7. Le Livre des Vers dit:
«Faites ce qui est convenable entre frères et sœurs de différents âges.»
Si vous faites ce qui est convenable entre frères de différents âges, alors vous pourrez instruire de leurs devoirs mutuels les frères aînés et les frères cadets d'un royaume[20].
8. Le Livre des Vers dit:
«Le prince dont la conduite est toujours pleine d'équité et de sagesse
Verra les hommes des quatre parties du monde imiter sa droiture.»
Il remplit ses devoirs de père, de fils, de frère ainé et de frère cadet, et ensuite le peuple l'imite.
9. C'est ce qui est dit dans le texte: L'art de bien gouverner une nation consiste à mettre auparavant le bon ordre dans sa famille .
Voilà le neuvième chapitre du Commentaire. Il explique ce que l'on doit entendre par bien gouverner le royaume en mettant le bon ordre dans sa famille .
[15] La glose du Kiang-i-pi-tchi dit que c'est le fils d'un prince possédant un royaume qui est ici désigné.
[16] En dégageant complètement la pensée du philosophe de sa forme chinoise, on voit qu'il assimile le gouvernement de l'État à celui de la famille, et qu'à ses yeux, celui qui possède toutes les vertus exigées d'un chef de famille possède également toutes les vertus exigées d'un souverain. C'est aussi ce que dit le Commentaire impérial ( Ji-kiang ): «Ces trois vertus: la piété filiale , la déférence envers les frères ainés, la bienveillance ou l'affection pour ses parents, sont des vertus avec lesquelles le prince orne sa personne, tout en instruisant sa famille; elles sont généralement la source des bonnes mœurs, et en les étendant, en en faisant une grande application, on en fait par conséquent la règle de toutes ses actions. Voilà comment le fils du prince, sans sortir de sa famille, se forme dans l'art d'instruire et de gouverner un royaume.»
[17] Le Commentaire impérial ( Ji-kiang ) s'exprime ainsi sur ce passage: «Autrefois Wou-wang écrivit un livre pour donner des avertissements à Kang-chou (son frère cadet, qu'il envoyait gouverner un État dans la province du Ho-nan ); il dit: Si l'on exerce les fonctions de prince, il faut aimer, chérir les cent familles (tout le peuple chinois) comme une tendre mère aime et chérit son jeune enfant au berceau. Or, dans les premiers temps que son jeune enfant vient de naître, chaque mère ne peut pas apprendre par des paroles sorties de sa bouche ce que l'enfant désire; la mère, qui par sa nature est appelée à lui donner tous ses soins et à ne le laisser manquer de rien, s'applique avec la plus grande sincérité du cœur, et beaucoup plus souvent qu'il est nécessaire, à chercher à savoir ce qu'il désire, et elle le trouve ensuite. Il faut qu'elle cherche à savoir ce que son enfant désire, et quoiqu'elle ne puisse pas toujours réussir à deviner tous ses vœux, cependant son cœur est satisfait, et le cœur de son enfant doit aussi être satisfait; ils ne peuvent pas s'éloigner l'un de l'autre. Or, le cœur de cette mère, qui chérit ainsi son jeune enfant au berceau, le fait naturellement et de lui-même: toutes les mères ont les mêmes sentiments maternels; elles n'ont pas besoin d'attendre qu'on les instruise de leur devoir pour pouvoir ainsi aimer leurs enfants. Aussi n'a-t-on jamais vu dans le monde qu'une jeune femme apprenne d'abord les règles des soins à donner à un jeune enfant au berceau, pour se marier ensuite. Si l'on sait une fois que les tendres soins qu'une mère prodigue à son jeune enfant lui sont ainsi inspirés par ses sentiments naturels, on peut savoir également que ce sont les mêmes sentiments de tendresse naturelle qui doivent diriger un prince dans ses rapports avec la multitude . N'en est-il pas de même dans ses rapports avec le souverain et avec ses aînés? Alors c'est ce qui est dit, que sans sortir de sa famille on peut se perfectionner dans l'art d'instruire et de gouverner un royaume.»
[18] Par un seul homme on indique le prince . ( Glose .)
[19] On peut voir ce qui a été dit de ces souverains de la Chine dans notre Résumé de l'histoire et de la civilisation chinoises, depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos jours , pag. 33 et suiv., et pag. 61, 70. On peut aussi y recourir pour toutes les autres informations historiques que nous n'avons pas cru devoir reproduire ici.
[20] Dans la politique de ces philosophes chinois, chaque famille est une nation ou État en petit, et toute nation ou tout État n'est qu'une grande famille: l'un et l'autre doivent être gouvernés par les mêmes principes de sociabilité et soumis aux mêmes devoirs. Ainsi, comme un homme qui ne montre pas de vertus dans sa conduite et n'exerce point d'empire sur ses passions n'est pas capable de bien administrer une famille, de même un prince qui n'a pas les qualités qu'il faut pour bien administrer une famille est également incapable de bien gouverner une nation. Ces doctrines ne sont point constitutionnelles, parce quelles sont en opposition avec la doctrine que le chef de l' État règne et ne gouverne pas , et qu'elles lui attribuent un pouvoir exorbitant sur ses sujets, celui d'un père sur ses enfants, pouvoir dont les princes, en Chine, sont aussi portés à abuser que partout ailleurs; mais, d'un autre côté, ce caractère d'assimilation au père de famille leur impose des devoirs qu'ils trouvent quelquefois assez gênants pour se décider à les enfreindre; alors, d'après la même politique, les membres de la grande famille ont le droit, sinon toujours la force, de déposer les mauvais rois qui ne gouvernent pas en vrais pères de famille. On en a vu des exemples.
Sur le devoir d'entretenir la paix et la bonne harmonie dans le monde, en bien gouvernant les royaumes.
1. Les expressions du texte, faire jouir le monde de la paix et de l'harmonie consiste à bien gouverner son royaume , doivent être ainsi expliquées: Que celui qui est dans une position supérieure, ou le prince, traite ses père et mère avec respect, et le peuple aura de la piété filiale; que le prince honore la supériorité d'âge entre les frères, et le peuple aura de la déférence fraternelle; que le prince ait de la commisération pour les orphelins, et le peuple n'agira pas d'une manière contraire. C'est pour cela que le prince a en lui la règle et la mesure de toutes les actions.
2. Ce que vous réprouvez dans ceux qui sont au-dessus de vous, ne le pratiquez pas envers ceux qui sont au-dessous; ce que vous réprouvez dans vos inférieurs, ne le pratiquez pas envers vos supérieurs; ce que vous réprouvez dans ceux qui vous précèdent, ne le faites pas à ceux qui vous suivent; ce que vous réprouvez dans ceux qui vous suivent, ne le faites pas à ceux qui vous précèdent; ce que vous réprouvez dans ceux qui sont à votre droite, ne le faites pas à ceux qui sont à votre gauche; ce que vous réprouvez dans ceux qui sont à votre gauche, ne le faites pas à ceux qui sont à votre droite: voilà ce qui est appelé la raison et la règle de toutes les actions.
3. Le Livre des Vers dit:
«Le seul prince qui inspire de la joie,
C'est celui qui est le père et la mère du peuple!»
Ce que le peuple aime, l'aimer; ce que le peuple hait, le haïr: voilà ce qui est appelé être le père et la mère du peuple .
4. Le Livre des Vers dit:
«Voyez au loin cette grande montagne du Midi,
Avec ses rochers escarpés et menaçants!
Ainsi, ministre Yn , tu brillais dans ta fierté!
Et le peuple te contemplait avec terreur!»
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