Frédéric Dard - Tarte aux poils sur commande

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Tarte aux poils sur commande: краткое содержание, описание и аннотация

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Pour bien se préparer à la consommation de la tarte aux poils, il est conseillé de manger beaucoup de cœurs d'artichauts non ébarbés. Ensuite, il est bon d'embrasser le sculpteur César, Alain Bombard ou François Nourissier à pleine joue et de façon répétitive, avant de prodiguer ces baisers fougueux à un manteau d'astrakan (dans la région des boutonnières de préférence).
L'entraînement doit être intensif. Songez qu'Arthur Rubinstein s'est fait chier des années avec « La Lettre à Elise » avant d'interpréter ces noctumes de Chopin qui ont assuré sa gloire.
Lorsque vous aurez la certitude de bien maîtriser le sujet, vous pourrez vous risquer alors à pratiquer sur une dame la figure dite de « l'enveloppe cachetée ». Pour le reste, faites confiance à votre instinct et allez de l'avant !
Cela dit, il n'y a pas que des séances de tartes aux poils dans ce saisissant ouvrage.
Vous trouverez en outre : une balle fondue, huit caïmans (mais peut-être sont-ce des alligators ?), une mine désaffectée, un nègre blanc, une balle de golf particulière et plus d'une tonne de cadavres.
Quand vous aurez achevé votre lecture, faites-moi signe : on ira bouffer ensemble.
De la tarte aux poils, de préférence.

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— Pas la peine, fait le Turc, je connais les hommes, je sais quand on me chambre et quand on me parle à la loyale. Qu’est-ce que je peux faire, dans ce fourbi, moi ? Depuis mon rade où j’ai pris ma retraite, les dernières nouvelles U.S., vous savez…

— Manolo prétend que son frère a fait une rencontre exceptionnelle : un mec grand style, sortant des sentiers battus. Paraîtrait que c’est ce gus providentiel qui l’aurait embarqué chez les Ricains. T’es au courant, Sauveur ?

Illico il opine.

— Tout à fait. C’est une drôle d’histoire, vous savez.

« Vous savez », c’est un peu son leitmotiv, Sauveur. Tout le monde a ses petites répètes de langage, des mots ou des phrases qui ponctuent la pensée.

— Raconte !

— A la fin de ma période friponne, je m’amusais dans les bagnoles de classe. J’avais des petits mecs qui les piquaient et les amenaient dans mon entrepôt où on les maquillait avant de les fourguer chez les troncs du Moyen-Orient. Je vous en parle relaxe vu que je suis tombé pour ce trafic et que j’ai payé. Bien que ce ne soit pas sa spécialité, mais plutôt pour le sport, car il raffolait des tires performantes, le Gitano m’apportait de temps en temps une BMW, une Porsche, voire une Ferrari. On était liés depuis lurette, les deux. C’est un gars de première, l’Espanche. Un vrai julot. Travailler ensemble, ça constituait une espèce d’acte d’amitié, vous savez…

— Je comprends.

— Voilà qu’un jour, il s’amène comme un milord au volant d’une Rolls rutilante. « Ce tas de ferraille t’intéresse aussi ? » il me demande. Vous pensez ! Mes marchands de pétrole, ils se seraient épluchés la peau des couilles pour avoir une Rolls. Donc, on traite l’affaire, ce qui était fantoche parce que le blé, entre nous, c’était juste pour le folklore. Ensuite, je débouche une roteuse car j’avais un frigo dans mon entrepôt. On sable le champ’. Le Gitano, chacune de nos retrouvailles devenait une fiesta. On biberonnait une rouille, puis deux ; ensuite on allait claper dans une cage heurf et ça se finissait au bouik où on tirait la même frangine. Lui, il adorait la tarte aux poils et l’œil de bronze, et on fourrait la souris en duettistes. Il trouvait le moyen de plaisanter en limant, ce con ! Un self-control à toute épreuve…

Voilà qu’emporté par ses évocations, il remet un tournée : des doubles.

— Ne me fais pas languir, Sauveur, je pressens de la péripétie !

— Vous pouvez ! Comme on est là à roter notre Dom Pérignon, la porte de ma taule part à dame, because un camion qui l’emplâtre à toute vibure. Deux mecs sautent du Mac, feux en pognes. Ils nous braquent méchamment, sans en casser une.

Un troisième personnage descend du quinze tonnes. Un zig pas du tout fait pour employer ce genre de véhicule : grand, mince, la cinquantaine, habillé d’alpaga noir, chemise blanche, des lunettes à monture d’or aux verres teintés. Au gnouf j’ai ligoté des « Série Noire », il faisait songer à un personnage d’Hadley Chase, vous savez ?

— Oui, je sais. C’est passionnant. Après ?

— Ce gusman s’avance tranquillos jusqu’à nous qui étions là à attraper les nuages devant les arquebuses des mecs. Il parle. Accent amerloque. Il dit : « Je viens reprendre ma Rolls que vous m’aviez empruntée. » Alors, du coup, on était cloués, le Gitano et moi. Le bonhomme ajoute : « On vous laisse ce camion, comme lot de consolation ». Et il sourit sous ses lunettes sombres. Puis il fait un geste à ses sbires. L’un d’eux s’approche de Miguel, lui cloque son feu entre les omoplates et lui désigne la Rolls. « Monte ! ». On aurait juré une scène de film, série B américaine en noir et blanc, vous savez ?

J’opine. Oui, oui, je sais. J’imagine parfaitement le déroulement de l’opération.

Sauveur continue :

— Ils sont tous grimpés dans la Rolls et se sont cassés. Le Gitano m’a filé un regard qui ressemblait à un adieu. Il pensait qu’il venait de faire un galoup à un caïd et qu’on l’emportait pour le punir. Il se voyait déjà avec deux bastos dans la pensarde ; moi aussi d’ailleurs. Pourtant, je me disais que s’ils avaient eu l’intention de l’allonger, ils m’auraient praliné itou, pas laisser en circulation un témoin.

« Alors bon, ils se taillent et je reste comme un con devant ma lourde défoncée et ce camion branlant piqué sur un chantier. Je me rongeais les sangs pour mon pote. Le lendemain, le Gitano m’a filé un coup de turlu. Très bref. « Juste pour te rassurer, m’a-t-il dit. Te fais pas de bile, Bill, je passerai te voir bientôt. » Bon, de l’entendre jacter m’a soulagé. Le crack d’Hadley Chase n’avait donc pas commis l’irréparable ».

— Il est allé te voir ? interrogé-je.

— Oui, à mon domicile, mais je ne m’y trouvais pas ; c’est Maryse, ma fille, qui l’a reçu. Il était pressé. Il l’a chargée de me dire que tout baignait avec le type de la Rolls. Ce mec lui avait confié un turbin dans lequel Miguel avait fait merveille. Le Ricain était tellement satisfait qu’il l’avait pris avec lui dans son « affaire ». Paraît qu’il jubilait, le Gitano. Il allait tâter au business international, larguer le bricolage franchouillard pour des opés de haut niveau, tout ça ; partir en Amérique, dans le Mississippi, dès la semaine prochaine. Il m’écrirait.

— Et il t’a écrit ?

— Oui, mais je me suis fait serrer pour mon négoce de bagnoles au même moment. Comme c’était une carte postale qu’il m’adressait, ma fille l’a coincée dans le cadre d’une glace et je ne l’ai trouvée que beaucoup plus tard, à ma sortie de pension.

— Elle venait d’où ?

— D’Amérique.

— Mais encore ?

— Je ne me souviens plus. En tout cas, je l’ai toujours ; elle est encore à la maison. Vous voulez la récupérer ?

— J’aimerais.

Il regarde sa tocante.

— Ma fille est rentrée, moi je ne peux pas quitter mon rade, mais si vous voulez passer, je tube à Maryse pour la prévenir ?

— T’es serviable, mec. J’ai idée que si tu ne fais plus trop de vagues, tu peux espérer une vieillesse heureuse.

Il sourit.

— C’est ma môme qui m’a remis en selle. La dernière fois que je suis sorti du trou, je l’ai trouvée changée. Elle avait grandi, mûri ; c’était devenu une femme. Sa mère est mal portante et c’est elle qui s’occupe de tout. Elle m’a coincé dans notre salle de bains, pendant que je me rasais. Elle m’a dit : « Papa, tu sais que j’aimerais bien avoir un père avant d’avoir des enfants, un jour ? Les parloirs, c’est pas pratique pour dorloter son vieux ! » Elle s’est foutue à chialer. Moi aussi. Depuis cet instant, je suis nickel.

Je lui tends la main.

— Compliment, Sauveur. T’as une fille bien et, toi-même, tu ne dois pas être si mal que ça, vieux forban !

On se quitte. J’oublie de carmer les consos, mais je pense qu’il aurait pas accepté mon carbure, au point où nous en sommes.

Il a tout de même dû engranger, Sauveur, au cours de ses arnaqueries, si j’en juge à la qualité de son appartement. Un demi-étage dans un immeuble neuf à la Muette, faut avoir l’osier ! C’est sa grande fille qui vient débonder, et je remercie le ciel qu’elle ne ressemble pas à son vieux. Du moins pas trop. Y a juste le regard qui soit signé Kajapoul. Des mirettes soucoupes, d’un noir brillant d’insecte, veloutées et ardentes, qui plongent au fond de toi comme des fers de lance, ainsi que l’a écrit Alexandre Dumas dans sa biographie de Canuet. Elle est royale, cette frangine ! Sculptée pleine viande par un génie à la Michel-Ange ! Le teint très clair, la bouche spirituelle, des dents de dévoreuse. Ses cheveux sombres et lourds sont assez longs et séparés par une raie de côté. Elle porte un grand T-shirt rose pâle qui lui descend aux cuisses, et rien d’autre ! Peut-être un slip ? Elle est nu-pieds, ce qui accentue le côté sauvageonne de la personne.

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