Malgré cette amélioration pour les MNA, il n’empêche que les conditions de la procédure à l’aéroport (en particulier la détention 34) ne correspondent aucunement à l’intérêt supérieur de l’enfant, de telle sorte que l’entrée devrait être toujours immédiatement autorisée et la procédure « normale » ordonnée pour les enfants, qu’ils soient accompagnés ou non.
3.6 Visa humanitaire
3.6.1 Abolition de la procédure à l’ambassade
Jusqu’à fin septembre 2012, existait la possibilité de déposer une demande d’asile auprès d’une ambassade suisse à l’étranger. Cette possibilité a été supprimée dans le cadre des modifications déclarées urgentes de la loi sur l’asile. 35Cette décision a été confirmée le 9 juin 2013 en votation populaire à une majorité de 78.4 %.
La seule voie légale, et surtout sûre, à disposition des requérants d’asile voulant demander protection en Suisse a ainsi été coupée. Les personnes persécutées sont désormais exposées à de nouveaux risques par les dangers du voyage. En particulier les femmes et les enfants courent le danger de subir des atteintes à leur intégrité. 36
La procédure à l’ambassade contribuait beaucoup à l’entrée en Suisse dans la sécurité. 37Dans de nombreux cas, elle a permis des regroupements familiaux qui n’auraient pas été possibles par la seule application des principes de la LEtr.
Au cours des débats sur la suppression de la procédure à l’ambassade, il a souvent été question du maintien de la possibilité d’obtenir un visa humanitaire auprès d’une représentation suisse à l’étranger. Toutefois, le visa humanitaire ne remplace pas la procédure à l’ambassade de manière adéquate. Nous y reviendrons au pt 3.6.4.
[68]3.6.2 Base juridique du visa humanitaire
L’art. 5 par. 4 let. c du Code frontières Schengen en relation avec l’art. 25 du code des visas prévoit la possibilité d’un visa à validité territoriale limitée pouvant être accordé par l’Etat membre concerné notamment pour des motifs humanitaires. 38
Selon la directive du SEM, 39un visa pour motifs humanitaires peut être accordé à une personne lorsqu’il y a manifestement lieu d’admettre que les circonstances concrètes dans lesquelles elle se trouve dans son pays d’origine ou de provenance l’exposent à une mise en danger à la fois directe, sérieuse et concrète de sa vie et de son intégrité corporelle. En outre, la personne doit se trouver dans une situation de détresse particulière nécessitant impérativement une intervention de l’autorité et justifiant l’octroi d’un visa d’entrée. A titre d’exemples, on peut citer le cas de guerre imminente ou déclarée ou d’une mise en danger individuelle directe en raison d’une situation concrète. Le cas d’espèce doit faire l’objet d’un examen attentif. En outre, la directive pose la présomption que les personnes se trouvant déjà dans un pays tiers ne courent plus de danger.
Les bases juridiques du droit suisse pour l’octroi d’un visa humanitaire se trouvent dans l’ordonnance sur l’entrée et l’octroi de visas (OEV). Selon l’art. 2 al. 4 OEV, le visa autorise une entrée en Suisse pour une durée de 90 jours. Il s’agit certes d’un visa Schengen, mais il n’est valable que pour la Suisse. Des difficultés pratiques particulières apparaissent quand il n’existe pas de vol direct et que l’entrée en Suisse doit se faire en passant par un autre Etat Schengen. Les Etats concernés refusent souvent d’établir un visa de transit, car ils craignent que les personnes ne se rendent finalement pas en Suisse comme prévu.
Après l’entrée en Suisse, la personne peut y déposer une demande d’asile et suivre la procédure ordinaire. Si elle ne le fait pas, elle doit quitter la Suisse avant l’échéance des 90 jours du visa.
[69]La demande de visa humanitaire en pratique
La demande de visa humanitaire doit être déposée dans une représentation suisse à l’étranger. Une liste de toutes les représentations se trouve sur le site du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) sous la rubrique « Représentations ».
Le formulaire (Schengen) peut être téléchargé sur Internet et rempli ; on peut l’obtenir en de nombreuses langues. 40Au chiffre 21 « Motifs », il faut indiquer « autres » et préciser qu’il s’agit d’une demande de visa pour des motifs humanitaires en ajoutant des indications détaillées sur la situation concrète dans l’espace réservé à cet effet, si possible déjà avec des moyens de preuve. En principe, aucun émolument n’est prélevé, sauf, selon la directive du SEM, si la demande de visa est manifestement infondée ou si elle est répétée avec les mêmes motifs. Le caractère manifestement infondé d’une demande relève du pouvoir d’appréciation qui ne fait guère l’objet d’un contrôle en pratique, car la plupart des requérants ne disposent pas des moyens de payer un émolument. Une procédure d’opposition auprès du SEM, qui seule peut aboutir à une décision susceptible de recours, nécessite en principe une avance de frais de 200.- chf. 41
Il est possible que la personne soit convoquée pour un entretien à l’ambassade. La directive indique cependant qu’aucune mesure d’instruction poussée n’est nécessaire et qu’il ne s’agit en particulier pas de mener une audition telle que prévue en droit d’asile. Il suffit de se baser sur une première estimation de la représentation. Cela signifie que la mise en danger doit être très clairement mise en évidence déjà au moment du dépôt de la demande de visa, car aucune mesure d’instruction détaillée ne doit être accomplie par les autorités. Voir aussi le devoir de collaborer des requérants pour plus d’informations à ce sujet.
3.6.3 Examen de la demande
Lorsqu’il existe des motifs humanitaires justifiant l’octroi d’un visa, aucune autre condition d’entrée ne doit être remplie. En effet, l’absence de documents de voygage valables (art. 3 al. 4 OEV) et de moyens financiers suffisants ne sont pas des motifs de non-entrée en matière sur la demande de visa humanitaire. De même, la condition de la garantie d’un retour à l’échéance du visa 42ainsi que l’obligation de conclure une assurance maladie n’ont pas cours s’il existe des motifs humanitaires (art. 10 al. 3 let. b OEV). D’autres dispositions spéciales pour le visa humanitaire se [70]trouvent à l’art. 11b al. 2 OEV (recevabilité de la demande de visa) et à l’art. 12 al. 4 OEV (conditions pour l’octroi et le refus du visa).
Les motifs invoqués pour l’obtention d’un visa humanitaire sont examinés par la représentation à l’étranger. Si celle-ci ne les considère pas comme suffisants, elle rejette la demande de sa propre compétence au moyen du formulaire prévu par le droit de Schengen.
Au contraire, si elle reconnaît que les motifs sont suffisants ou si elle a des doutes, elle saisit les données de la demande avec photo et empreintes digitales dans le système national des visas ORBIS et transmet la demande de visa au SEM. La représentation joint à la demande une brève prise de position sur les conditions d’entrée en Suisse sous forme de note et envoie le dossier au SEM (annexe à ORBIS ou courrier diplomatique).
Le SEM examine la demande et accorde le visa s’il considère les motifs suffisants pour un visa humanitaire. La représentation suisse à l’étranger en est informée. Elle établit le visa permettant la venue du requérant en Suisse.
Au contraire, si le SEM rejette la demande, il établit une note qu’il insère dans ORBIS, saisit les motifs du rejet et retourne la demande à la représentation compétente qui refuse le visa.
Si le visa humanitaire est refusé, le requérant peut faire opposition dans les 30 jours au SEM (art. 6 al. 2 bisLEtr). En cas de nouveau rejet, le recours au TAF est ouvert.
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