroles des cinq continents, ce qui te montre l’esprit de bon voisinage qui règne dans ce vieil immeuble nécrosé.
Je mate une dernière fois en direction du taxi : calme absolu. On ne distingue même pas s’il y a quelqu’un à l’intérieur.
Nos pires ennemies sont les odeurs. Sitôt que je plonge dans la maison, mon odorat est assiégé par une quantité féroce de remugles. J’en ai un sursaut, des élancements à haut voltage. Ma faiblesse ? Le pif, je te le répète sans cesse. Mais quoi, on a tous nos misères, non ? Chacun sa tiare (comme disait Pie 1416) : Bossuet zozotait, la Pompadour avait une jambe de bois, Borotra était manchot, Lindbergh aveugle, et Beethoven souffrait d’un diabète sucré. L’essentiel est de faire avec. Regarde Alice Sapritch : elle fait avec ! C’est ça le courage, mon grand ! Et la reine Fabiola ? Tu l’as déjà entendue se plaindre, toi, la reine Fabiola ? Mon cul, oui ! Mme Mitterrand, c’est pareil : stoïque ! Je leur tire mon chapeau, ces dames. Note que je préfère leur tirer le chapeau que je ne porte pas plutôt que le pantalon que je porte bien. La princesse Margaret, qu’était si jolie quand elle était belle, tout comme ! Elles endurent, ces pauvres femmes, et puis c’est tout. Elles forcent le respect en silence. Inclinons-nous, et puisque tu as la foi, prie ! Comment ? T’as pas la foi ? Pourtant, l’autre jour tu m’as dit que ta foi te taquinait ? Ah ! tu parlais de ton foie ! J’avais mal entendu.
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