Frédéric Dard - Aux frais de la princesse

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Aux frais de la princesse: краткое содержание, описание и аннотация

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Tu te rappelles le Vieux ? L'homme au crâne poli et à la langue agile ? Chilou, mon prédécesseur Achille, notre bon vieux Dirlo, le Dabe, dont l'exquise politesse n'avait d'égale que la mauvaise foi.
Eh bien ! figure-toi qu'il a disparu !
Volatilisé, le bouffeur de chagattes !
En même temps qu'une petite comédienne dont les « coups de chaleur » sont réputés à Paris et dans la France métropolitaine. En apprenant ça, tu te dis qu'ils sont allés enfiler le parfait amour dans un coin peinard ?
Zob, mon pote ! A côté de la plaque ! Quand tu sauras ce qui s'est passé, t'auras les roustons qui te gicleront des orbites !
Dans ce
, on y va à fond la caisse !
Emporte ton détachant pour les éclaboussures !

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Il me reçoit derrière une chiée d’appareils chargés de faciliter la vie des gens après une initiation longue et incertaine. Il lit ma carte en murmurant « Police judiciaire » du ton d’un homme qui cherche à se rappeler le nom d’une lotion after-shave. Puis une indication doit se préciser dans sa cervelle yankee car il murmure « Je vois… » d’un ton lourd de sous-entendus inagréables pour moi.

— Des problèmes ? il demande du ton assuré de quelqu’un qui n’a rien à se reprocher à lui-même et tout à reprocher aux autres.

— Vous avez été marié à Thérèse Genitrix-Desqueyroux, comédienne ?

— Si peu et si mal ! Pourquoi ?

— Il semblerait qu’elle ait disparu.

— Vraiment ? En tout cas elle n’est pas chez moi.

— Malgré votre divorce, vous continuiez de la voir ?

— Il ne fallait pas ?

Le ton est rognard.

— Au contraire, je trouve ça sympa. Ce qui m’a toujours retenu de me marier, c’est la perspective de tomber sur une femme qui considérerait un jour notre divorce comme le début d’une vendetta. Donc, vous aviez conservé de bonnes relations avec elle ?

— Je lui verse une pension, pas très forte je le reconnais. Aux U.S.A., la chose m’aurait coûté plus cher. Comme cette fille a un tempérament de feu, elle m’appelle parfois pour assumer ce qu’elle nomme…

— Ses coups de chaleur ?

— Ah ! vous êtes au courant ?

J’ai marqué un point dans ce qui lui sert d’estime. Il ajoute :

— Thérèse a beaucoup, beaucoup de… Comment dit-on ?

— Tempérament ?

— Exact. Cela la prend par crises. Brusquement, elle stoppe ses occupations parce qu’il lui faut un homme ; un homme précis. Parfois c’est moi, parfois un de ses collègues, ou bien son médecin, voire son kinési. Il lui est même arrivé de faire monter un chauffeur de taxi qui la branchait. Quand j’ai découvert la chose, vous pensez bien que j’ai repris mes fringues et mon nom, puis changé d’appartement !

Il sourit.

— Un vrai numéro ! Ainsi, elle aurait disparu ?

— C’est ce qu’on dit des gens qui quittent leur domicile sans donner de leurs nouvelles.

— Elle est partie quand ?

— Environ deux mois.

— La domestique noire ne sait rien ?

— Fleur-de-mai ? Rien ! Elle l’attend en fumant des cigares gros comme votre poignet.

— Elle aussi, c’est quelqu’un de pas triste !

— A quand remonte le « dernier coup de chaleur » que vous avez eu à ventiler ?

Le verbe l’amuse, il dit :

— Vous êtes marrant, pour un flic.

— Il n’y a pas de contre-indication. Ma devise est celle des nains de Blanche-Neige : « siffler en travaillant ». Mais vous n’avez pas répondu à ma question : quand avez-vous « vu » votre ex-femme pour la dernière fois ?

Il réfléchit, puis se met à feuilleter son agenda à rebrousse-poil. Y consignerait-il ses coïts ? Il doit percevoir ma question car il me dit :

— A son dernier coup de chaleur, j’avais un acheteur japonais dans mon bureau et il a fallu que je le quitte.

— Ça pressait tant que ça ?

Il hoche la tête.

— Vous savez, les moments de frénésie de Thérèse méritent d’être vécus. Ce qui se passe sur la moquette de son salon vaut le voyage et j’aurais flanqué le Nippon par la fenêtre s’il l’avait fallu. Chaque fois, c’est le coup du siècle. Elle est sublime dans le rut ! Bon, notre galipette remonte au 4 avril.

— Un peu plus de trois mois. Vous a-t-elle parlé d’un voyage qu’elle s’apprêtait à entreprendre ?

— Non.

— Vous a-t-elle parlé de « Tonton », un vieux type riche et maniéré qui devait avoir des bontés pour elle ?

— Non plus. Thérèse est très discrète à propos de sa vie privée, en dehors, bien sûr, de ses débordements, qui eux constituent des états de crise passagers.

— Pendant la période où vous avez été mariés, a-t-elle fait allusion à un endroit qu’elle aimait particulièrement ou qu’elle aurait souhaité connaître ?

— Oui : Paris.

— C’est une boutade ?

— Pas du tout : Thérèse est une petite provinciale fascinée par la capitale. A vingt ans, elle a lâché des études de droit à Bordeaux pour venir tenter l’aventure à Paris. Quand je lui parlais d’un séjour aux States, elle me répondait : « Vas-y tout seul, il m’est impossible de partir d’ici. » Paris était devenu son idéal, sa vie, son bonheur.

— Cependant, il manque deux valises dans son dressing, murmuré-je. Mais aucun vêtement, d’après Fleur-de-mai. Curieux voyage, avec bagages mais sans effets. Voyez-vous, Mister Mortimer, quelque chose ne tourne pas rond dans tout ça !

— On le dirait, admet le Ricain. A présent vous m’excuserez, mais j’ai un rendez-vous sur un tournage. Si vous apprenez du nouveau, vous voudrez bien me prévenir ?

— Comptez sur moi, fais-je en me levant.

Je lui tends la main. Il la regarde comme s’il ne se rappelait plus à quoi elle peut bien servir mais finit par y juxtaposer la sienne pour un shake hands .

— Le vieux Tonton dont vous parlez, vous le connaissez ? demande Mortimer.

— Tout à fait.

— C’est un type honnête ?

— Plus honnête que lui, il n’y a que le Seigneur, et encore, par moments je me pose des questions !

L’ayant laissé, je me rends du pas rapide de ma 600 SL chez Charly Genous, l’amant de queue épisodique de l’actrice disparue. A vrai dire, je n’espère pas grand-chose de ma visite, mais dans notre job il ne faut rien négliger.

L’homme habite une espèce de loft dans le quartier Saint-Antoine ; le local devait servir d’atelier à un tapissier car on l’a mal déblayé et il subsiste des pans de tentures, des carcasses de sièges de style, des liasses-échantillons flétries, tandis que le sol est jonché de clous à tête dorée, de petites semences perfides et de lambeaux d’étoffes. L’emménagement du « queutard professionnel » a consisté en l’apport de quelques meubles usuels et d’une quantité de posters le représentant à pied d’œuvre, forniquant avec des donzelles salopes au moyen d’un sexe qui, s’il ne marche pas complètement sur les brisées de celui de Bérurier, n’en reste pas moins hors des normes courantes.

La porte palière reste entrouverte, because un chat dont la caisse de sciure se trouve à l’extérieur du logement. Ainsi l’animal, un énorme angora castré qui me fait songer à Raymond Barre par son côté calme et gentil, peut-il aller de son coussin à ses latrines sans avoir à miauler de chiage.

Lors de mon accession à ce dernier étage d’un immeuble ventru et sale, démuni d’ascenseur, et dont les marches geignent aux semelles, je perçois un murmure de conversation : celle d’un couple mobilisé par un grave problème d’intendance. Ma vive intelligence, qui se situe nettement au-dessus du niveau de la mer, me permet de comprendre rapidement la teneur du débat.

J’explique. Charly Genous, que ses prestations sur vidéo surmènent et épuisent, n’a plus suffisamment de « mordant » pour satisfaire sa propre camarade d’existence. Elle en conçoit une légitime humeur et, afin d’écrémer son mec à bloc, lui ligote les testicules très serré avec un lacet de cuir. Une telle compression agit favorablement sur les parties de l’exténué, lequel récupère alors un regain de vigueur que sa partenaire met à profit. Seulement, le procédé engendre une souffrance difficilement tolérable contre laquelle Charly regimbe. Mais son brancard ne l’entend pas de cette chatte et renaude comme une crémière volée.

Elle exige son dû, la garce. Pendant l’opé, elle a branché une cassette de son julot : « Les Vampires de la volupté », et elle entend tourner son propre remake. Elle veut qu’il lui interprète les mêmes rock-saynètes que dans cette superproduc. Tout ! « Le Martyre de saint Sébastien », « Fantomas empétarde Juve », « La Tzarine perverse », « L’Aiglon suce Flambeau », « Les Vendredi de Robinson », « Le Coolie automate », « Le Cul racé de mon pote Eskine », « Trois zobs et un boudin », « Un Doigt de cour côté jardin », « La Canule des rêves », « La Motte que l’abbé fourrait », tout, te dis-je, elle réclame cette goulue du nom d’Hortense. Et quand, dans le film, la queue de son homme fait craquer les fines crénelures d’un muscle annulaire, elle en veut autant pour elle, stoïque amante capable de sacrifier la fermeté de ses sphincters à une passionnelle reconstitution. Ô sublime femme qui ne tolère le partage que s’il est équitable !

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