Paul Féval - Les Habits Noirs Tome IV – L’Arme Invisible

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Les Habits Noirs Tome IV – L’Arme Invisible: краткое содержание, описание и аннотация

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Ce roman, et sa suite, «Maman Léo» est centré autour de la lutte que mène le jeune magistrat Rémy d'Arx contre les Habits noirs, ceux-ci directement dirigés ici par le colonel Bozzo. Pour combattre Rémy d'Arx, le colonel utilise «l'arme invisible», une arme psychologique: il le rend amoureux fou de la jeune Fleurette, enfant à l'origine inconnue, recueillie par des saltimbanques, que mène la sentimentale géante dompteuse de fauves, Léocadie Samayoux, dite Maman Léo…

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– Alors, vous ne m’aviez pas reconnue?

Remy la considéra stupéfait.

– Je suis bien sûr de ne vous avoir jamais vue, dit-il, avant ce soir où M mela marquise d’Ornans me présenta à vous.

– Avant! répéta M llede Villanove d’un accent étrange.

Puis, après un silence, elle ajouta tout bas:

– Mais depuis?

Remy interrogeait laborieusement ses souvenirs.

– Quand on ne devine pas du premier coup, reprit-elle, d’un ton libéré, il faut renoncer. Je vais vous aider, monsieur d’Arx, d’autant que ce sera une occasion de payer ma dette: une jeune fille seule, la nuit, dans un quartier désert…

– Sur le quai du Jardin des Plantes! fit Remy, qui croyait rêver. Serait-il possible!

– Oui, sur le quai, le long du jardin. La jeune fille portait un voile que les étudiants en goguette voulaient lui arracher; elle cherchait à rejoindre sa voiture qui l’attendait à quelques pas de là, mais les jeunes fous lui barraient le chemin. Un passant entendit ses cris par bonheur… et par un plus grand bonheur, le passant était de ceux qui peuvent être timides vis-à-vis d’une femme, mais qui deviennent des lions en face du danger. Il tomba sur les insulteurs comme la foudre, et c’est à peine si la jeune inconnue, reconduite à sa voiture avec respect, eut le temps de balbutier quelques mots de reconnaissance.

– Dois-je donc croire que c’était vous? prononça tout bas Remy.

– Vous devez le croire, monsieur d’Arx, puisque du fond du cœur je vous remercie en vous donnant le droit de me demander pourquoi moi, M llede Villanove, j’ai eu besoin de votre secours, à cette heure et en ce lieu.

Remy porta la main qu’il tenait à ses lèvres.

– Je douterais de moi-même, dit-il avant de vous soupçonner. Rien ne vous forçait de faire allusion à un événement qui était si loin de ma pensée.

– Vous vous trompez, repartit Valentine, dont la voix devint grave; à mes yeux, la recherche d’un homme tel que vous est un très grand honneur et un très grand bonheur. J’ai voulu vous apporter ma réponse moi-même pour vous dire non seulement quel prix j’attacherais à votre amitié, mais encore pour vous expliquer les raisons d’un refus nécessaire qui me laisse dans l’âme un véritable regret.

Une pâleur mortelle couvrit le visage de Remy, qui porta la main à sa poitrine et dit:

– J’avais le pressentiment de mon malheur!

Il se laissa tomber sur un siège et Valentine s’assit près de lui en ajoutant:

– Monsieur d’Arx, il m’est défendu d’être votre femme.

Ceci fut dit d’un tel accent que le jeune magistrat frémit en relevant sur elle des yeux épouvantés.

Mais le regard qu’elle lui rendit était limpide comme ceux des anges.

– Oh! fit-elle sans orgueil et avec un bon sourire, ce n’est pas cela; je suis une honnête fille et je puis bien répondre que je serai un honnête femme, mais à part ces deux points qui ne dépendent que de moi-même, tout ce qui me concerne est problème et incertitude. Allez! ne me regrettez pas; mon passé, que vous connaîtrez, je le veux, aurait de quoi effrayer un homme dans votre position et tuerait peut-être sa carrière, son avenir…

– Un mot, un seul mot! interrompit Remy avec une ferveur passionné, avez-vous dans le cœur un autre amour?

– Oui, répondit Valentine.

Elle ajouta étourdiment:

– Sans cela je crois bien que je vous aurais aimé.

Remy courba la tête; elle le regarda d’un air triste, puis elle demanda:

– Voulez-vous que je sois votre sœur?

– Au nom de Dieu! fit le jeune magistrat d’une voix brisée, laissez-moi! Ne voyez-vous pas comme je souffre!

– Si fait, répliqua-t-elle, et je ressens cruellement votre blessure, mais il n’est pas en notre pouvoir de nous séparer ainsi, monsieur d’Arx; un lien que je ne saurais définir nous unit. Vous me connaîtrez demain, je vous l’ai dit: je le veux. Moi, je vous connais à votre insu; je sais à quelle œuvre de mystérieuse vengeance vous avez dépensé votre jeunesse: vous poursuivez les assassins de votre père…

– Ah! s’interrompit-elle, vous vous éveillez enfin: vous avez tressailli!

Leurs yeux se rencontrèrent encore une fois; jamais Remy d’Arx ne l’avait admirée plus belle. Elle continua:

– Vous êtes un grand cœur, vous êtes une vaillante intelligence; vous avez bien cherché, mais ils savent fuir comme les Indiens sauvages en cachant la trace de leurs pas. Qui sait? Si pour vous je ne puis être l’amour, peut-être que je serais la vengeance.

Remy la contemplait ardemment.

– Les connaissez-vous donc ceux que je cherche? demanda-t-il.

Elle répondit:

– J’en connais au moins un.

– Son nom! s’écria le jeune magistrat.

Elle mit un doigt sur ses lèvres.

– Pas ici, prononça-t-elle en baissant la voix jusqu’au murmure, nous en avons déjà trop dit dans cette maison où les murailles écoutent. Il faut que je vous revoie demain; voulez-vous m’accorder cette entrevue?

– En quel lieu? demanda Remy.

– Chez vous.

– Chez moi! répéta le jeune magistrat.

– Nous serons seuls, reprit M llede Villanove d’un ton résolu. À dater de six heures du soir, vous défendez votre porte.

– Vous le voyez, monsieur Remy d’Arx, ajouta-t-elle en se levant, tandis que son beau sourire s’imprégnait de mélancolie; je suis une étrange fille, et vous ne me regretterez pas longtemps. À demain soir! je serais chez vous à six heures.

VII Première dompteuse

Voici une histoire qui rappelle vaguement celle de la grande Catherine de Russie:

Jean-Paul Samayoux, premier dompteur de la reine de Portugal et inventeur de la poudre insectivore pour les messieurs, les dames et les animaux, se trouvait avec sa ménagerie dans la ville de Saint-Brieuc, chef-lieu du département des Côtes-du-Nord.

Il avait perdu depuis peu sa compagne, qui était femme à barbe, incombustible, nécromancienne et sauvage.

Saint-Brieuc est une ville grise et muette, entourée d’un océan de petits choux: ses habitants sont doux et frais comme le légume qui les fait vivre, mais ils dédaignent la bagatelle et ne vont jamais au spectacle.

C’était en vain que les animaux féroces de Jean-Paul Samayoux rugissaient dans leur baraque, établie sur la place du Marché; c’était en vain que Jean-Paul lui-même énumérait dans son porte-voix les preuves d’admiration et d’amitié que lui avaient décernées les différents souverains de l’Europe; les bancs graisseux de sa petite salle restaient vides, et au bout de trois jours il n’avait pas encore vendu un seul paquet de sa poudre insectivore.

Un malheur ne vient jamais seul. Comme il pliait tristement bagage pour aller à la recherche de rivages plus hospitaliers, l’essieu de sa voiture se rompit.

Il s’agissait de relever à la force des reins le fond de la carriole pour passer dessous un nouveau moyeu.

Jean-Paul Samayoux essaya, mais il était amolli par les chagrins du veuvage et la mauvaise fortune; un soldat de bonne volonté ne fut pas plus heureux, un portefaix échoua de même.

Une jeune fille traversait la place portant sur sa tête les fleurs du pays: une corbeille de choux si haute et si large que cela ressemblait à une montagne qui marche.

La jeune fille s’arrêta pour voir le motif du rassemblement; après avoir regardé d’un air de pitié le militaire, le portefaix et même Jean-Paul Samayoux, elle déposa son fardeau, passa entre les deux roues et d’un seul tour de reins releva les planches faussées de la carriole, qu’elle soutint tout le temps qu’il fallut pour remonter un autre essieu.

Samayoux aurait pu lui donner de l’or, en faible quantité, il est vrai, car sa caisse était basse; il préféra lui offrir sa main et son cœur.

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