Paul Féval - Les Habits Noirs Tome III – La Rue De Jérusalem

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Les Habits Noirs Tome III – La Rue De Jérusalem: краткое содержание, описание и аннотация

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Ce roman met en scène les tentatives criminelles des Habits Noirs (que couvre Lecoq, alors devenu chef de la Sûreté) contre la famille de Champmas, et contre la richissime mais avare paysanne Mathurine Goret. L'appât, dans les deux cas, est le «faux Louis XVII», rôle rempli parmi les Habits noirs par plusieurs personnages successifs. Celui-ci, qu'on appelle aussi M. Nicolas, séduit d'abord Ysole de Champmas, fille bâtarde du général de Champmas, et se sert de sa complicité inconsciente pour tenter de tuer sa soeur légitime, Suavita…

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Paul Féval

Les Habits Noirs Tome III – La Rue De Jérusalem

Le Constitutionnel – 1867-68

E. Dentu – 1868

ENVOI À MADAME LA R. DE C…

C’est vous, madame, qui m’avez fait connaître cette vivante mine d’anecdotes où j’ai puisé les deux premières séries des Habits Noirs. C’est vous encore qui m’avez raconté l’étonnement des maçons démolisseurs quand ils découvrirent, dans l’épaisseur d’une paroi de la tour Tardieu, au coin de l’ancienne rue de Jérusalem, un trou de forme sinistre – le moule d’un homme.

J’ai essayé de ne rien inventer dans cette histoire dont notre vieil ami a rassemblé les éléments. Il eût été facile de lui donner l’unité dramatique, mais j’aurais renoncé à l’écrire, s’il m’avait fallu supprimer l’épisode du roi Habit-Noir et de sa Maintenon-à-barbe.

Veuillez accepter ce livre où vous trouverez tant d’emprunts faits à nos causeries, et croyez à mes respectueux sentiments d’affection.

P. F.

Première partie Clampin dit Pistolet

I Meurtre d’un chat

C’était un palier d’aspect misérable, mais assez spacieux, éclairé d’en haut par un tout petit carreau dormant que la poussière rendait presque opaque. Trois portes délabrées donnaient sur ce palier où l’on arrivait par un escalier tournant, vissé à pic et dont l’arbre médial suait l’humidité. Les trois portes étaient disposées semi-circulairement.

À droite et à gauche de l’escalier étroit, il y avait en outre deux recoins, contenant quelques débris de bois de démolition, des mottes et des fagots.

Le jour allait baissant. On entendait aux étages inférieurs qui étaient au nombre de trois, y compris le rez-de-chaussée, des bruits confus, où dominaient les cliquetis de verres et d’assiettes. Une violente odeur de cabaret montait l’escalier en spirale et n’avait point d’issue.

Sur le carré de ce dernier étage tout était relativement silencieux. Par la porte de droite, sous laquelle il y avait une large fente, un murmure de discrète conversation sortait avec une bonne odeur de soupe fraîche. Derrière la porte du milieu, c’était un silence absolu. Ce qu’on entendait derrière la porte de gauche n’aurait point pu être défini, et même l’oreille la plus sûre aurait hésité sur la question de savoir si le martèlement périodique et sourd qui faisait vibrer la cage de l’escalier venait de là ou de plus loin.

Il semblait venir de là, mais c’était comme voilé et comme affaibli par une large distance. Néanmoins, à chaque coup, la cage de l’escalier subissait une profonde secousse.

Dans le recoin à main gauche de l’escalier, on ne voyait rien, sinon l’amas confus des pauvres combustibles, jetés là au hasard. Dans le recoin de gauche, un rayon pâle, pénétrant au travers des fagots, éclairait un superbe chat de gouttière, pelotonné, commodément occupé à se lisser le poil.

La première porte en montant à gauche portait le n° 7 et c’était sa seule enseigne.

La porte du milieu, outre son n° 8, avait une carte collée à l’aide de quatre pains à cacheter et sur laquelle était un nom, écrit à la plume: Paul Labre.

La troisième porte, celle d’où semblait venir le bruit périodique et inexplicable, était marquée du n° 9.

En bas, un coucou sonna cinq heures; il se fit un imperceptible mouvement dans le recoin de gauche; à droite, le chat dressa l’oreille dans son nid, derrière les fagots.

La conversation devint plus distincte à l’intérieur de la chambre n° 7 et le bruit des voix qui causaient se rapprocha.

La porte s’ouvrit, laissant échapper cette franche odeur de soupe dont nous avons déjà parlé. La chambre était grande et beaucoup plus vivement éclairée que le carré. On y voyait une table ronde avec sa nappe mise, et, au fond, une cheminée, entourée d’ustensiles de cuisine, pendus à la muraille. Un homme et une femme qui continuaient une conversation commencée se montrèrent sur le seuil.

La femme, qui n’était plus jeune, portait un costume d’ouvrière fort propre où se retrouvait je ne sais quel reflet d’habitudes et de goûts campagnards. Elle avait dû être très belle, et l’expression de son visage inspirait la confiance. Il y avait en elle de la gravité et de la bonté.

Son compagnon était un homme de trente-cinq à quarante ans, petit, mais bien pris dans sa courte taille. Sa figure énergique avait quelque chose de débonnaire et de méfiant à la fois, comme il peut arriver pour les gens dont la fonction contrarie le caractère. Sa joue rasée était bleue de barbe, ses yeux très noirs et abrités sous des sourcils touffus regardaient droit, mais regardaient trop. Il avait le sourire honnête. Ses vêtements étaient ceux d’un petit-bourgeois.

– Comme ça, dit la femme, après avoir interrogé le palier du regard et en parlant très bas, le général est à Paris? Ne me cachez rien, monsieur Badoît, ajouta-t-elle en voyant que son compagnon hésitait. Vous savez bien que je ne suis pas bavarde.

– Je sais que vous êtes la meilleure des bonnes, maman Soûlas, répondit M. Badoît, mais ça brûle, voyez-vous, et il y a là-dessous une manigance à faire dresser les cheveux! Je sens Toulonnais-l’Amitié à une lieue à la ronde, moi.

– M. Lecoq! Les Habits Noirs! murmura Thérèse Soûlas avec plus de curiosité encore que de crainte.

Elle ajouta doucement:

– Mou! mou! mou! Ce minet devient presque aussi mauvais sujet que M. Mégaigne. Viens, trésor!

Badoît lui tendit la main.

– À tout à l’heure, dit-il. Je serai là pour le potage, six heures tapant… C’est drôle tout de même que les dames ont généralement des idées pour les mauvais sujets.

Il y avait là-dedans un reproche. Thérèse Soûlas se mit à rire bonnement et retint la main qu’on lui donnait.

– Savez-vous pour qui j’ai une idée? murmura-t-elle, c’est pour le pauvre grand garçon qui est si pâle. J’ai… j’ai eu une fille qui aurait presque cet âge-là.

Elle regardait d’un air triste la porte du milieu, marquée du n° 8.

– Ah! Ah! répliqua Badoît avec bonne humeur, je ne suis pas jaloux de M. Paul! S’il avait du goût pour l’éclat, celui-là, il irait loin. Son affaire avec le général l’avait planté du premier coup… mais ça se ronge de honte et de préjugés. À vous revoir, madame Soûlas; je suis sur une piste, et j’ai un diable dans le corps!

Il descendit lentement l’escalier. Mme Soûlas resta un instant pensive sur le pas de sa porte.

– Le général! se dit-elle. Ma fille est heureuse dans sa maison. Je sais qu’il l’aime autant que son autre fille. C’est singulier; moi, je ne connais pas son autre enfant, et je l’aime presque autant que ma fille!

Elle fit sa voix toute douce pour appeler encore:

– Mou, mou! mou! libertin! mou! mou!

Mais l’obstiné matou se gobergeait sous ses fagots et faisait la sourde oreille.

Mme Soûlas rentra et referma sa porte. Pendant tout le temps qu’elle avait été sur le palier, le bruit régulier et sourd avait cessé dans la chambre n° 9. Aussitôt que Mme Soûlas eut disparu, le bruit recommença.

Elle était maintenant assise auprès de sa cheminée, regardant fixement une grande marmite de cuivre, où bouillait le pot-au-feu.

– Moi, pensait-elle, il ne sait plus que j’existe, et qu’importe? Je ne lui ai jamais rien demandé pour moi.

Elle avait pris sous le revers de son fichu une petite boîte qu’elle ouvrit. La boîte contenait le portrait d’un fort beau cavalier portant le costume de lancier et les insignes de chef d’escadron. Sous le portrait, on pouvait lire ces mots: «À Thérèse.»

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