— Eh bien! monseigneur, lui dis-je en sortant de là, vous allez à présent jouir du bien de cette famille en toute sûreté, et vous ne le pouviez point. Ces gens-là avaient trouvé des appuis, ils allaient faire du tapage; je sais bien que vous vous en seriez moqué, mais cela eût toujours été désagréable; je les ai découverte, je les ai trompés: vous en voilà défait.
Et, ici, Saint-Fond, en me baisant, était dans une ivresse inconcevable.
— Ah! comme le crime est doux et comme ses suites sont voluptueuses!… Juliette, tu ne saurais croire en quel état tient tous mes sens la divine action que tu viens de me faire commettre… Mon ange, mon unique dieu, dis-moi donc ce que tu veux que je fasse pour toi.
— Je sais qu’on vous plaît en laissant parler le désir d’avoir de l’argent: vous augmenterez de quelque chose la somme promise.
— N’était-elle pas de cent mille écus?
— Oui.
— Ô Juliette, je t’en promets le double! Mais qu’est ceci?… dit le ministre effrayé de deux hommes qui s’avançaient à nous le pistolet à la main; je frémis; personne n’est plus poltron que moi… Messieurs, que voulez-vous?
— Tu vas le voir, répond un de ces hommes en saisissant Saint-Fond et l’attachant au pied d’un arbre, ses culottes rabaissées sur ses talons.
— Mais que prétendez-vous?
— T’apprendre, dit l’autre homme armé d’une poignée de verges dont il caresse déjà le fessier ministériel, oui, scélérat, t’apprendre à traiter, comme tu viens de le faire, les pauvres habitants de la masure que tu quittes.
Et quand celui-ci a donné trois ou quatre cents coups, qui n’ont servi qu’à reguinder la machine énervée de Saint-Fond, l’autre approche et perfectionne son extase en l’enculant d’un vit énorme. Dès qu’il a foutu, il fouette; et dès qu’il a fouetté, le premier flagellateur encule. Saint-Fond, pendant ce temps-là, manie les fesses de la jeune fille à droite et les miennes à gauche; on le détache, les hommes disparaissent et nous errons de nouveau dans les ténèbres.
— Ô Juliette, je ne cesserai de te le dire, tu es divine!… Mais sais-tu que j’ai eu bien peur? Il est délicieux de donner à ses nerfs cette première commotion avant que de leur imprimer celle de la volupté: voilà de ces gradations que les sots ignorent et qui ne devraient être connues que de gens tels que nous.
— La peur agit donc fortement sur toi? dis-je à Saint-Fond.
— Oh, prodigieusement, ma chère! Je suis le plus jean-foutre de tous les êtres, et je l’avoue sans la plus petite honte. La peur n’est que l’art de se conserver, et cette science est la plus nécessaire à l’homme: il est absurde d’attacher de l’honneur à ne pas craindre les dangers; je place le mien à les redouter tous.
— Ah, Saint-Fond! si la peur fait un tel effet sur tes sens, juge de l’état où tu mets les malheureuses victimes de tes passions!
— Eh! c’est ce qui m’en plaît, dit le ministre; j’aime à leur faire éprouver l’espèce de chose qui trouble et bouleverse le plus cruellement mon existence… Mais où sommes-nous ici?… Ton jardin est d’une grandeur énorme.
— Nous voilà, dis-je, au bord d’une de ces fosses préparées pour les victimes…
— Ah! ah! dit Saint-Fond en tâtant avec la main; il faut que le prince ait immolé une des siennes ici: je sens un cadavre.
— Retirons-le, dis-je, voyons qui c’est… Elle n’est pas morte; c’est la plus jeune des trois sœurs: elle ne paraît être qu’étouffée, et le scélérat l’enterrait toute vive; il faut la rappeler à la vie, tu auras le plaisir d’en tuer deux.
Effectivement, après quelques secours, cette malheureuse revint à elle, mais il lui fut impossible de nous dire ce que le prince lui faisait quand elle avait perdu connaissance. Les deux sœurs s’embrassent en pleurant, et le barbare Saint-Fond leur déclare qu’il va les tuer toutes deux. Il y procède en effet; mais ayant beaucoup d’autres aventures semblables à vous raconter, j’aime mieux jeter un voile sur celle-ci que de risquer la monotonie. Le monstre avait déchargé dans le cul de la plus jeune de ces malheureuses, en procédant à son dernier supplice; nous jetâmes un peu de terre sur le trou, et nous poursuivîmes.
— Oh! quelle action voluptueuse que celle de la destruction! me dit cet insigne libertin; je n’en connais pas qui chatouille plus délicieusement; il n’est pas d’extase semblable à celle que l’on goûte en se livrant à cette divine infamie: si tous les hommes connaissaient ce plaisir, la terre se dépeuplerait en dix ans. Chère Juliette, j’ai bien reconnu, dans ce que nous venons de faire, que tu aimes le crime autant que moi!
Et je convainquis Saint-Fond qu’il m’irritait peut-être encore plus que lui. En disant ces mots, nous aperçûmes dans le bois, au clair de la lune qui se levait, une espèce de petit couvent.
— Qu’est-ce encore que ceci? dit Saint-Fond, prétends-tu donc me noyer de voluptés?
— En vérité, dis-je, j’ignore où nous sommes; frappons.
Une vieille religieuse se présente.
— Ma très chère mère, lui dis-je, pouvez-vous donner l’hospitalité à deux voyageurs qui s’égarent?
— Entrez, dit la bonne dame; quoique ceci soit un couvent de religieuses, la vertu que vous implorez n’est point étrangère à nos cœurs, et nous la pratiquons aussi volontiers avec vous que nous venons de le faire envers un vieux seigneur de la cour qui nous a demandé la même chose; il est avec nos dames, qui viennent de se lever pour matines.
Nous comprîmes, à ces mots, que le prince était là: nous le joignons. Une autre religieuse et six pensionnaires de douze à seize ans l’entouraient. Le vieux coquin, tout couvert du sang de sa dernière victime, commençait déjà à perdre le respect.
— Monsieur, dit à Saint-Fond celle des religieuses que nous trouvâmes en haut, opposez-vous aux tentatives de cet ingrat. Ce n’est que par des insultes qu’il prétend reconnaître l’hospitalité que nous lui accordons.
— Madame, dit le ministre, mon ami, qui n’est guère plus moral que moi, en détestant la vertu comme je le fais, n’aime à lui accorder aucune récompense; vos pensionnaires me paraissent extrêmement jolies, et, ou nous mettrons le feu à votre couvent, ou, sacredieu! nous les violerons toutes six.
Et Saint-Fond, saisissant aussitôt la plus petite, en accablant de coups de poing les deux religieuses qui veulent la défendre, la viole à nos yeux, par-devant. Que vous dirais-je, mes amis? les cinq autres eurent bientôt le même sort, à la différence que Saint-Fond, craignant de voir faiblir son outil, laissa les cons pour ne perforer que les culs. A mesure qu’elles sortaient de ses mains, le prince s’en emparait et les fustigeait jusqu’au sang, entremêlant toujours cette opération de baisers sur mes fesses, qu’il adorait, disait-il, par-dessus tout. Saint-Fond, maître de lui, n’avait pas déchargé; il s’empare des deux religieuses, dont l’une avait plus de soixante ans, s’enferme avec elles dans une cellule voisine, et rentre seul au bout d’une demi-heure.
— Qu’as-tu donc fait de ces duègnes, mon ami? dis-je au ministre, en le voyant revenir très ému.
— Pour rester les maîtres de la maison, nous dit-il, il fallait bien se débarrasser de ces gardiennes; j’ai commencé par m’en amuser dans cette cellule: j’aime infiniment les vieux culs; puis, ayant découvert un escalier qui conduisait auprès d’un puits, je les y ai jetées pour s’y rafraîchir.
— Et ces poulettes, qu’en allons-nous faire? J’espère que nous ne les laisserons pas en vie, dit le prince…
De nouvelles horreurs se commirent, que je laisse encore sous le voile; mais le couvent fut dévasté.
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