Il ne s’agit pas de jouer au mec chevaleresque.
Je ne l’ai pas plutôt dans les mains que je tire sur Mallox, puis sur l’autre, le chauffeur…
La culbute continue. Ils s’effondrent, emplissant toute la pièce…
Je saute derrière la chaise de la vieille Ritale pour esquiver le poing de son homme.
— Calmez-vous, Angelino, fais-je sèchement. Si vous avez le malheur de remuer le petit doigt, j’envoie votre vieille haridelle rejoindre les cigognes débiles et les chèvres faméliques dont elle est forcément issue.
J’attrape sa bouteille de chianti et je la balance par la croisée…
— Voilà, il n’y a plus qu’à attendre…
Angelino essuie son visage d’un revers de main…
— C’est bon, fait-il. Je suis possédé. La France ne me vaut rien, je changerai d’air après mon évasion…
CHAPITRE XXIV
MIREILLE A DES IDÉES
Tout s’est bien passé. Les petits copains ont fait vinaigre pour une fois. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour ma part, j’aimerais mieux garder un troupeau de tigres affamés plutôt qu’un zèbre comme Angelino.
Lorsque la meute de flicards s’annonce, je leur dis d’emballer le Rital et sa vieille.
Ce qu’il peut tenir à sa morue, Angelino, c’est rien de le dire… Je suis certain que c’est à cause d’elle qu’il n’a rien tenté. Il me le dit du regard, positivement. Si je n’avais pas tenu le canon de mon feu contre la nuque de la vieille, je pouvais m’attendre à un coup de la part du gangster ; ça n’est pas l’homme à se laisser arquincher comme un demi-sel de troisième zone. Il a hésité. Seulement il a préféré se laisser cloquer les poucettes plutôt que de voir la cervelle de son Alda faire un valdingue sur le napperon brodé de la table. Donc, ça s’est bien passé et me voici peinard.
Lorsque mes sbires ont voulu sucrer la môme Mireille qui avait assisté à tout ce badaboum, dans un coin de la pièce, je leur ai fait un petit signe de dénégation.
Et ils l’ont laissée.
Nous voilà seuls, elle et moi ; face à face comme deux serre-livres.
Elle est plus belle que jamais dans ses attitudes de fille terrorisée. Ses cheveux sont défaits, son visage est en feu, ses yeux brillent comme une cassure d’anthracite et ses roberts s’agitent comme si elle avait fourré une nichée de chats dans son giron pour les réchauffer.
Elle me regarde, les lèvres serrées, d’un air plein d’épouvante, de soumission et d’espoir.
Elle attend.
Elle se dit que ça n’est pas normal que je l’aie conservée ici et que ça cache quelque chose.
Et elle se demande quoi, si c’est bon ou si c’est mauvais…
Eh bien, au risque de vous paraître le plus locdu de tous les flics de la terre, je vais vous avouer encore une chose : moi aussi je me demande pourquoi la Mireille n’est pas en train de s’agiter le postère sur le banc de bois d’un panier à salade.
Comme toujours, j’ai agi avant de calculer, suivant cette méthode qui m’est chère.
Au moment où on l’embarquait, une petite voix, la voix fluette de mon subconscient a chuchoté « Non ! » Et, docilement, j’ai répété : « Non ! »
Ce qui fait que, maintenant, je suis en face d’elle exactement dans l’attitude d’un Esquimau qui vient de trouver un cadran solaire.
Pourquoi l’ai-je gardée ? Je me creuse le but. Je tapote mon appareil afin de rétablir la communication avec mon subconscient. C’est bien beau de donner des consignes, encore faut-il qu’il les justifie.
Et alors, je pige brusquement que dans toute cette ténébreuse affaire, il y a un point qui est resté aussi obscur que le soubassement d’un nègre, et ce point, c’est la collection Vool.
On a stoppé l’activité d’Angelino, j’ai mis en l’air tous ses zouaves pontificaux et dévoilé ses combines, mais on n’a pas les bijoux. Il les a carrés dans un coin sûr et je ne crois pas qu’il y ait en ce monde un seul type capable de lui faire dire où. Cun type, Angelino, sur lequel les as de la Gestapo se seraient cassé les chailles. Un vrai dur de dur… Ça n’est pas en lui chatouillant la nuque avec une matraque de caoutchouc ou même en lui faisant le coup du presse-papiers qu’on le rendra bavard. Sle veut, il sait être aussi hermétique que le porte-monnaie d’un Ecossais. Bon, ceci étant établi, il faut donc que je remonte aux cailloux simplement au pifomètre. Et sur ce terrain-là, la belle Mireille peut m’être d’un grand secours. Non que je soupçonne Angelino de l’avoir mise dans la confidence, ce genre de secret, il ne le lâcherait pas à son ombre. Seulement, la souris connaît mieux que moi les habitudes du gangster, puisqu’elle a vécu un certain temps dans son entourage. Elle peut donc m’éclairer sur sa psychologie…
Je m’avance sur elle. Comme elle m’a vu démolir ses petits potes, tout à l’heure, elle croit que je l’ai réservée pour la bonne bouche et se blottit dans une encoignure de mur en criant : Non ! Non !
Je souris.
— Ne te frappe donc pas, beauté brune… Qui te dit que je te veux du mal ?
Je la cramponne par les épaules et je mets mes châsses dans les siens. C’est plein d’étincelles d’or dans ses prunelles ; de minuscules étincelles qui tournent autour de la pupille comme ces reflets produits par des boules de verre à facettes, dans les cirques, au moment des acrobates aériens.
Cet instant est vachement voluptueux. Je le prolonge jusqu’au moment où la môme approche sa bouche de la mienne.
Drôle de sensation, je vous prie de le croire. Une bouche pareille, ça vous change du cinéma ! Je me laisse aller à la dérive et je pose mes lèvres sur les siennes.
Le gars qui s’assied sur un paratonnerre ne peut pas éprouver de sensations plus raffinées que moi en ce moment.
Cette gamine, c’est un vrai serpent. Elle s’enroule autour de moi comme une liane et je deviens aussi flagada qu’un épouvantail. Elle promène une main experte sur ma poitrine, cherchant l’échancrure de ma chemise. Lorsqu’elle l’a trouvée, elle glisse sa menotte à même ma peau et me caresse le poitrail si légèrement que j’en claque des dents.
Comment qu’elle recharge ma batterie, la donzelle…
C’est le grand frisson, le terminus de la volupté. Moi, que voulez-vous, j’ai jamais pu résister à des arguments pareils.
Je chope la souris par les hanches et je la porte jusque sur la table. D’un revers de manche je balaie ce qui l’embarrasse et je renverse ma petite copine.
Elle n’est pas fiérote, Mireille ; elle ne se souvient plus que je suis la cause de la mort de son bonhomme…
Faut dire que toutes les mousmés sont idem. Vous leur coupez leur maman en rondelles, mais elles vous font cadeau de leur vertu si vous êtes un gars à peu près bien bousculé.
Pour la chose d’être bien bousculé, on trouverait difficilement mieux que le petit San-Antonio. J’ai, dans l’ensemble, tout ce qu’il faut pour plaire aux gerces et leur faire oublier la date de naissance de Victor Hugo. Au rayon biscotos, je suis servi ; et pour le travail de force, j’écœurerais Rigoulot…
Lorsque je lui ai dégrafé sa jupe et ouvert son corsage, elle se met à bramer de tout son cœur. Elle m’abandonne tous ses trésors en me gueulant de les emporter.
Je ne suis pas exclusif à ce point… Je préfère consommer sur place.
Bon, je tire le rideau… Pas la peine de vous raconter ce que je fais à Mireille, ni ce qu’elle me fait, et encore moins ce que nous faisons car, si je le faisais, la ligue des pères de famille, des cousines germaines et des abonnés à l’Electricité de France me feraient un procès pour outrage aux mœurs…
Mais les mœurs, elles en ont vu d’autres, je vous le dis.
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