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Boris Vian: L'Automne à Pékin

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Boris Vian L'Automne à Pékin

L'Automne à Pékin: краткое содержание, описание и аннотация

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Ce matin-là, Amadis Dudu rata l'autobus. Or, non seulement ce contre-temps ne compromit en rien sa journée, mais il l'engagea au contraire dans une série d'aventures bien extraordinaires, où se trouvaient mêlées toutes sortes de personnes au milieu desquelles il n'allait du reste pas tarder, lui Dudu, à se perdre ; mais cela n'était pas gênant du tout, au contraire. Inutile d'ajouter que rien dans cette histoire ne concerne l'automne, ni Pékin. Le livre de Boris Vian est très drôle et tout à fait déchirant. À l'image de son auteur, lequel ne trouva le succès qu'après sa mort.

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— Il veut qu’on aille danser, dit Rochelle. Moi, je préfère le cinéma.

— Il aime bien voir ce qu’il fait, dit Angel.

— Oh ! dit Rochelle. Vous ne devez pas dire des choses comme ça !

— Excusez-moi.

Rochelle avait un peu rougi, et Angel regrettait ce commentaire perfide.

— C’est un brave type, ajouta-t-il. Mon meilleur copain.

— Vous le connaissez bien ? demanda Rochelle.

— Depuis cinq ans.

— Vous n’êtes pas du tout pareil.

— Non, mais on s’entend bien, assura Angel.

— Est-ce qu’il…

Elle s’arrêta et rougit encore.

— Pourquoi vous n’osez pas le dire ? C’est pas correct ?

— Si, dit Rochelle. Mais c’est idiot. Ça ne me regarde pas.

— C’est ça que vous voulez savoir ? dit Angel. Eh bien oui, il a toujours eu du succès avec les filles.

— Il est très beau garçon, murmura Rochelle.

Elle se tut et se retourna, parce qu’Anne faisait, en sens inverse, le tour de la voiture, pour venir se réinstaller au volant. Il ouvrit la portière.

— J’espère que ça tiendra, dit-il. Ça ne coule pas beaucoup, mais il y a une drôle de pression. Je venais de faire recharger les accus.

— C’est pas de chance, dit Angel.

— Pourquoi est-ce que cette imbécile de fille avait de telles oreilles !.. protesta Anne.

— Tu n’avais qu’à ne pas faire l’idiot avec ton indicateur, dit Angel.

— C’est vrai, approuva Rochelle.

Elle rit.

— C’était très drôle !..

Anne rit aussi. Il n’était pas en colère. La voiture repartit, mais ils s’arrêtèrent de nouveau très vite car la rue refusait de continuer plus loin. C’est là qu’ils allaient.

C’était un club de danse où les amateurs de vraie musique se retrouvaient entre purs pour pratiquer des dislocations. Anne dansait très mal. Angel souffrait toujours en voyant Anne se mettre à contretemps ; il ne l’avait jamais regardé danser avec Rochelle.

Cela se passait au sous-sol. Un petit escalier blanc y menait en se tortillant ; une grosse corde-lierre, dont on coupait les feuilles tous les mois, permettait de descendre sans se tuer. C’était aussi, par endroits, garni de cuivre rouge et de hublots.

Rochelle passa la première, puis Anne, et Angel fermait la marche, afin que les prochains arrivants puissent s’en servir à leur tour. Quelquefois, des insouciants la laissaient ouverte et le garçon se cassait la figure à chaque coup parce que son plateau l’empêchait de voir.

À mi-descente, ils se sentirent saisis par le battement cardiaque de la section rythmique. Un peu plus bas, on prenait en plein dans l’oreille les mélanges de sons de clarinette et de trompinette qui progressaient en s’appuyant l’un sur l’autre, acquérant, ainsi, en très peu de temps, une vitesse considérable. Et puis, au pied de l’escalier, ils perçurent le vague brouhaha de pieds remués, de torses pelotés, de rires confidentiels et d’autres moins discrets, de graves éructations et de conversations nerveuses parmi les clapotis de verres et d’eau gazéifiée qui composent l’atmosphère adéquate d’un bar de demi-luxe. Anne chercha des yeux une table libre et la désigna à Rochelle qui l’atteignit la première. Ils commandèrent des portos frisés.

La musique ne s’arrêtait guère à cause de la persistance des impressions oreilleuses. Anne profita d’un blues considérablement langoureux pour inviter Rochelle. Pas mal de danseurs venaient de se rasseoir, écœurés par la lenteur du morceau, et tous les tordus se levaient parce que ça leur rappelait le tango ; ils en profitaient pour intercaler des corte et des pas hésitation entre les déboîtaisons classiques des orthodoxes, au nombre desquels Anne croyait pouvoir se compter. Angel les regarda deux secondes puis détourna les yeux, prêt à vomir. Anne était déjà à contretemps. Et Rochelle suivait sans se troubler.

Ils revinrent s’asseoir. Angel invita Rochelle à son tour. Elle sourit, dit oui, et se leva. C’était encore un air lent.

— Où est-ce que vous avez rencontré Anne ? demanda Angel.

— Il n’y a pas longtemps, répondit-elle.

— Un mois ou deux, je crois ?

— Oui, dit Rochelle. Dans une surprise partie.

— Vous n’aimez peut-être pas que je vous parle de ça ? demanda Angel.

— J’aime bien parler de lui.

Angel la connaissait très peu, mais il eut de la peine. Il aurait été embarrassé d’expliquer pourquoi. Toutes les fois qu’il rencontrait une jolie fille, il éprouvait un désir de propriété. L’envie d’avoir des droits sur elle. Enfin, Anne était son ami.

— C’est un type remarquable, dit-il. Très doué.

– Ça se voit tout de suite, dit Rochelle. Il a des yeux épatants, et une belle voiture.

– À l’École, il réussissait sans difficulté aucune, là où d’autres mettaient des heures.

— Il est très costaud, dit Rochelle. Il fait beaucoup de sport.

— Je ne l’ai pas vu rater un seul examen en trois ans.

— Et puis, j’aime la façon dont il danse.

Angel essayait de la maîtriser, mais elle paraissait fermement décidée à danser à contretemps. Il fut obligé de la tenir un peu moins serré et la laissa se démener toute seule.

— Il n’a qu’un défaut, dit Angel.

— Oui, dit Rochelle, mais ce n’est pas important.

— Il pourra s’en corriger, assura Angel.

— Il a besoin qu’on s’occupe de lui, et il a besoin d’avoir toujours quelqu’un près de lui.

— Vous avez probablement raison. D’ailleurs, il a toujours quelqu’un près de lui.

— Je ne voudrais pas qu’il y ait non plus trop de gens, dit Rochelle pensivement. Seulement des amis sûrs. Vous par exemple.

— Je suis un ami sûr ?

— Vous êtes le type dont on à envie d’être la sœur. Exactement.

Angel baissa la tête. Elle ne lui laissait pas beaucoup d’illusions. Il ne savait pas sourire comme Anne. Voilà la raison. Rochelle continuait à danser à contretemps et prenait grand plaisir à la musique. Les autres danseurs aussi. Il faisait chaud et enfumé, et les notes se faufilaient parmi les volutes grises des mégots en train d’agoniser sur des cendriers-réclame de la maison Dupont, rue d’Haute-feuille, qui représentaient, à l’échelle réduite, des bassins de lit et du matériel pour malades.

— Qu’est-ce que je fais, comment ça ?

— Dans la vie ?

— Je danse souvent, dit Rochelle. J’ai appris le secrétariat après mon baccalauréat, mais je ne travaille pas encore. Mes parents aiment mieux que je sache me conduire dans le monde.

La musique s’arrêta et Angel aurait voulu rester sur place pour recommencer sitôt que les musiciens attaqueraient un nouveau morceau, mais ils aiguisaient leurs instruments. Il suivit Rochelle qui s’empressait de regagner la table et s’assit tout près d’Anne.

— Alors, dit Anne, vous me donnez la prochaine ?

— Oui, dit Rochelle. J’aime bien danser avec vous.

Angel prit l’air de ne pas entendre. D’autres filles pouvaient avoir d’aussi jolis cheveux, mais la même voix, comment ? La forme comptait aussi pas mal.

Il ne voulait surtout pas ennuyer Anne. C’est Anne qui connaissait Rochelle, et ça le regardait. Il prit la bouteille dans le seau plein de glace verte et remplit sa coupe. Pas une de ces filles ne l’intéressait. Sauf Rochelle. Mais Anne avait la priorité.

Anne, c’était un copain.

2

Ils durent s’en aller pour dîner. On ne peut pas passer toute la nuit dehors lorsqu’on travaille le lendemain. Dans la voiture, Rochelle s’assit devant, à côté d’Anne et Angel monta derrière. Anne se tenait bien avec Rochelle. Il ne mettait pas le bras autour de sa taille, et ne se penchait pas vers elle, et il ne lui prenait pas la main. Angel l’aurait fait, si Rochelle l’avait connu avant Anne. Mais Anne, aussi, gagnait plus d’argent que lui ; Anne méritait tout cela. Danser à contretemps, cela paraît moins rédhibitoire quand on n’entend plus la musique. On passerait là-dessus. Anne disait une bêtise, parfois, et Rochelle riait, agitant ses cheveux éclatants sur le col de son tailleur vert vif…

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