Marc Levy - Si c'était à refaire

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Andrew Stilman, grand reporter au New York Times, vient de se marier.
Le 9 juillet 2012 au matin, il court le long de l’Hudson River quand il est soudainement agressé. Une douleur fulgurante lui transperce le dos, il s’effondre dans une mare de sang.
Andrew reprend connaissance le 9 mai 2012... Deux mois plus tôt, deux mois avant son mariage.
À compter de cette minute, il a soixante jours pour découvrir son assassin, soixante jours pour déjouer le destin.
De New York à Buenos Aires, il est précipité dans un engrenage vertigineux. Une course contre la montre, entre suspense et passion, jusqu’au dénouement... à couper le souffle.

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– Tu as perçu tout cela juste en l'observant ?

– Ce n'est pas parce que j'aime les femmes, toutes les femmes, que je ne leur prête pas attention.

– Simon, c'est à moi que tu parles...

– Bon d'accord... Elle prenait un café dans un McDonald's, son môme revenait avec un plateau un peu trop lourd pour lui. Je me suis arrangé pour qu'il me rentre dedans. J'ai sacrifié un jean à ta cause. Sa mère s'est levée, elle s'est confondue en excuses. Avec deux grimaces, j'ai fait rire le gamin qui était au bord des larmes, je lui ai donné dix dollars pour qu'il aille se rechercher un Coca et des nuggets, et sous prétexte d'utiliser les serviettes en papier qui étaient sur la table, je me suis assis avec elle le temps que son fils revienne.

– Voilà qui te ressemble beaucoup plus.

– Ça me fait une peine folle que tu aies cette image de moi.

– Qu'est-ce qu'elle t'a raconté ?

– Qu'elle s'était installée à Chicago après le décès de son mari, pour se construire une nouvelle vie avec son fils.

– ... Qu'elle prive d'un père qui est pourtant bien vivant, drôle de veuve !

– La dureté de son visage quand elle évoquait son mari, c'était à vous glacer le sang. D'ailleurs, il y avait quelque chose de terrifiant chez elle.

– Quoi ?

– Je ne saurais te le décrire, simplement je me sentais mal à l'aise en sa compagnie.

– Elle t'a parlé d'un voyage à New York ?

– Non, et quand je lui ai dit en la quittant que si elle s'y rendait et avait besoin de quoi que soit, elle pouvait m'appeler, elle m'a assuré qu'elle n'y retournerait jamais.

– Elle a dû penser que tu lui sortais le grand jeu.

– Si je l'avais fait, elle aurait certainement changé d'avis.

– Évidemment !

– Oui, évidemment ! Mais compte tenu de ma mission, je me suis tenu à carreau. Je n'étais qu'un homme d'affaires, en visite à Chicago, père de trois enfants, et amoureux de sa femme.

– Qu'est-ce que ça t'a fait de te retrouver dans la peau d'un père de famille ? Pas trop épuisé ce matin ?

– Je pensais que tu me manquais, mais finalement...

– Tu la crois capable de tuer quelqu'un ?

– Elle en a la force, elle ment sur sa vie et sur ses intentions, il y a quelque chose de réellement dérangeant chez elle. Ce n'est pas Nicholson dans Shining , mais je t'assure que son regard fout la trouille. Enfin, Andrew, qu'est-ce que tu vas perdre ton temps à Buenos Aires, si tu crois vraiment qu'on va t'assassiner dans quelques semaines ?

– On m'a offert une deuxième chance, Simon, protéger Valérie de mes errances, mais aussi mener à terme une enquête dont l'issue ne compte pas seulement pour moi. J'en suis encore plus conscient aujourd'hui qu'hier.

Andrew demanda un dernier service à son ami. Dès qu'ils eurent raccroché, Simon alla acheter un bouquet de fleurs et le fit livrer chez Valérie accompagné du petit mot qui lui avait été dicté.

Pendant ce temps, dans sa chambre d'hôpital à Buenos Aires, Andrew eut l'impression d'entendre la voix de Louisa lui murmurer à l'oreille : « Si Mme Capetta te croit responsable de la perte de sa fille, prends garde à toi. »

*

Andrew passa de nouveaux examens le lundi matin et le docteur Herrera le laissa quitter l'hôpital en début d'après-midi.

Marisa patientait dans sa voiture. Après une courte halte à l'hôtel, ils se rendirent au bar où Alberto et ses copains les attendaient.

Andrew s'assit à la table au fond de la salle, Alberto était seul. Il déplia une grande feuille de papier et dessina l'itinéraire qu'emprunterait Ortiz.

– À la sortie de Villa Maria, un camion en panne en travers de la route l'obligera à quitter la nationale 9. Son chauffeur bifurquera au sud, pour rattraper la 8. Pendant ce temps-là, vous irez jusqu'à Gahan. À la hauteur du calvaire que vous reconnaîtrez facilement à sa statuette de la Vierge Marie sous une petite pyramide en verre, vous repérerez sur votre droite trois silos à grains à cinquante mètres de la route. Un petit chemin de terre y conduit. Vous vous planquerez là, tous feux éteints, avec Marisa. Profitez-en pour dormir à tour de rôle.

« Si Ortiz quitte Dumesnil vers 21 heures, il arrivera à Gahan vers 4 heures du matin. Nous aurons fait le nécessaire, la chaussée sera couverte de morceaux de ferraille, si sa voiture dépasse le calvaire, ce sera en roulant sur les jantes.

– Et si ce n'était pas lui qui passait le premier ?

– Il n'y aura personne d'autre à cette heure-là.

– Comment pouvez-vous en être absolument certain ?

– Des amis surveilleront les sorties d'Olivia, de Chazon, d'Arias, de Santa Émilia, de Colón, et de Rojas. Nous saurons au quart d'heure près où il se trouve et nous ne piègerons la route que lorsque nous serons sûrs qu'il est en approche du calvaire.

– Il y a une ville qui s'appelle Olivia ? demanda Andrew.

– Oui, pourquoi ? répondit Alberto.

– Pour rien.

– Une fois sa voiture hors-service, restez planqués jusqu'à ce que ses hommes partent à Gahan. À un contre trois vous ne feriez pas le poids. Je crois savoir que vous avez eu affaire à eux récemment et, à voir votre tête, on n'est pas très rassurés quant à l'issue d'un combat.

– Et moi, je ne compte pas, demanda Marisa ?

– Toi, tu restes dans la voiture et tu conduis. Je t'interdis de quitter le volant, même si notre courageux journaliste se fait tirer dessus. Tu m'as bien compris, Marisa, et je ne plaisante pas ! S'il t'arrivait quelque chose, ta tante viendrait m'abattre ici en plein jour.

– Elle ne sortira pas de la voiture, promit Andrew qui reçut aussitôt un coup de pied de Marisa dans le tibia.

– Ne traînez pas, Gahan est à deux bonnes heures d'ici, vous aurez besoin de temps pour repérer les lieux, prendre vos marques et vous fondre dans le paysage. Ricardo vous a préparé de quoi dîner en route, il t'attend à la cuisine, Marisa. File, j'ai deux, trois mots à dire à monsieur.

Marisa obéit à son oncle.

– Vous vous sentez capable de remplir cette mission jusqu'au bout ?

– Vous le saurez demain, répondit nonchalamment Andrew.

Alberto l'empoigna par l'avant-bras.

– J'ai mobilisé beaucoup d'amis pour mener à bien cette opération, il en va non seulement de ma crédibilité, mais de la sécurité de ma nièce.

– C'est une grande fille, elle sait ce qu'elle fait, mais il est encore temps de lui interdire de m'accompagner. Avec une bonne carte routière, je devrais trouver ce bled sans trop de difficultés.

– Elle ne m'écouterait pas, je n'ai plus assez d'autorité sur elle.

– Je ferai de mon mieux, Alberto, et vous, faites en sorte que cette mission, comme vous l'appelez, ne vire pas au drame. J'ai votre parole qu'aucun de vos hommes n'essaiera de régler son compte à Ortiz ?

– Je n'en ai qu'une et je vous l'ai déjà donnée !

– Alors, tout devrait se dérouler sans problèmes.

– Prenez ça, dit Alberto en posant un revolver sur les genoux d'Andrew, on ne sait jamais.

Andrew le rendit à Alberto.

– Je ne crois pas que cela renforcerait la sécurité de Marisa, je n'ai jamais utilisé d'arme à feu. Contrairement aux idées reçues, tous les Américains ne sont pas des cow-boys.

Andrew voulut se lever, mais Alberto lui fit signe que leur conversation n'était pas terminée.

– Louisa est venue vous voir à l'hôpital ?

– Qui vous l'a dit ?

– Je me suis assuré de votre bon rétablissement pendant votre séjour, au cas où les hommes d'Ortiz auraient eu l'idée d'achever leur besogne.

– Alors vous connaissez déjà la réponse à votre question.

– Elle vous a parlé de moi ?

Andrew observa Alberto et se leva.

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