L'Explication tout entière consiste en dix chapitres. Les quatre premiers chapitres exposent l'ensemble général de l'ouvrage, et en montrent le but. Les six autres chapitres exposent plus en détail les diverses branches du sujet de l'ouvrage. Le cinquième chapitre enseigne le devoir d'être vertueux et éclairé. Le sixième chapitre pose la base fondamentale du perfectionnement de soi-même. Ceux qui commencent l'étude de ce livre doivent faire tous leurs efforts pour surmonter les difficultés que ce chapitre présente à sa parfaite intelligence; ceux qui le lisent ne doivent pas le regarder comme très-facile à comprendre et en faire peu de cas.
[21] On veut dire [dans ce paragraphe] que celui qui est dans la position la plus élevée de la société [le souverain] ne doit pas ne pas prendre en sérieuse considération ce que les hommes ou les populations demandent et attendent de lui; s'il ne se conformait pas dans sa conduite aux droites règles de la raison, et qu'il se livrât de préférence aux actes vicieux [aux actions contraires à l'intérêt du peuple] en donnant un libre cours à ses passions d'amitié et de haine, alors sa propre personne serait exterminée et le gouvernement périrait; c'est là la grande ruine de l'empire [dont il est parlé dans le texte]. (TCHOU-HI.)
[22] Le Ho-kiang dit a ce sujet: «La fortune du prince dépend du ciel, et la volonté du ciel existe dans le peuple. Si le prince obtient l'affection et l'amour du peuple, le Très-Haut le regardera avec complaisance et affermira son trône; mais s'il perd l'affection et l'amour du peuple, le Très-Haut le regardera avec colère, et il perdra son royaume.»
[23] On voit par ces instructions de Mou-koung , prince du petit royaume de Thsin , tirées du Chou-king , quelle importance on attachait déjà en Chine, 650 ans avant notre ère, au bon choix des ministres, pour la prospérité et le bonheur d'un État. Partout l'expérience éclaire les hommes! Mais malheureusement ceux qui les gouvernent ne savent pas ou ne veulent pas toujours en profiter.
[24] «Je n'admire point un homme qui possède une vertu dans toute sa perfection, s'il ne possède en même temps dans un pareil degré la vertu opposée, tel qu'était Épaminondas, qui avait l'extrême valeur jointe à l'extrême bénignité; car autrement ce n'est pas monter, c'est tomber. On ne montre pas sa grandeur pour être en une extrémité, mils bien en touchant les deux à la fois, et remplissant tout l'entre-deux.» (PASCAL.)
[25] Liu-chi a dit: «Si dans un royaume le peuple n'est pas paresseux et avide d'amusements, alors ceux qui produisent les revenus sont nombreux; si la cour n'est pas son séjour de prédilection, alors ceux qui mangent ou dissipent ces revenus sont en petit nombre; si on n'enlève pas aux laboureurs le temps qu'ils consacrent à leurs travaux, alors ceux qui travaillent, qui labourent et qui sèment, se donneront beaucoup de peine pour faire produire la terre; si l'on a soin de calculer ses revenus pour régler sur eux ses dépenses, alors l'usage que l'on en fera sera modéré.»
[26] Meng-hien-tseu était un sage Ta-fou , ou mandarin, du royaume de Lou , dont la postérité s'est éteinte dans son second petit-fils. Ceux qui nourrissent des coursiers et possèdent des chars à quatre chevaux , ce sont les mandarins ou magistrats civils, Tu-fou , qui passent les premiers examens des lettres à des périodes fixes. Une famille qui se sert de glace dans la cérémonie des ancêtres , ce sont les grands de l'ordre supérieur nommés King , qui se servaient de glace dans les cérémonies funèbres qu'ils faisaient en l'honneur de leurs ancêtres. Une famille de cent chars , ce sont les grands de l'État qui possédaient des fiefs séparés dont ils tiraient les revenus. Le prince devrait plutôt perdre ses propres revenus, ses propres richesses, que d'avoir des ministres qui fissent éprouver des vexations et des dommages au peuple. C'est pourquoi il vaut mieux que [le prince] ait des ministres qui dépouillent le trésor du souverain que des ministres qui surchargent le peuple d'impôts pour accumuler des richesses .
[27] «Le sens de ce chapitre est qu'il faut faire tous ses efforts pour être d'accord avec le peuple dans son amour et son aversion, ou partager ses sympathies, et qu'il ne faut pas s'appliquer uniquement a faire son bien-être matériel. Tout cela est relatif a la règle de conduite la plus importante que l'on puisse s'imposer. Celui qui peut agir ainsi traite alors bien les sages, se plait dans les avantages qui en résultent; chacun obtient ce a quoi il peut prétendre, et le monde vit dans la paix et l'harmonie.» ( Glose .)
Thoung-yang-hiu-chi a dit: «Le grand but, le sens principal de ce chapitre signifie que le gouvernement d'un empire consiste dans l'application des règles de droiture et d'équité naturelles que nous avons en nous, à tous les actes du gouvernement, ainsi qu'au choix des hommes que l'on emploie, qui, par leur bonne ou mauvaise administration, conservent ou perdent l'empire. Il faut que, dans ce qu'ils aiment et dans ce qu'ils haïssent, ils se conforment toujours au sentiment du peuple.»
TCHOUNG-YOUNG,
DEUXIÈME LIVRE CLASSIQUE.
AVERTISSEMENT
DU DOCTEUR TCHING-TSEU.
Le docteur Tching-tseu a dit: Ce qui ne dévie d'aucun côté est appelé milieu ( tchoung ); ce qui ne change pas est appelé invariable ( young ). Le milieu est la droite voie, ou la droite règle du monde; l' invariabitilé en est la raison fixe. Ce livre, comprend les règles de l'intelligence qui ont été transmises par les disciples de KHOUNG-TSEU à leurs propres disciples. Tseu-sse (petit-fils de KHOUNG-TSEU) craignit que, dans la suite des temps, ces règles de l'intelligence ne se corrompissent; c'est pourquoi il les consigna dans ce livre pour les transmettre lui-même à Mêng-tseu . Tseu-sse , au commencement de son livre, parle de la raison qui est une pour tous les hommes; dans le milieu, il fait des digressions sur toutes sortes de sujets; et à la fin, il revient sur la raison unique, dont il réunit tous les éléments. S'étend-il dans des digressions variées, alors il parcourt les six points fixes du monde (l'est, l'ouest, le nord, le sud, le nadir et le zénith); se ressere-t-il dans son exposition, alors il se concentre et s'enveloppe pour ainsi dire dans les voiles du mystère. La saveur de ce livre est inépuisable, tout est fruit dans son étude. Celui qui sait parfaitement le lire, s'il le médite avec une attention soutenue, et qu'il en saisisse le sens profond, alors, quand même il mettrait toute sa vie ses maximes en pratique, il ne parviendrait pas à les épuiser.
1. Le mandat du ciel (ou le principe des opérations vitales et des actions intelligentes conférées par le ciel aux êtres vivants[1]) s'appelle nature rationnelle ; le principe qui nous dirige dans la conformité de nos actions avec la nature rationnelle s'appelle règle de conduite morale ou droite voie ; le système coordonné de la règle de conduite morale ou droite voie s'appelle Doctrine des devoirs ou Institutions .
2. La règle de conduite morale qui doit diriger les actions est tellement obligatoire, que l'on ne peut s'en écarter d'un seul point, un seul instant. Si l'on pouvait s'en écarter, ce ne serait plus une règle de conduite immuable. C'est pourquoi l'homme supérieur, ou celui qui s'est identifié avec la droite voie[2], veille attentivement dans son cœur sur les principes qui ne sont pas encore discernés par tous les hommes, et il médite avec précaution sur ce qui n'est pas encore proclamé et reconnu comme doctrine.
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