— Oui, P'a.
— Tu as une idée de l'endroit où il pourrait être ? l'interrogea Artie.
— Non, je voudrais bien pouvoir vous aider.
— Hillel, je sais que Woody et toi êtes très liés. Si tu sais quelque chose, tu dois me le dire, c'est très important.
— Il y a bien quelque chose… Il a parlé d'aller en Utah, retrouver son père. Il voulait prendre le bus jusqu'à Salt Lake City.
Cette nuit, ils se parlèrent au moyen de leur talkie-walkie. Hillel chuchotait, caché sous ses couvertures, pour être certain que ses parents ne puissent pas l'entendre :
— Woody ? Tout va bien ? À toi.
— Tout va bien, Hill. À toi.
— Crawford est venu ce soir à la maison. À toi.
— Il voulait quoi ? À toi.
— Il te cherchait. À toi.
— Tu lui as dit quoi ? À toi.
— Que tu étais en Utah. À toi.
— Bien joué. Merci. À toi.
— De rien, mon pote.
Durant les trois jours qui suivirent, Woody resta caché dans le pavillon. Le matin du quatrième jour, il en sortit à l'aube et se cacha dans la rue pour attendre Hillel et l'accompagner à l'école.
— T'es fou, lui dit Hillel. Si quelqu'un te voit, t'es cuit !
— J'étouffe dans le pavillon. J'ai besoin de me dégourdir les jambes. Et si Porc ne me voit plus à l'école, j'ai peur qu'il s'en prenne à toi.
Woody accompagna Hillel jusque dans la cour de l'école, où il se mêlait à la foule des autres élèves. Mais ce matin-là, le principal Hennings remarqua ce garçon qu'il n'avait encore jamais vu et dont il sut immédiatement qu'il n'était pas un élève de l'école. Il songea au signalement qu'on lui avait donné et prévint la police. Dans la minute qui suivit, une patrouille arriva aux abords de l'école. Woody la remarqua aussitôt et voulut s'enfuir mais il se cogna contre Hennings.
— Excusez-moi, jeune homme, qui êtes-vous ? demanda Hennings d'un ton sévère en posant une main ferme sur son épaule pour le retenir.
— Cours, Woody ! s'écria Hillel. Sauve-toi !
Woody se dégagea de la main de Hennings et prit ses jambes à son cou. Mais déjà les policiers l'avaient rattrapé et le maîtrisaient. Hillel courut vers eux, en criant : « Laissez-le ! Laissez-le ! Vous n'avez pas le droit ! » Il voulut repousser les policiers mais Hennings s'interposa et le retint. Hillel éclata en sanglots. « Laissez-le ! hurla-t-il aux policiers qui emmenaient Woody. Il n'a rien fait ! Il n'a rien fait ! »
Tous les élèves dans la cour de récréation regardèrent, médusés, Woody être embarqué dans la voiture de police avant que Hennings et les enseignants ne les dispersent en les sommant de regagner leurs classes.
Hillel passa la matinée à pleurer à l'infirmerie. À l'heure du déjeuner, Hennings vint le trouver.
— Allons, mon garçon, va en classe maintenant.
— Pourquoi vous avez fait ça ?
— Le directeur du foyer de Woody m'avait averti que je le verrais probablement ici. Ton ami a fait une fugue, tu comprends ce que cela signifie ? C'est quelque chose de grave.
Le cœur lourd, Hillel retourna en classe pour les cours de l'après-midi. Porc l'y attendait impatiemment. « L'heure de la vengeance a sonné, Crevette, lui dit-il. Maintenant que ton petit copain Woody n'est plus là, je vais pouvoir m'occuper de toi dès que les cours seront terminés. J'ai une belle merde de chien qui t'attend. Tu as déjà mangé de la merde de chien ? Non ? Ce sera ton dessert. Tu vas la manger jusqu'au dernier morceau. Miam, miam ! »
Au moment où sonna la cloche annonçant la fin de la journée, Hillel s'enfuit de la classe avec Porc à ses trousses. « Attrapez la Crevette ! hurla Porc. Attrapez-le, on va lui faire sa fête. » Hillel galopa à travers les couloirs puis, au moment de sortir du côté du terrain de basket, il profita de sa petite taille pour se faufiler à contre-courant à travers une nuée d'enfants qui descendaient les escaliers depuis leurs salles de classe. Il remonta au premier étage puis traversa les couloirs déserts jusqu'à un local de conciergerie. Il s'y terra longuement, retenant sa respiration. Le sang battait ses tempes, le bruit de son cœur résonnait dans ses oreilles. Lorsqu'il osa sortir, il faisait nuit. Les couloirs étaient éteints et déserts. Il se déplaça sur la pointe des pieds, cherchant la sortie, et reconnut bientôt le couloir qui menait à la salle de rédaction du journal. En passant devant, il remarqua que la porte était entrebâillée et il perçut de drôles de bruits. Il s'immobilisa et écouta. Il distingua la voix de Madame Chariot. Puis il entendit le son d'une claque suivi d'un gémissement. Il regarda par l'entrebâillement de la porte mal fermée et vit le principal Hennings, assis sur une chaise. Avec, étendue sur lui et lui présentant ses fesses, Madame Chariot, la jupe et la culotte baissées. D'une main ferme, il la fessait amoureusement et à chaque coup, elle gémissait délicieusement.
— Salope ! déclara-t-il à l'intention de Madame Chariot.
— Oui, je suis une grosse salope dégoûtante, répéta-t-elle.
— Salope ! confirma-t-il.
— J'ai été une très vilaine élève, Monsieur le principal, avoua-t-elle.
— Tu as été une vilaine petite salope ? interrogea encore Hennings.
Hillel, qui ne comprenait rien de la scène qui se déroulait sous ses yeux, poussa brusquement le battant de la porte et s'écria :
— Les gros mots, c'est pas beau !
Madame Chariot se dressa d'un bond et poussa un hurlement strident.
— Hillel ? bégaya Hennings tandis que Madame Chariot relevait sa jupe avant de s'enfuir.
— Qu'est-ce que vous fabriquez ? demanda Hillel.
— On faisait un jeu, répondit Hennings.
— Ça ressemble surtout à un chahut, constata Hillel.
— Nous… Nous faisions de l'exercice. Et toi, qu'est-ce que tu fais là ?
— Je me cachais parce que les autres enfants veulent me taper et me faire avaler du caca de chien, expliqua Hillel au principal qui ne l'écoutait plus et cherchait Madame Chariot dans le couloir.
— C'est très bien, dit Hennings. Adeline ? Adeline, tu es là ?
— Est-ce que je peux rester caché ? demanda Hillel. J'ai vraiment peur de ce que Porc va me faire.
— Oui, c'est très bien, mon garçon. As-tu vu Madame Chariot ?
— Elle est partie.
— Partie où ?
— Je sais pas, vers là-bas.
— Bon, occupe-toi un instant, je reviens tout de suite.
Hennings longea le couloir en appelant : « Adeline ? Adeline, où es-tu ? » Il trouva Madame Chariot recroquevillée dans un coin.
— Ne t'inquiète pas, Adeline, lui dit-il, le petit n'a rien vu.
— Il a tout vu ! hurla-t-elle.
— Non, non. Je t'assure.
— Vraiment ? demanda-t-elle, la voix tremblante.
— Certain. Tout va bien, tu n'as aucune inquiétude à avoir. Et puis, ce n'est pas le genre à faire des histoires. Ne t'en fais pas, je vais lui parler.
Mais de retour à la salle de rédaction du journal, Hennings ne put que constater qu'Hillel n'y était plus. Il le retrouva une heure plus tard, chez lui, lorsque Hillel sonna à la porte de sa maison.
— Bonjour, Monsieur le principal.
— Hillel ? Mais qu'est-ce que tu fais ici ?
— Je crois que j'ai quelque chose qui vous appartient, dit Hillel en sortant de son sac une culotte de femme.
Hennings ouvrit des yeux comme des billes et battit l'air de ses mains.
— Range-moi cette saleté ! ordonna-t-il. Je ne sais pas de quoi tu parles !
— Je pense que c'est à Madame Chariot. Vous lui avez baissé la culotte pour la battre et elle a oublié de la remettre. C'est étrange parce que, si moi j'oubliais de mettre ma culotte, je sentirais les courants d'air sur le zizi. Mais peut-être que les femmes, comme elles ont le zizi à l'intérieur, elles ne sentent pas les courants d'air.
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