— Agnès de Montpellier, dit-il, attend votre bon plaisir de la recevoir avant de s’éloigner de cette maison.
Roger essuya ses larmes, et se remit : cependant il n’eut pas la force de se lever. Agnès entra. Elle était pâle, et avait les yeux baissés. Elle s’approcha en tremblant.
— Buat, dit-il, fais appeler Peillon. Puis il se tourna vers la vicomtesse.
— Agnès, lui dit-il, vous allez me quitter ; mais il ne faut pas, je ne veux pas que vous ayez à mendier de qui que ce soit, fût-ce de votre frère d’Aragon, ou de votre sœur Marie, un asile qu’un mot ou un regard pourrait vous reprocher ou vous rendre odieux. Aujourd’hui, dans cette ville qui m’est ennemie, je ne puis faire pour vous tout ce que je dois ; car, Dieu sait, dans l’état d’interdit et de malédiction où je suis, si j’y trouverais des hommes pour approuver de leur sceau et témoigner par leurs noms des donations que je veux vous faire. Les temps viendront, je l’espère, où j’accomplirai ce devoir. Ne considérez donc ce que je fais en ce moment que comme le premier paiement de la dette que je contracte ici envers vous. C’est tout ce que je puis, Agnès. J’espère que je n’ai pas perdu si complètement l’estime de toutes les âmes que vous ne soyez assurée que je fais tout ce que je puis.
— Seigneur vicomte, dit Agnès, je ne puis ni ne dois…
— Ne me refusez pas, Agnès, dit le vicomte, je vous en prie. Ce que je vais vous donner ne suffit pas à la vie d’une femme ; ce qui me restera, dût-on m’arracher mes quatre comtés, suffira toujours à la vie d’un homme. Il me restera mon épée, et quand je n’aurai plus ni ville, ni bourg, ni palais, ni chaumière, ni toit où abriter ma tête, je la planterai sur quelque lande stérile ou sur quelque grève déserte et je me coucherai à côté, sûr de ma vie comme sous la main de Dieu.
Agnès ne répondit pas, et Buat rentra aussitôt : mais il avait à la fois l’air consterné et irrité.
— Peillon est parti, s’écria-t-il ; Peillon s’est enfui, emportant votre trésor et tout l’or que vous lui aviez confié.
— Peillon est parti, s’écria Roger en se relevant le visage consterné et le regard perdu.
— Seigneur, dit Agnès timidement, je n’ai besoin de rien.
— Oh ! merci, merci, de votre pitié, Madame, dit Roger en se laissant aller à pleurer comme un enfant ; vous voyez bien que je suis le plus malheureux des hommes.
Et comme Agnès, entraînée par Arnauld, s’éloignait lentement, et en jetant sur Roger un regard qui semblait lui demander la permission de rester, il se reprit à dire, comme un homme sans force et sans courage :
— N’est-ce pas que je suis bien malheureux ?
Puis quand cette jeune fille fut sortie, comme si elle emportait sa dernière espérance, comme si elle brisait le dernier lien qui l’attachait au monde, cette jeune fille, qu’il détestait la veille, il tomba à genoux et s’écria :
— Mon Dieu, mon Dieu ! prenez pitié de moi ! Et il s’évanouit.
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