Alexandre Jardin - L'île des gauchers
Здесь есть возможность читать онлайн «Alexandre Jardin - L'île des gauchers» весь текст электронной книги совершенно бесплатно (целиком полную версию без сокращений). В некоторых случаях можно слушать аудио, скачать через торрент в формате fb2 и присутствует краткое содержание. Жанр: Современная проза, на французском языке. Описание произведения, (предисловие) а так же отзывы посетителей доступны на портале библиотеки ЛибКат.
- Название:L'île des gauchers
- Автор:
- Жанр:
- Год:неизвестен
- ISBN:нет данных
- Рейтинг книги:3 / 5. Голосов: 1
-
Избранное:Добавить в избранное
- Отзывы:
-
Ваша оценка:
- 60
- 1
- 2
- 3
- 4
- 5
L'île des gauchers: краткое содержание, описание и аннотация
Предлагаем к чтению аннотацию, описание, краткое содержание или предисловие (зависит от того, что написал сам автор книги «L'île des gauchers»). Если вы не нашли необходимую информацию о книге — напишите в комментариях, мы постараемся отыскать её.
L'île des gauchers — читать онлайн бесплатно полную книгу (весь текст) целиком
Ниже представлен текст книги, разбитый по страницам. Система сохранения места последней прочитанной страницы, позволяет с удобством читать онлайн бесплатно книгу «L'île des gauchers», без необходимости каждый раз заново искать на чём Вы остановились. Поставьте закладку, и сможете в любой момент перейти на страницу, на которой закончили чтение.
Интервал:
Закладка:
Cigogne demeurait nauséeux ; il avait un peu oublié ce qu'était une société tout entière construite autour du dieu Travail. Sur l'île d'Hélène, on travaillotait bien un peu, histoire d'assurer sa pitance, mais juste le nécessaire ; pas trop, car la nature n'était pas chiche, comme en Europe, et l'essentiel des appétits des Gauchers ne se satisfaisait pas avec des billets de banque. Personne là-bas n'avait besoin d'un métier pour que son existence ressemblât à quelque chose, pour en retirer une manière de statut, ou de la considération. Ce n'était pas en trimardant que l'on allait à la rencontre de la vie, et des autres ! Bien au contraire ! Alors qu'à Londres, c'était cette folie-là qui pressait les passants, les rendait presque tous indisponibles à la beauté des femmes. Sur les bancs publics, il n'y avait pas de grappes d'amoureux, quelques-uns seulement qui avaient l'air de s'aimer en douce, à l'écart de l 'English way of life. Rien à voir avec l'avenue Musset de Port-Espérance, sur le coup de cinq heures du soir ! Au lieu de se bécoter, la plupart des droitiers londoniens allaient devant eux, poussaient leur vie remplie de vide, en somnambules. À force, beaucoup finissaient par ne plus avoir l'air d'être eux, comme s'ils fussent devenus étrangers à eux-mêmes, dans des corps ne leur appartenant pas vraiment, menant une existence qui aurait pu être celle d'un autre. Ils avançaient, ceux-là, avec presque pas de désirs au ventre, seulement beaucoup de hâte, et une tristesse sourde au cœur. Oh, sans cause précise ! La tristesse diffuse d'aimer peu et mal, et de se sentir prisonnier de cet univers-là, si dur aux hommes et aux femmes. C'était l'amour qui souffrait en eux, à leur insu. En traversant Hyde Park, Jeremy eut le sentiment de se voir dans ces droitiers, tel qu'il avait été neuf ans auparavant. Loin de les juger, ou de se regarder comme différent, il se sentait pour eux une fraternelle compassion. Il eût voulu leur crier que leur espérance, pas encore morte, en un monde moins blessant n'était pas vaine. Par-delà les mers se trouvait une île heureuse, un territoire où le bonheur d'aimer occupait les journées, où les couples VIVAIENT au lieu de mitonner leurs soucis, en s'enlisant dans des logiques de survie. Mais l'auraient-ils cru ? Comment eussent-ils pu se défaire des croyances droitières qui, sans cesse, les éloignaient de l'idée d'une félicité possible et durable ? On le leur avait tellement répété ! Pas d'autre solution pour exister sur cette terre ! Relisez les bons auteurs ! Nous sommes faits pour en baver, et expier notre péché originel, qu'on leur avait seriné, étudiés tout exprès par le Créateur ! L'Eglise anglicane le certifiait ! Les béatitudes, sous d'autres cieux ! Pour après l'agonie, celle de la vie laborieuse des droitiers et l'autre, définitive ! Et au cas où ils n'eussent pas bien saisi le message, tout un bonheur factice - à vous dégoûter de l'idée ! je le répète - était disponible en boutiques, sur Oxford Street, partout, en romans-feuilletons, en presse du cœur, en mièvreries filmées affichées sur les devantures des cinémas. Et la grande espérance rouge ? L'amour du prochain, il en était bien question, entre les lignes de ses philosophes. Mais des sagouins l'avaient déjà frelatée, transmuée en une escroquerie sanglante, du côté de Moscou et ailleurs.
Dans les pays droitiers, le travail était tout et l'amour comptait pour du pipi de chat, constata avec effroi Jeremy. Cependant les autres passions, elles, paraissaient profiter d'une belle inflation : l'accaparement, la fringale de domination et ses dérivés. La seule un peu jolie qui fût alors en vogue à Londres était ce bel élan contre le nazisme ; mais celle de se donner tout entier à une femme ou à un homme, non, on s'en fichait pas mal, à voir les manchettes des journaux. Quand la presse causait de l'amour, par inadvertance, c'était pour examiner l'art de se faire aimer, et non celui celui d'aimer. Triste inversion...
Cigogne avait oublié à quel point les visages des droitiers étaient touchants. Malgré la pénurie de tendresse, les aigreurs accumulées, les piétons gris de Trafalgar Square conservaient dans le regard quelque chose d'insoumis ; ils paraissaient n'avoir pas abdiqué leur envie d'exister moins mal, un jour, d'être mieux aimés et de s'abandonner en retour à être un peu généreux d'eux-mêmes. Une grande faim d'amour se lisait sur leur physionomie, sous des dehors méfiants, forcément. Chacun avait déjà reçu son lot de meurtrissures, au boulot, en famille ou ailleurs. Une chose frappa Cigogne, le nombre de gens qui portaient des lunettes dans les rues ; à Londres, les yeux semblaient ne plus vouloir regarder nettement cette réalité-là. Sur l'île d'Hélène, rares étaient ceux qui se protégeaient de la vie derrière des carreaux. Il faut dire aussi que la lumière de là-bas rendait les yeux plus clairs, et gourmands de l'univers alléchant qui s'offrait à eux.
Tout ce petit peuple de droitiers qui se pressait dans les brumes hivernales eût sans doute accepté de passer à travers un miroir, histoire de remettre l'existence à l'endroit, dans un sens plus agréable ; mais le monde allait, inexorable, dans sa course irraisonnée. Accoudé au comptoir d'un pub, Cigogne entendit que l'on discutaillait d'une nouveauté américaine, un progrès à coup sûr : la télévision ! Cela rendrait-il les femmes mieux aimées, l'exercice de la vie moins absurde ? Là n'était pas la question, for Heaven's sake ! Puisqu'il s'agissait d'une nouveauté ! Un divertissement de plus ! Et puis c'était comme ça ; il paraissait qu'il n'y eût rien à faire pour apprivoiser ce foutu progrès. Qu'à se coucher ! Et se laisser écraser par lui, sans se rebiffer... Choisir son existence ? Vous divaguez, young man ! La dialectique bistrotière se poursuivit, emportée par une rivière de bière rousse. Pourquoi résistait-on aux barbares de Berlin, et fièrement ? Afin que les plaines d'Europe ne fussent plus des abattoirs, certes. Mais pour le reste, on n'en était pas très sûr ! La démocratie, of course ! Le grand mot-paravent, bouche-trou, si commode pour obstruer les vrais débats ! Vote et tais-toi ! Le sens des décisions à prendre, pour après la victoire ? Ben... à vrai dire, personne au Parliament ne savait au juste. Parer à la nécessité, ça suffisait, non ? En enveloppant le tout dans un peu de rhétorique travailliste, ou conservatrice, selon l'humeur. Churchill était plus lyrique, très fort pour les larmes, le grand raffut patriotique, mais pour ce qui était des suites à donner au conflit... on sentait comme une hésitation dans sa voix. Lui-même paraissait avoir bien du mal à y voir clair dans sa vie intime, plutôt embuée, pas trop reluisante. Alors donner un sens à la vie d'une nation ! Le casse-tête !
Affligé, Lord Cigogne résolut d'accomplir sa mission au plus vite et de se replier sur son île australe dès qu'il le pourrait. Il établit ses quartiers dans un bed and breakfast de Chelsea, tenu avec soin par un couple ranci qui lui donna des haut-le-cœur, bien que la déconfiture de ce ménage n'eût rien de bien exceptionnel. Mr et Mrs Fox se supportaient encore, après un quart de siècle d'ennui en commun, et se surveillaient avec des manies de geôlier. Fallait pas que l'autre connût de son côté une bribe de plaisir qui échappât au contrôle du conjoint ! Le mari avait-il un quart d'heure de retard, le soir, au sortir de son gagne-pain ? Aussitôt, il sentait la nécessité de se justifier auprès de la sournoise Mrs Fox, d'aller au rapport, afin de devancer la question insidieuse qu'elle ne manquerait pas d'ajuster, en lui servant son thé. Bien dressé, l'époux ! Osait-il choisir lui-même ses vêtements ? Non, bien sûr... Son épouse, un modèle du genre, régnait sur son stock de liquettes, et sur toute sa garde-robe à vrai dire. Seul le cirage de ses souliers revenait à Mr Fox. Voulait-il reprendre une part de cake aux raisins, un soir où il se sentait en humeur de gourmandise ? Sa femme le tançait aussitôt, lui rappelait ses aigreurs d'estomac ; il retirait sa main pécheresse sans moufeter, la nuque inclinée. Mrs Fox ne ratait pas un de ses écarts, toujours à guetter la faute ! En retour, cette dernière n'avait pas l'autorisation de sortir seule le soir, sauf chez Mrs Simpson, sa vieille mère. Et elle devait à sa moitié des explications détaillées sur ses menues dépenses, factures à l'appui. L'important n'était pas d'éviter qu'elle flambât l'argent du jour en babioles, mais que son époux l'eût bien à l'œil. L'amour fliqué ! Qu'ils se fussent aimés, vingt-cinq ans auparavant, légitimait à leurs yeux tous ces contrôles sur le quotidien qu'ils s'infligeaient. Un Gaucher y eût vu une pénitence. Mr et Mrs Fox se regardaient comme un couple britannique accompli, évoluant dans le seul univers qui leur parût concevable. Le mariage anglican n'était-il pas une suite de devoirs ? Le reste était bon pour la littérature... Il ne restait à peu près rien de l'amoureux de jadis en Mr Fox. Avait-il seulement idée des attentes informulées de Mrs Fox ? Non, bien sûr ! À quoi cela eût-il servi, good Lord ! II lui suffisait d'affecter d'ignorer sa petite femme, pour mieux huiler leur commerce routinier. Pas d'éclats ! Depuis qu'ils ne se causaient plus le soir, ils s'en portaient d'ailleurs beaucoup mieux. À table, on n'entendait plus que les bruits de fourchettes et de déglutition. Un soupir, parfois. Home, sweet home !
Читать дальшеИнтервал:
Закладка:
Похожие книги на «L'île des gauchers»
Представляем Вашему вниманию похожие книги на «L'île des gauchers» списком для выбора. Мы отобрали схожую по названию и смыслу литературу в надежде предоставить читателям больше вариантов отыскать новые, интересные, ещё непрочитанные произведения.
Обсуждение, отзывы о книге «L'île des gauchers» и просто собственные мнения читателей. Оставьте ваши комментарии, напишите, что Вы думаете о произведении, его смысле или главных героях. Укажите что конкретно понравилось, а что нет, и почему Вы так считаете.