Je te prétendais donc qu’on doit aller de l’avant, surtout quand on marne en action policière de mes couilles. Si tu laisses retomber le soufflé, ils te balancent le polar à la gueule, les lecteurs, t’envoient apprendre ton dur métier d’embrouilleur qui débrouille.
Alors, pour dire de la conditionner bien à bloc, je lui consens une petite main tombée. Le lézard fantasque : devine le nom de la bêbête qui monte qui monte.
Elle batave de la cramouille, dame Martha. Revient à ses antiques émois en toc d’avant la coloniale, quand un superbe mac de Pigalle la chibrait d’importance.
En somme, c’est quoi, comme patelin, Gagnoa ? Il y a des gens particuliers, ici, en dehors des indigènes et de ceux qui viennent y gagner leur buffle ? Un vieux peintre richissime, ancien bagnard réhabilité, légèrement focard sur les pourtours ? Et, en dehors de ce kroum ? Nobody ? Y a pas de maison coloniale à l’écart ? De palais résidentiel ? Non ? Prenons ses clients, dès lors : les Russes par exemple, ils ont radiné comment ? En avion ? Sont allés louer une voiture pour visiter la région ? Y a quoi à voir, somme toute ? Ici, c’est un bout de désert, mais la forêt est proche. On peut y chasser ? Oui, mais faut prendre un permis ; elle en délivre, mistress Van d’Expute. Non, non, les Russes ne lui en ont pas demandé.
En somme, je n’ai rien appris de positif. La daronne croit que je vais lui faire sa joie de vivre et souffle court. De la sueur préalable lui dégouline sur les ailes du nez et son regard chavire. Franchement, je ne m’en sens pas pour l’honorer (non : je n’ajouterai pas de Balzac, n’y compte pas !). Dis, je viens d’accomplir une bath prestation avec les gonzesses au père Gauguin-Dessort. Une brave femme comme Martha, c’est seulement possible les jours de jeûne, après un sévère Ramadan ; ou bien quand t’en as un coup dans les carreaux qui te porte aux euphories.
Qu’heureusement, je suis tiré d’une situasse embarrassante par Bérurier, lequel entre sans s’annoncer, la trogne lumineuse, la bouche comme une andouillette en train de mijoter au bord du fourneau.
— Navré d’vous déranger, les amoureux, mais faut qu’j’vais t’causer, Gars.
Le charme à la vioque est rompu : clac ! Je retire ma main de ses territoires en friche, l’aide à se mettre debout. Elle part, titubante. D’une œillade, je lui promets l’avenir. Pendant ce temps de mondanité, Béru écluse la boutanche de rouille.
— Tu as déniché quelque chose de valable ? l’interrogé-je, lorsque nous sommes seulâbres.
— Pas mal et toi ? il riposte, joyce comme un serin dont on vient d’ouvrir la cage.
Le rot complémentaire qu’il me délivre en bonne et due forme donnerait à penser que les lions attaquent.
Il en chasse les vapeurs subséquentes d’une main gracieusement agitée.
— Drôlement outillés, les frangins.
— C’est-à-dire ?
— Un attirail d’photographe vach’ment chiadé. J’t’ débute par la boîte en métal qui sert à l’transbahuter. Elle a un doub’ fond, c’t’-à-dire qu’y faut qu’t’ôte l’garnissage d’velours rouge, dont y s’déboîte, pour trouver, par en dessous, un mignon poste émettreur. D’la mignarisation admirab’, Mec. L’vrai véritab’ bijou. À tout hasard, j’ai engourdi la pièce maîtresse, qu’est le fignoleur d’fréquence, qu’ j’ai l’honneur d’te présenter ci-joint.
Il tire de sa vague une petite pièce chromée, cylindrique.
— Ils ont l’bonjour s’ils voudraient émettrer, maint’nant.
— Bravo. Ensuite ?
— Ensute, mon gamin, j’ai découvert qu’le trépied télescopé qui sert à faire d’la pose est en réalité une arme, lorsqu’on l’assemble différemment. Question d’emboît’ment. L’socle contient des bastos grosses comme des noyaux d’dattes, qu’en voicille une pour ton information personnelle d’à toute faim utile.
Je cueille l’espèce de projectile et le laisse rouler au creux de ma main.
— C’ doit z’êt’ une balle très partie-culière, hmmm ?
En effet. Seule la pointe est en acier fouinazé pour permettre la pénétration, le reste doit contenir une substance nocive, voire explosive, que sais-je.
— Toujours est-elle qu’y n’sont pas près d’s’en servir, ricane en souriant aigre le monstre des abysses, Magine-toi qu’j’ai enfoncé discrètement dans l’canon la barrette d’réglage d’mes bretelles qui just’ment v’nait de flancher.
Je donne une caresse pour chien sans puces au Mastar.
— Voilà de la belle besogne, mon ami.
— Quel plan tu mijotes, Grand Chef ? demande le Radieux qui remue la queue de plaisir.
— Attendre et voir, réponds-je. Je vais essayer de louer une bagnole quelque part pendant que toi tu perceras un trou discret dans la cloison de ta chambre, non entre ta piaule et la mienne, mais entre la tienne et celle qu’occupe le « couple ». Il serait intéressant d’écouter ce qu’ils se disent.
— Et s’ils causent en russe ? objecte Bérurier.
— Alors j’apprendrai le russe.
CHAPITRE BONZE [19] Dédié aux petites bonzesses que j’ai connues en Asie.
Ils reviennent très vite, les trois. Peu après que le Gros m’ait rendu compte de sa mission. Juste que j’allais sortir chercher une tire et les voilà qui se radinent, silencieux, claquant des pas sur les dalles du patio. Je réprime mon mouvement et rengaine dans la chambre.
Ils se pointent au 9. Je fais signe alors à mon pote de nous rendre au 8. Les portugaises plaquées à la cloison, nous cherchons à esgourder ce qui se dit, mais on perçoit ballepeau. Des bruits, si. Et de la musique, car il existe un poste de radio dans chaque chambre. Ils l’ont branché en arrivant.
On reste un bon quart de plombe, ainsi, à essayer de percevoir autre chose, mais c’est en vain. Le Mammouth somnole, comme chaque fois qu’il est immobile. Que cesse le mouvement et il s’enclume, Alexandre-Benoît.
Je le regarde dodeliner et voici qu’une porte claque, l’arrachant au coma. Je cours entrouvrir l’huis (comme disait ce pauvre Mariano). J’asperge les deux Popofs en partance. La femme est restée. Ils trimbalent le matériel auquel Béru a fait allusion. Bon vent, les potes !
Je n’hésite pas longtemps sur la conduite à tenir. Quand un ronflement de bagnole s’est éloigné, je me présente au 10, replie mon merveilleux index droit, qui sait admirablement presser les détentes d’armes à feu et les clitoris, et je toque toque à la porte bien qu’elle soit munie de l’écriteau « Do not disturb ».
Nobody ne répond.
J’insiste plus fortement.
Toujours rien.
À toi Sésame !
Cric, crac, le cric me croque. J’ open .
Arabella Stone est allongée sur le lit, tout habillée, les bras allongés le long du corps, la tête maintenue presque à l’équerre par deux oreillers superposés. Elle respire bizarrement, en produisant un bruit de râle. Je la trouve salement pâlotte. Ses lèvres sont d’un blanc qui fout les jetons. Je lui soulève une paupière, son œil reste inexpressif, dilaté. Retroussant les manches de son chemisier, je finis par découvrir la trace d’une piqûre dans une veine de son avant-bras.
M’est avis que mes deux frères Karamazov lui ont administré un petit zinzin soigné pour la neutraliser.
Tu connais l’esprit de décision de Son Excellence Santantonio quand il se met à chier des bûches ? En moins de temps qu’il n’en faut à un feignant pour ne rien faire, j’ourdis un plan d’action.
Mais il faut se remuer le dargif car j’ignore si les deux gavroches soviétiques sont partis pour dix minutes ou pour dix ans.
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