A gestes somnambulatoires, elle se lève, trousse, se déslipe. La voilà en Y (je dis bien i grec). S’avance pour chevaucher, m’engouffrer, mais ces salopards de fauteuils ont les accoudoirs trop enveloppants pour autoriser une telle fantaisie. Alors je m’arrache et la saisis par la taille. Hop ! Elle m’enserre de ses cuisses sublimes. Ma tête chercheuse part en guerre. Pas commode. Je soulève Ellena. Un point d’appui ! Atlas, à moi ! Le lit ! Je l’y coltine, l’y dépose en travers. Le michier offert. Et vraoum ! C’est l’enfourchement épique. On se jette à corps perdu dans l’étreinte, comme l’a écrit avec sa fougue coutumière la comtesse de Paris. La fornique funèbre auprès de mamie Morituri qui n’en peut mais. Pet à son âme chastifiée par les ans.
Note qu’on lui prend le moins de place possible, la pauvre chérie ; juste cinquante centimètres carrés pour maintenir le cul d’Ellena. Elle m’enserre de ses bras et de ses jambes, me tire une menteuse de caméléon dans la clape en poussant des cris, de ce fait, inarticulés. Heureusement, la literie est de premier ordre à l’institut de t’es salaud t’es rapide. Le sommier résiste vaillamment à la harde sauvage. Il joint parfois un léger gémissement à ceux, tonitruants, de la belle Ritale. Musique douce, plainte langoureuse des ressorts amis de la gigue ; complicité musicale propre à stimuler les ardeurs si besoin en était ; mais besoin n’en est pas. La brave maman du constructeur est animée d’un suprême mouvement. Comme dans Cyrano, elle a l’odeur du festin et l’ombre de l’amour . Si elle nous contemple de là-haut, elle doit être heureuse de cette partie de luth.
Ellena, y a longtemps qu’elle faisait ceinture. Je reconnais illico les femmes en manque de chibre. Cette voracité désespérée, ce fantastique élan des reins pour t’essorer les tréfonds. Je pique des deux ! On ne forme qu’un écheveau de viande en délire. La dame de compagnie me la fausse au détour de la tringlée. Elle apothéose avec brusquerie que trop fort c’est trop fort, elle peut plus se contenir. Un cri sauvage, elle me délangue, fait une somptueuse grimace d’indicible plaisir et s’abat, comme la reine du même nom.
Je dépourve un peu d’être ainsi largué, mais je suis un homme galant qui connaît de la vie tout ce qu’en ignore la reine Fabiola. Alors je cours un peu sur mon aire pour la rejoindre sur la plage languissante de la félicité.
Charogne ! L’ai-je bien descendu ! J’en ai des paillettes d’or dans la vue. Alors je me récupère à la cuiller, me dresse sur un coude.
Et que vois-je-t-il, debout dans l’encadrement de la porte ? Alexis et Lucette, sa miraculeuse épouse. Elle a passé un manteau par-dessus sa robe d’intérieur. Lui, il est en veston et tient à la main un grand verre d’eau dans lequel trempe un rameau de buis.
La honte de mon existence ! Le comble du désespoir. Etre pris en train de limer au côté d’une défunte, le bénouse sur les godasses, le panais encore virulent de l’assaut qu’il vient de livrer ! Où me dissoudre ? Où me cacher ? Où m’immoler par le feu après m’être aspergé d’essence ? La confusion me flanque une crise d’angine de poitrine. Je reste debout, le paf en soubresauts agoniques, les yeux ronds.
— Tu pourrais cacher ta bite, au moins ! s’indigne Alex.
Oui, c’est vrai, il a raison. Ma bite ! Où est-elle ? Ah ! oui, je l’aperçois en bas qui me fait des gestes affectueux. Mon slip ! J’avais bien un slip, bordel à cul ! Je ne le vois plus ! Si ! Lové au creux de mon futal tire-bouchonné ! Me baisse, le remonte. Voilà, dodo Popaul. Avant de se laisser engouffrer, il dit adieu à Ellena et bonjour à Lucette. Mutin, si tu savais.
A présent, c’est mon grimpant que je réajuste. La dame de compagnie trottine jusqu’à la salle de bains pour y planquer sa gêne et y rafraîchir sa chatte.
— Eh bien, oui, m’enhardis-je. La vie est un long coït effréné, mon pauvre Alex. C’est toujours elle qui gagne ! J’étais passé réconforter Mlle Ellena, et puis…
Mon pote se remet lentement de sa stupeur outragée.
— Tu as toujours su réconforter les dames, ricane-t-il.
Il s’avance jusqu’au chevet de la trépassée.
— Lucette et moi étions également venus pour réconforter, mais nous pensions nous y prendre autrement, je l’avoue. Nous avions même apporté de l’eau bénite, chose dont les défunts italiens sont particulièrement friands.
Il dépose son verre à côté d’une bougie.
Machinalement, il se saisit de la branchette de buis et balance un signe de croix express sur la signora .
Lucette s’avance à son tour et imite son époux. Elle ne me regarde pas. M’est avis que je n’occupe même plus un strapontin dans son estime. Celle-là, je la lui copierai ! Je lui fais une déclaration enflammée pendant la brève absence de son époux et elle me trouve, une paire d’heures plus tard, en train de tirer une gouvernante sur le lit de mort de sa patronne ! Où ça va, ça ?
— C’est un goupillon de fortune, murmure le ci-devant talonneur, en remettant le rameau de buis dans le verre. Que veux-tu : chacun le sien !
Les époux font comme la mer à marée basse : ils se retirent [4] Çui-là, je l’ai fait souvent, mais c’est comme le Bonaparte manchot : on ne s’en fatigue pas ! San-A.
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Et voilà ! Plus d’espoir ! En nourrissais-je vraiment ? Envisageais-je-t-il de me faire l’épouse surnaturellement belle de mon ami ? Oui, je l’avoue. Au fond de mes testicules cupides, ce sournois projet fomentait des préparatifs machiavéliques. Mais maintenant, ces turpides convoitises sont à Volvo (comme dit Béru pour vau-l’eau). Ah ! comme il est dur, le renoncement ! Comment la persuader que je suis plein d’elle et que c’est précisément pour essayer de l’oublier un instant que j’ai embourbé l’Italoche ? Baratin de bas niveau ! Arguments de garçon de bain !
Ellena tarde à revenir. Des bruits cataracteux proviennent de la salle d’eau. C’est le grand fourbissage ! A présent, j’ai une monstre envie de me rapatrier dans ma turne, mais, gentleman jusqu’au bout, j’attends le retour de la gonzesse pour lui prendre congé.
Drôle de fougueuse ! Note que je l’avais mise en condition. Cette ambiance funèbre a joué un rôle prédominant. A côtoyer la mort, tu te raccroches à la vie. Ton corps de vivant n’est pas assez chaud pour te guérir du corps glacé jeté sur le lit. L’éclairage confidentiel, mes effluves de mâle, ma voix prenante, mes… Qu’est-ce que tu dis ? J’en remets ? J’ai intérêt à faire sobre ? Sinon je sombre dans le mauvais goût ? Ouais, t’as raison. Bon, disons très simplement que le climat y était et qu’on a piqué, poussés par un désir incontrôlable.
Pauvre chère signora ! Si son constructeur de fils apprenait nos galipettes !
Ellena réapparaît, les cheveux mouillés, fleurant bon l’eau de toilette.
— Je n’ai pas pu résister à l’envie de prendre une douche, dit-elle. Le directeur et sa femme sont partis ? Seigneur, que n’avions-nous mis le verrou ! Vous croyez qu’ils relateront notre conduite au signor Morituri ?
— Non. Clabote est un ami de longue date et il est discret.
— J’ai honte, soupire-t-elle en se laissant tomber dans le fauteuil qui me fait face.
— A quoi bon ? soupiré-je.
— En tout cas, c’était divin.
Bien que je me fasse une autre idée du « divin », j’opine. La friponne considère cela comme une absolution et avance son pied nu jusqu’à ma braguette. Insatiable ! S’imagine-t-elle que je vais faire rebelote ? Faut pas pousser, d’autant que j’avais déjà donné dans l’après-midi, souviens-toi du jambonnage éclair avec Marinette, la secrétaire ! Du bout de ses orteils carminés, elle me farfouille la batterie de cuisine. M’attise les ardeurs, souffle sur mes brandons.
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