Frédéric Dard - Fleur de nave vinaigrette

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Fleur de nave vinaigrette: краткое содержание, описание и аннотация

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Avez-vous déjà vu un personnage obèse, cradingue, vinasseux et violacé, en pantoufles, maillot de corps gris (mais qui fut blanc jadis), portant un pantalon de coutil rapiécé, affublé d'un véritable sombrero mexicain se prélasser dans les fauteuils du Boeing Paris-Tokyo ?
Assurément non ! Pour se délecter d'une pareille situation, il faut avoir lu « Fleur de nave vinaigrette ».
Au passage : savez-vous comment se traduit « Fleur de nave » en japonais ? « Bey-Rhû-Ryé » ! Rigoureusement authentique !
Si vous ne me croyez pas, consultez votre judoka habituel.

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— Allons-y, fais-je au Gros.

Et je toque doucement à la lourde.

Le ronflement s’arrête. Je toque encore. Un rai de lumière filtre sous la porte.

— Qu’est-ce que c’est ? demande une voix inquiète.

Je me pince le nez et je déclame, très vite et à voix basse :

— Mikiki niak Hou, Shofo Tuki ya ma motto !

Je suis paré, puisque, d’après l’agent interviewé par Roult, Helder ne parle pas le japonais.

— Une minute, fait la voix !

Bruit de fringues hâtivement passées. Un pas traîne sur le tapis, s’approchant de nous.

— Vous êtes le garçon d’étage ?

— Yé, yé, m’sieur… garçon d’étage !

Verrou tiré. La porte s’entrouvre. Nous avons la rapide vision d’un visage barbu et d’un type en chemise de nuit dont le pantalon tire-bouchonne par-dessous. C’est tout. Déjà Béru a bondi, tête baissée. Il percute le bonhomme qui s’en va valdinguer à l’autre bout de sa chambre. Presto j’entre dans la pièce et je referme.

Béru et le client de l’ Ayoli-Céteski sont aux prises dans un corps à corps sauvage. La mêlée est confuse. Le combat est intéressant. Béru est mille fois plus fort, mais Helder douze mille fois plus souple. Je vois passer le râtelier de Bérurier à quelques encablures du visage, puis les lunettes de Helder. Ça se trémousse, ça se malaxe ! Ça geint ! Ça renifle ! Ça mailloche ! Enfin le combat ralentit. Helder a fait une clé au Gros qui, le cou coincé entre les jambes de son adversaire, suffoque comme un perdu. Il fait une ultime tentative pour s’en sortir. Sa main part en avant, saisit la barbe rousse de Helder, tire ! La barbouze lui reste dans les doigts.

Je regarde et je n’en crois pas mes yeux. Même à l’heure où j’écris, je doute encore de mes sens. L’homme débinoclé et débarbouzé, l’homme qui vient de juguler le taureau furieux qu’est Béru, cet homme, écoutez bien, vous tous qui êtes là à ouvrir des chasses aussi béants que les tiroirs d’une commode cambriolée, cet homme n’est autre que mon cousin Hector.

La minute qui suit est capitale !

Nous nous entre-regardons, nous nous entre-reconnaissons, nous nous désincrédulisons et nous nous exclamons :

— Hector !

— Antoine !

Hector desserre sa prise.

— Monsieur Bérurier ! Je suis navré ! Seulement mettez-vous à ma place, quand vous m’êtes entré bille en tête dans le placard, j’ai pas eu le temps de vous reconnaître !

— Eh ben dites donc, murmure respectueusement le Gros. Pour les prises de judo vous en connaissez un rayon !

— J’ai potassé des tas de livres là-dessus pendant que j’étais au ministère. Je suis la seule ceinture noire à avoir appris le judo par correspondance.

Il se relève, s’époussette, remet de l’ordre dans sa chemise de nuit.

— Si je m’attendais à te trouver ici, Antoine !

— Et moi donc. On te cherchait partout !

— M’en parle pas, c’est tout un cinoche !

Diable ! Diable ! que se passe-t-il donc ? Il est métamorphosé, Hector. Ça n’est plus la panosse de jadis, mais un type sûr de soi, intrépide, farouche. Il parle argot ! Je le vois prendre un paquet de Go-Loa-Se sur la table et craquer une allumette après son pantalon.

— Raconte !

— Je ne sais pas si t’es au parfum, Tonio, mais Pinuche et moi, nous avons fondé une agence de police privée…

— Je sais. Continue.

— Un jour une dame…

— Mme Helder, je sais aussi.

— Oh ! dis, cousin, écrase un chouïa ! Si tu sais tout, t’as qu’à te tremper ta soupe tout seul !

— Oh ! bon, continue…

Hector tire une goulée de fumée, la rejette par les naseaux et, prenant une bouteille de scotch sous son oreille, il la lance à Béru.

— Eclusez-en un gorgeon, monsieur Bérurier. Pour vous remettre de vos émotions.

— Merci, fait timidement l’inspecteur principal, vous comprenez, j’ai eu une journée chargée : un tonneau de fourmis, une estrangulation, un début de noyade, sept souris à faire reluire à la file et une transfusion de raisin, ça finit par vous surmener le bonhomme !

Il boit. Hector le regarde biberonner avec une satisfaction qui n’est pas feinte.

— Bon, fit-il, je poursuis. Je me mets donc à filer un nommé Helder qui frayait une petite Jap. Cette Jap grattait à l’ambassade nippone. Comme j’allais rejoindre l’agence, mon turf fini, voilà qu’une chignole s’arrête à ma hauteur dans une rue obscure et deux durs me bondissent sur le paletot. Je reçois un gnon derrière la soupière et je pars à dame !

« Quand je reviens à moi je suis enfermé dans une cave. Ligoté, avec du fil de fer. Pas marrant ! Des rats venaient me renifler la pomme et je croquais avec les anges ! Ça dure commako près de trois jours. Enfin, un des deux types s’annonce pour m’apporter de quoi jaffer. Mais comment veux-tu faire une mandibulespolka avec les bras saucissonnés depuis soixante heures ?

« Je le fais remarquer au gnace qui me débobine. Je reprends un peu de poil de la bête et, au moment où il s’y attend le moins, je le cramponne par les cannes et je lui fais ma clé number two.

« A mon tour de l’estourbir. Quand il revient à lui, c’est sa pomme qui est ficelé. Et moi, son feu à la main, je le questionne et j’apprends la chose suivante : lui et son pote, ils sont au service de Helder. Ils viennent de faire sauter l’ambassade japonaise pour s’emparer d’une enveloppe rare… »

Hector ricane et prend l’enveloppe dans un tiroir.

— La voici !

Je suis de plus en plus ahuri. J’ai l’impression de passer de l’état solide à l’état visqueux.

— Continue, Totor, continue…

— T’as raison, appelle-moi Totor, c’est plus viril ! Bon. C’est la gosse qui a chouravé l’enveloppe, mais, manque de bol, comme elle allait l’apporter à Helder, elle s’est fait dessouder dans une rue merdeuse de Paris.

— Ma rue, fait lugubrement Bérurier.

— Donc, les mecs avaient tout perdu. Nanti de ces renseignements, je laisse quimper mon gardien et je refais surface. On se trouvait à Saint-Denis, près d’un gazomètre. Je me paie un bahut et je fonce chez Helder pour lui demander des dommages et intérêts. Il me reçoit, drôlement suffoqué, et m’écoute déballer mon baratin. Lorsque j’ai achevé il me dit :

« — Vous n’avez pas prévenu la police ?

« — Non, je lui réponds.

« — Alors, tout est encore possible.

« Il me raconte son coup. Il n’est que voleur puisque ses complices ne m’ont pas mis en l’air. Il veut l’enveloppe à cause du timbre dont un millardaire américain lui offre cent millions. Il a su, par l’enquête de la police, que l’assassin de la môme a pris l’avion à Orly pour Tokyo. Il me propose, puisque je suis un téméraire, de filer dare-dare à Tokyo, pour essayer de récupérer l’enveloppe. Je refuse, mais il m’apprend que Pinaud qui s’était mis à le suivre a subi le même sort que moi et que si je n’obéis pas, il sera liquidé, bien que ce ne soit pas dans ses principes.

« Tu me suis ? »

Tu parles que je le suis. Béru, par contre, à bout de forces, en écrase après avoir lichetrogné la moitié de la boutanche de scotch.

— Alors ?

— Un coup de fil qu’il donne chez Pinuche et à l’agence, tandis que j’ai l’écouteur, me prouve qu’il ne me berlure pas. J’hésite. Mais un voyage au Japon, c’est tentant. Alors j’ai accepté. Comme je n’avais pas de passeport et que le temps pressait, il m’a refilé le sien et je me suis fait sa bouille. A cause de la barbe et des lunettes, ça n’était pas difficile. Je suis arrivé à Tokyo cette nuit. Ce matin je commence à prendre contact avec la ville, et, voyant une agence française, je m’y arrête d’instinct. Humain, non ?

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