Emmanuel Carrère - La moustache

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Un jour, pensant faire sourire votre femme et vos amis, vous rasez la moustache que vous portiez depuis dix ans. Personne ne le remarque ou, pire, chacun feint de ne l'avoir pas remarqué, et c'est vous qui souriez jaune. Tellement jaune que, bientôt, vous ne souriez plus du tout. Vous insistez, on vous assure que vous n'avez jamais eu de moustache. Deviendriez-vous fou? Voudrait-on vous le faire croire? Ou quelque chose, dans l'ordre du monde, se serait-il détraqué à vos dépens? L'histoire, en tout cas, finit forcément très mal et, d'interprétations impossibles en fuite irraisonnée, ne vous laisse aucune porte de sortie. Ou bien si, une, qu'ouvrent les dernières pages et qu'il est fortement déconseillé d'emprunter pour entrer dans le livre. Vous voici prévenus.

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Le troisième jour, il alla à la plage. Il n'yen avait pas à Macao, mais un pont de construction récente reliait la péninsule à deux petites îles où, selon l'affable réceptionniste de l'hôtel Bela Vista, on pouvait se baigner. Un minibus, partant de l'hôtel Lisboa, les desservait trois fois par jour, mais il préférait aller à pied et se mit en route vers onze heures du matin. Il marcha en regardant le béton, parfois l'eau qui l'entourait, seul sur le pont où passaient de rares voitures. L'une d'elles s'arrêta. Le conducteur ouvrit la portière, mais il refusa poliment, rien ne le pressait. Il déjeuna de poisson, face à la mer, dans un restaurant de la première île, appelée Taipa, repartit vers deux heures et suvit la route Ocre jusqu'à ce qu'en contrebas il aperçoive une plage de sable noir, à laquelle on accédait par un chemin escarpé. Quelques voitures stationnées, des motos japonaises indiquaient qu'il n'y serait pas seul mais cela ne le gênait pas. Il y avait du monde en effet, surtout de jeunes Chinois qui jouaient au hand-ball en poussant des cris joyeux. Les oiseaux criaient aussi. Il faisait chaud. Avant de se baigner, il commanda un soda, fuma une cigarette dans une petite buvette dont le toit en paillotte était ceinturé de haut-parleurs diffusant des chansons de variété américaines parmi lesquelles il reconnut Woman in love de Barbara Streisand. Ensuite, il ôta ses vêtements, les roula en boule, posa ses sandales sur le petit tas et entra sans se presser dans l'eau tiède, presque opaque. Il nagea quelques minutes, on avait pied très loin, puis regagna le rivage et, sans s'être levé, resta étendu sur le dos, à la frontière mouvante entre le sable humide et les vaguelettes roulant contre son flanc. La marée descendait, il suivit le mouvement en reculant sur les coudes, face à la plage. La réverbération lui brûlait les paupières, qu'il entrouvrait de temps à autre pour vérifier que ses vêtements n'avaient pas disparu. Une vingtaine de mètres plus loin, un autre occidental, de son âge environ, barbotait dans la même position. A un moment, il somnolait, il entendit soudain une voix qui prononçait très haut des mots anglais et ouvrit les yeux, regarda autour de lui, ébloui et un peu inquiet car il lui semblait qu'on s'était adressé à lui. Et c'était en effet l'autre baigneur blanc qui, tourné dans sa direction, répétait en criant pour couvrir le bruit des vagues: «Did you see that?» Il distinguait mal ses traits, pensa cependant qu'il n'était ni anglais ni américain et s'assura qu'il ne se passait rien de spécial sur la plage: rien, juste les adolescents qui continuaient à se renvoyer le ballon, et un jeune homme en short, chinois aussi, qui s'éloignait à petites foulées, un walkman fixé à la ceinture de son maillot. «What?», dit-il, pour la forme, et l'autre, toujours couché dans l'eau, se détourna en riant, criant à pleins poumons: «Nothing, forget it!» Il referma les yeux, soulagé que la conversation s'en tienne là.

Plus tard, il sortit de l'eau, se rhabilla sans se sécher et reprit le chemin en sens inverse. Le minibus qui retournait à Macao s'arrêta à sa hauteur, sur la route, et cette fois, fatigué, il accepta de monter, prit place à l'arrière. A l'irritation de sa peau, il comprit qu'il avait attrapé un coup de soleil, anticipa avec plaisir le contact des draps frais, un peu rêches, sur la brûlure. Quand le bus traversait des zones ombragées, il essayait de saisir son reflet dans les vitres couvertes de poussière et d'insectes morts. Il avait les cheveux collés par le sel, la moustache barrait son visage d'un trait noir, mais cela n'avait plus tellement de sens pour lui. Aucun projet ne le retenait, sinon celui de prendre un bain, une fois rentré à l'hôtel, et de s'installer sur la terrasse, face à la mer de Chine.

Au tableau où il la laissait d'habitude, sa clé manquait. Le réceptionniste, un vieux Chinois dont le torse maigre flottait dans une ample chemise de nylon blanc, dit en souriant: «The lady is upstairs», et il sentit un froid courir le long de son dos brûlé.

«The lady?

– Yes, Sir, your wife… Didn't she like the beach?»

Il ne répondit pas, hésita, interdit, devant le comptoir bien ciré. Puis il gravit lentement l'escalier dont on avait ôté le tapis, sans doute pour le nettoyer. Les tringles de cuivre, rassemblées en une botte gisant le long du mur, accrochaient des éclats de soleil déclinant. Des particules de poussière dansaient dans le rayon oblique venu de la fenêtre grande ouverte, à l'étage. La porte de sa chambre, au bout du couloir, n'était pas fermée. Il la poussa.

Allongée sur le lit, dans la même lumière blonde, Agnès lisait un magazine, Time ou peut-être Asian week, qu'on trouvait à la réception. Elle portait une robe de coton très courte, qui ressemblait à un teeshirt trop grand. Ses jambes nues et bronzées se détachaient sur le drap blanc.

«Alors, dit-elle en l'entendant entrer, tu l'as achetée finalement?

– Quoi?

– Eh bien, la gravure…

– Non, finit-il par répondre d'une voix qui lui parut normale.

– Le type n'a pas voulu baisser le prix?»

Elle alluma une cigarette, attira sur le lit le cendrier publicitaire.

«C'est ça», dit-il, les yeux fixés sur la mer qu'encadrait la fenêtre. Un cargo passait à l'horizon. De la poche de sa chemise, il sortit son paquet de cigarettes, en alluma une à son tour, mais elle était humide, sans doute les avait-il mouillées en se rhabillant sur la plage. Il tira en vain sur le filtre ramolli, puis l'écrasa dans le cendrier en frôlant de la main la jambe à demi-repliée d'Agnès et dit:

«Je vais prendre un bain.

– J'irai après toi», répondit-elle pendant qu'il franchissait le seuil de la salle de bains, laissant la porte ouverte. Puis elle ajouta: «C'est bête que la baignoire soit si petite…»

Il fit couler l'eau, appuyé au rebord de la baignoire, trop petite en effet, on ne pouvait s'y tenir qu'assis et évidemment pas à deux. S'approchant du lavabo, il remarqua sur la tablette deux brosses à dents, un flacon à demi vide de pâte gingivale made in Hong-Kong, plusieurs pots de crèmes de beauté, de produits démaquillants. Il faillit en renverser un en soulevant de la tablette sur laquelle il reposait, légèrement incliné, le miroir rectangulaire qu'il plaça dans la même position, contre le mur, au bord de la baignoire. S'étant assuré qu'il était bien calé, il se déshabilla, prit son nécessaire à raser, le posa à côté du miroir et entra dans l'eau tiède. La salle de bains n'était éclairée que par une petite fenêtre une lucarne presque; il y régnait une lumière aquatique, sombre et reposante, accordée au clapot de la goutte d'eau qui, à intervalle régulier, se détachait du climatiseur détraqué. Il faisait frais, on aurait volontiers fait la sieste. Plongé dans l'eau jusqu'à la taille, assis sur la marche, il orienta le miroir, en face de lui, de manière à pouvoir regarder son visage. La moustache était bien fournie maintenant, comme avant. Il la lissa.

«On retourne au casino, ce soir? demanda Agnès d'une voix paresseuse.

– Si tu veux.»

Il agita longuement le blaireau dans le bol, barbouilla de mousse son menton et ses joues, les rasa avec soin. Puis, sans hésiter, attaqua la moustache. Faute de ciseaux, le travail de débroussaillage prit du temps, mais le coupe-chou taillait bien, les poils tombaient dans la baignoire. Pour mieux voir ce qu'il faisait, il prit le miroir et le posa sur ses cuisses, de manière à pouvoir pencher le visage dessus. L'arête lui cisaillait un peu le ventre, sur lequel il devait l'appuyer. Il appliqua une seconde couche de mousse, rasa de plus près. Au bout de cinq minutes, il était glabre de nouveau, et cette pensée ne lui en inspira aucune autre, c'était simplement un constat: il faisait la seule chose à faire. Encore de la mousse, les flocons se détachaient, tombaient soit dans l'eau soit à la surface du miroir qu'il épongea plusieurs fois du tranchant de la main. Il rasa de nouveau la place de sa moustache, de si près qu'il lui sembla découvrir sur cette mince bande de peau des dénivellations jusqu'alors insoupçonnées. Il n'observa en revanche aucune différence de teint, bien que son visage fût bronzé par les journées passées au soleil, mais cela tenait peut-être à la pénombre qui régnait dans la salle de bains. Abandonnant un instant le rasoir, mais sans le replier, il saisit à deux mains la glace, l'approcha de son visage, si près que sa respiration forma une légère buée, puis la replaça sur ses genoux. Derrière la fenêtre de la salle de bains, en biais, il pouvait voir des rameaux de feuillage et même un bout de ciel. Hormis la goutte tombant du climatiseur et les pages qu'Agnès tournait, aucun bruit ne venait de la chambre. Il aurait fallu qu'il se retourne, tende le cou pour jeter un coup d'œil par la porte entrebâillée, mais il ne le fit pas. A la place, il reprit le rasoir, continua de polir sa lèvre supérieure. Une fois, il le passa sur ses joues, comme quand, la bouche enfouie dans le sexe d'Agnès, il s'en écartait le temps d'embrasser l'intérieur de ses cuisses, puis revint à l'endroit où s'était trouvée sa moustache. Il en avait suffisamment repéré le relief à présent pour être capable d'appuyer la lame à l'exacte perpendiculaire de sa peau et il se força à ne pas fermer les yeux lorsque, sous cette pesée, sans qu'il ait déplacé le rasoir sur le côté, la chair céda, s'ouvrit. Il accentua sa pression, vit le sang couler, plus noir que rouge, mais c'était aussi à cause de la lumière. Ce ne fut pas la douleur, qu'il s'étonnait de n'éprouver pas encore, mais le tremblement de ses doigts crispés sur le manche de corne qui l'obligea à poursuivre son incision latéralement: la lame, comme il s'y attendait, entrait beaucoup plus facilement. Il retroussa la lèvre, pour arrêter le filet noirâtre dont quelques gouttes perlèrent cependant sur sa langue, et cette grimace fit dévier encore la trajectoire. Il avait mal à présent, et comprit qu'il serait hasardeux de raffiner plus longtemps, alors il taillada sans souci que les coupures soient nettes, les dents serrées pour ne pas crier, surtout lorsque la lame atteignit la gencive. Le sang giclait dans l'eau sombre, sur sa poitrine, ses bras, sur la faïence de la baignoire, sur le miroir qu'il épongea à nouveau de sa main libre. L'autre, contrairement à ce qu'il craignait, ne faiblissait pas, semblait soudée au rasoir et il prenait seulement la précaution de n'éloigner jamais la lame de sa peau déchiquetée dont des lambeaux, sombres comme de petits paquets de viande avariée, tombaient avec un bruit mou sur le miroir à la surface duquel ils glissaient lentement pour enfin plonger dans l'eau, entre ses jambes arc-boutées par la douleur, les pieds crispés contre les parois de la baignoire, tendus comme pour les repousser tandis qu'il continuait, triturait dans tous les sens, de haut en bas, de gauche à droite parvenant malgré tout à n'écorcher qu'à peine son nez et sa bouche, alors que le flot de sang l'aveuglait. Mais il gardait les yeux ouverts, se concentrait sur une portion de peau que la lame fouillait sans perdre jamais le contact, le plus difficile était de ne pas hurler, de tenir bon sans hurler, sans déranger en rien le calme de la salle de bains, de la chambre où il entendait Agnès tourner les pages du magazine. Il craignait aussi qu'elle pose une question à laquelle, les mâchoires serrées comme un étau, il ne pourrait répondre, mais elle restait silencieuse, tournait seulement les pages, à un rythme peut-être un peu plus rapide, comme si elle se lassait, tandis que le rasoir maintenant attaquait l'os. Il n'y voyait plus rien, pouvait seulement imaginer l'éclat nacré de sa mâchoire à vif, une chose nette et brillante dans la bouillie noirâtre des nerfs sectionnés, semée d'éclairs, tourbillonnant devant ses yeux qu'il croyait ne pas fermer, alors qu'il serrait les paupières, serrait les dents, crispait les pieds, contractait chacun de ses muscles afin de supporter les brûlures de la souffrance, de ne pas perdre conscience avant que le travail soit achevé, sans discussion possible. Son cerveau, comme indépendant, continuait à fonctionner, à se demander jusqu'à quand il fonctionnerait, s'il parviendrait avant que le bras retombe à trancher au-delà de l'os, à pousser encore plus loin, au fond de son palais rempli de sang et, lorsqu'il comprit qu'il allait forcément s'étouffer, qu'il ne pourrait jamais finir de cette manière, il arracha le rasoir, craignant que la force lui manque pour le porter à son cou, mais il y arriva, il gardait encore sa conscience, même si son geste était mou, si la contraction tétanique de tout son corps se retirait du bras, et il trancha, sans rien voir, sans même sentir, au-dessous du menton, d'une oreille à l'autre, l'esprit tendu jusqu'à la dernière seconde, dominant le gargouillis, le soubresaut des jambes et du ventre sur lequel le miroir se brisait, tendu et apaisé par la certitude que maintenant tout était fini, rentré dans l'ordre.

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