— Pour moi, je ne suis pas Hercule, je le sens, dit le prince, mais je voudrais être Pluton; je voudrais être chargé du soin de déchirer les mortels aux enfers.
— Et moi, dit Saint-Fond, je voudrais être la boîte de Pandore, afin que tous les maux sortis de mon sein les détruisissent tous individuellement.
Ici, quelques gémissements se firent entendre; ils émanaient des trois victimes enchaînées.
— Qu’on les délie, dit Saint-Fond, et qu’elles se fassent voir à nous.
Les Furies les détachent et les présentent aux deux convives; et comme il était impossible de réunir plus de grâces et plus de beautés, je vous laisse à penser comme elles furent bientôt couvertes de luxure.
— Juliette, me dit le ministre transporté, vous êtes une charmante créature; on peut dire avec raison que vos essais sont des coups de maître; allons nous perdre sous ces bosquets, allons nous livrer, dans l’ombre et le silence, à tout ce que l’égarement de nos têtes pourra nous dicter… As-tu fait creuser quelques fosses?
— Presque au pied de tous les endroits qui peuvent offrir des sièges à vos impuretés.
— Bon; et point de lumières dans les allées?
— Aucune; l’obscurité convient au crime et vous en jouirez dans toute son horreur; allons, prince, égarons-nous dans ces labyrinthes, et que là rien n’arrête l’impétuosité de nos emportements.
Nous partîmes d’abord tous ensemble, les deux libertins, les trois victimes et moi. A l’entrée d’une route de charmille, Saint-Fond dit qu’il ne pouvait aller plus loin sans foutre; et saisissant la plus jeune des filles, en moins de dix minutes le vilain fit sauter les deux pucelages; j’excitais, pendant ce temps-là, le vieux prince que rien ne pouvait faire bander.
— Vous ne foutrez donc pas? lui dit Saint-Fond en s’emparant de la seconde fille.
— Non, non, dépucelez, dit le vieux paillard, je me contenterai de vexations; donnez-les moi à mesure qu’elles sortent de vos mains.
Et dès qu’il tient la plus jeune de ces petites filles, il la tourmente de la plus cruelle manière, pendant que je le suce de toutes mes forces. Cependant Saint-Fond déflorait toujours, et, ayant mis la seconde dans le même état que la première, en la rendant au prince, il saisit celle de quatorze ans.
— Que j’aime à foutre ainsi dans l’obscurité! disait-il, les voiles de la nuit sont les aiguillons du crime, on ne les commet jamais aussi bien que dans l’ombre!
Saint-Fond, qui n’avait point encore déchargé, le fit dans le cul de l’aînée de ces filles, et demandant aussitôt au prince laquelle il voulait immoler, sur la cession que celui-ci fit de celle qui venait de faire décharger Saint-Fond, le vieux paillard, muni de tous les instruments nécessaires aux supplices qu’il méditait, s’égara, tenant ses deux victimes, et je suivis mon amant avec celle qui devait recevoir la mort de ses mains. Dès que nous fûmes à peu près seuls, je lui déclarai le vol que j’avais fait; il en rit beaucoup avec moi et m’assura que, comme pour se mettre en train, le prince, suivant son usage, avait été au bordel avant de venir au souper, il n’y avait rien de plus aisé que de lui faire croire qu’il avait tout perdu dans ce lieu.
— Êtes-vous donc des amis de cet homme? dis-je à Saint-Fond.
— Je ne suis l’ami de personne, me répondit le ministre; je ménage cet original par politique: il ne laisse pas que de contribuer à ma fortune, il est fort bien avec le roi; mais qu’il soit disgracié demain, je deviendrai le plus ardent de ceux qui l’écraseront. Il a deviné mes goûts, je ne sais comment; il a voulu les partager, j’y ai consenti, voilà tous nos liens. Est-ce que vous ne l’aimez pas, Juliette?
— Je ne puis le souffrir.
— Ma foi, sans les raisons de politique dont je viens de vous faire part, je vous le livrerais; mais je le perdrai si vous voulez: vous me plaisez au point, madame, qu’il n’est rien que je ne fasse pour vous.
— Ne dites-vous pas que vous lui avez des obligations?
— Quelques-unes.
— Eh bien, comment, d’après vos principes, pouvez-vous l’envisager un instant?
— Laissez-moi faire, Juliette, j’arrangerai tout cela.
Et, en même temps, Saint-Fond me renouvela tous ses éloges sur la manière dont j’avais conduit cette fête.
— Tu es, me dit-il, remplie de goût et d’esprit, et plus je te connais, plus je sens la nécessité de t’attacher à moi.
C’était la première fois qu’il me tutoyait; il me fit sentir cette faveur en m’accordant en même temps celle d’en user de même avec lui.
— Je te servirai toute ma vie, si tu le veux, Saint-Fond, répondis-je; je connais tes goûts, je les satisferai, et, si tu désires m’attacher encore davantage, tu contenteras de même les miens.
— Baise-moi, ange céleste! cent mille écus te seront comptés demain matin: tu vois si je te devine!
Nous en étions là, lorsqu’une vieille pauvresse nous aborde pour nous demander l’aumône.
— Comment se fait-il, dit Saint-Fond surpris, qu’on ait laissé entrer cette femme?
Et le ministre, me voyant sourire, entendit aussitôt la plaisanterie…
— Ah! friponne, me dit-il, c’est délicieux! Eh bien, que voulez-vous? continua-t-il en approchant cette vieille.
— Hélas! quelques charités, monseigneur, répondit l’infortunée. Venez, venez voir ma misère.
Et prenant la main du ministre, elle le conduisit dans une mauvaise petite baraque, éclairée d’une lampe qui pendait au plafond, et dans laquelle deux enfants, l’un mâle, l’autre femelle, et de huit à dix ans au plus, reposaient nus sur un peu de paille.
— Vous voyez cette triste famille, nous dit la pauvresse; il y a trois jours que je n’ai un morceau de pain à leur donner; daignez, vous que l’on dit si riche, me mettre à même de soutenir leur triste vie. Oh! monseigneur, qui que vous soyez, connaissez-vous M. de Saint-Fond?
— Oui, répondit le ministre.
— Eh bien! vous voyez son ouvrage: il a fait enfermer mon mari; il nous a pris le peu de bien dont nous jouissions; tel est l’état cruel où il nous a réduite depuis plus d’un an…
Et voilà, mes amis, le grand mérite que j’avais à cette scène; c’est que tout en était exactement vrai: j’avais découvert ces tristes victimes de l’injustice et de la rapacité de Saint-Fond, et je les lui offrais réellement, pour réveiller sa méchanceté.
— Ah, gueuse! s’écria le ministre en fixant cette femme, oui, oui, je le connais, et tu dois bien me connaître aussi… Oh! Juliette, vous tenez, par cette adroite scène, mon âme dans un état!… Eh bien, qu’avez-vous à me reprocher? J’ai fait enfermer votre époux innocent, cela est vrai; j’ai mieux fait encore, car il n’existe plus… Vous m’avez échappé, je voulais vous traiter de même.
— Quel mal avons-nous commis?
— Celui d’avoir un bien, à ma porte, que vous ne vouliez pas me vendre; en vous accablant, je l’ai eu… Vous mourez de faim, que cela me fait-il?
— Et ces malheureux enfants?
— Il y en a dix millions de trop en France: c’est rendre service à la société que d’élaguer tout cela; et les retournant avec son pied: La belle graine à recueillir!
Le scélérat, alors, que tout cela faisait extraordinairement bander, saisit le petit garçon et l’encule; puis, s’emparant de la petite fille, il la traite de la même manière.
— Vieille garce! dit-il alors, montre-moi tes fesses ridées, j’ai besoin de les voir pour déterminer une décharge.
La vieille pleure et résiste; j’aide les projets de Saint-Fond. Après avoir accablé d’outrages ce malheureux cul, le libertin l’enfile, ayant sous ses pieds les deux enfants, qu’il écrase en déchargeant dans le cul de leur mère, dont il brûle la cervelle au moment de sa crise. Et nous quittons cet infortuné réduit, toujours avec la petite victime de quatorze ans, dont il avait baisé les fesses pendant l’opération.
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