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Paul Féval: Les Habits Noirs Tome VI – L’Avaleur De Sabres

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Les Habits Noirs Tome VI – L’Avaleur De Sabres: краткое содержание, описание и аннотация

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Ce sixième opus nous plonge plus avant dans ce monde du cirque dont Féval a fait l'un de ses univers de prédilection. Saladin, le «fils» d'Echalot et de Similor, a grandi au sein du cirque de Mme Samayoux. Héritant de la mauvaise nature de son père, il est devenu une crapule. En 1852, il enlève une petite fille, Justine, et la confie à Maman Léo et à Echalot, maintenant en ménage, en prétendant l'avoir trouvée. La mère de l'enfant, Lily, une jeune et belle fille du peuple que son amant avait abandonnée, désespérée de n'avoir pu retrouver sa fille, épouse le richissime duc de Chaves, dans l'idée de mener par la suite, grâce à sa fortune, les recherches nécessaires…

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La Maison-d ’Or était tenue par Barbe Mahaleur, dite «l’Amouret-la-Chance», ancienne guitariste, présentement cabaretière, sage-femme non reçue par la Faculté et Mère des chiffonniers.

C’était une forte créature d’une cinquantaine d’années, taillée comme un homme et sabrée par la petite vérole. Elle avait les mœurs de la grande Catherine et battait cruellement ses Orloff. L’un d’eux cependant lui avait arraché l’œil gauche dans un moment d’humeur. Il lui manquait aussi la moitié de son nez qu’on disait avoir été mangée par un autre Potemkine. Cela ne l’empêchait pas d’être belle femme.

Elle régnait sur les naturels de Pékin-la-Guenille par l’admiration et la terreur. On la respectait, on la prenait pour juge; en ces occasions, elle se montrait baroque, mais équitable, à la façon du roi Salomon, rendant cet arrêt d’un goût douteux qui fonda sa renommée de jurisconsulte.

Elle accouchait d’une main, versait la goutte de l’autre, faisait des avances sur tas d’ordures et pratiquait même, disait-on, la banque à la petite semaine: 20 pour 100 par mois, 240 pour 100 à l’année: ceci officiellement, mais, sous le manteau de la cheminée, on pouvait doubler le taux pour les emprunteurs scabreux, sans perdre la paix de la conscience.

Elle avait encore sa guitare dans un coin. Parfois, quand le respect public lui avait offert trop de «marc», elle décrochait l’instrument redoutable et chantait des airs de Jean-Jacques Rousseau de Genève.

Il fallait alors applaudir à tour de bras ou s’en aller: Barbe Mahaleur n’aimait pas les tièdes.

Il se trouvait à Babylone des crédules pour aller répétant qu’elle possédait dans Paris, plus de cinquante mille livres de rentes en immeubles.

Barbe Mahaleur avait pour esclave une fillette sauvage qui cachait dans un fouillis énorme de cheveux blonds une petite figure pâlotte, illuminée par une paire de grands yeux noirs. On s’étonnait que Barbe n’eût pas encore estropié Lily, son esclave; Barbe ne la maltraitait même pas beaucoup, mais elle la faisait travailler rondement. Elle l’appelait tantôt ma fille, tantôt ma nièce, tantôt la Vacabonne.

Parmi les sujets de Barbe Mahaleur personne n’était positivement fixé sur la question de savoir quelle sorte de lien existait entre la Vacabonne et sa souveraine.

En ce même temps, c’est-à-dire vers 1847, l’hôtel Corneille possédait le plus magnifique étudiant qui eût ébloui le pays Latin depuis bien des années. L’hôtel Corneille était encore à cette époque sans rival au quartier des écoles pour la richesse de ses appartements, et la prodigalité de sa table d’hôte. Il y avait des chambres à 50 francs par mois et l’on pouvait y dépenser 3 francs 50 à son dîner.

Depuis, ces prix ont été dépassés dans des établissements moins historiques.

Le lion latin dont nous parlons avait nom Justin de Vibray. Il était beau insolemment, à la façon des soldats et des femmes; il était jeune, robuste, spirituel, généreux, noble de naissance et riche.

Il venait je ne sais d’où en Touraine. Bien rarement ces princes éblouissants de la jeunesse sont enfants de Paris. Ils arrivent exubérants de sang et de sève; Paris casse leurs angles comme la mer fait pour les galets; Paris les pâlit, les calme et les forme; Paris les met à ce point de rondeur et d’uniformité qu’il faut avoir pour entrer dans un des casiers de la vie commune.

Un notaire doit être préalablement taillé comme un diamant, mais non pas à facettes.

Justin, diable à quatre s’il en fut, avait le triple talent du Béarnais et bien d’autres. Il eut l’honneur d’être, pendant des semaines et des mois, la coqueluche de mesdames les étudiantes, ce qui ne l’empêcha point de passer ses premiers examens avec succès; car il y avait de l’étoffe, en vérité, chez ce beau garçon-là. Il avait fait d’excellentes études; il pouvait mener de front le travail et le plaisir.

Un jour, il disparut à la fois de l’hôtel Corneille, des cours et même de la Chaumière.

On parla de lui l’espace de trois bals. Au dernier, il fut raconté qu’on l’avait rencontré au bois avec une femme qui était un miracle de beauté.

Le bois est loin de l’Odéon. Ce devait être une duchesse, on chercha un autre roi du billard et des chopes.

Mais Justin de Vibray ne fut pas oublié ni remplacé, car il arriva quelque chose comme après la mort d’Alexandre le Grand: l’empire du Prado se divisa, et les successeurs de Justin luttèrent en vain contre le souvenir de ce hardi jeune homme, si brave, si doux, qui avait l’amitié de tous les hommes et l’amour de toutes les femmes.

Ce n’était pas une duchesse qui l’avait enlevé.

À la veille de passer un examen, Justin était sorti un matin de bonne heure, son Rogron sous le bras. Il voulait du calme et de la solitude; au lieu donc de franchir la grille du Luxembourg, il avait pris le boulevard d’Arcueil, derrière l’Observatoire et s’était plongé dans la lecture des cinq codes expliqués.

Il allait ainsi droit devant lui, sans regarder. Au bout d’une demi-heure de marche, ayant levé les yeux par hasard, il poussa le même cri que Christophe Colomb à la vue de la terre des Antilles. Justin avait découvert Babylone.

Un instant, il resta ébahi devant cette prodigieuse capitale. Paris, l’implacable bouffon, met du comique jusque dans la misère. Ce bivouac des sauvages de Paris se présentait gaillardement au regard avec ses maisons fantastiques et sa population, dont à cette heure matinale rien ne peut donner une idée. L’harmonie ne manquait point entre les masures, ruines âgées de quelques semaines, qui semblaient avoir été bâties selon un parti pris de moquerie burlesque, et les loques ambulantes qui grouillaient dans les rues. Il y avait là tels négligés de chiffonnières qui eussent brisé le crayon dans la main de Daumier.

Comme Justin était en admiration devant les excentricités architecturales de la Maison-d ’Or; palais de Barbe Mahaleur, celle-ci sortit, demi-nue et n’ayant pour cacher les effrayantes séductions de son torse qu’un mouchoir cholet en lambeaux. Un képi coiffait la révolte de ses cheveux grisonnants, et ses jambes d’hercule étaient chastement couvertes par un petit torchon, rattaché autour de ses reins.

Elle appela Lily d’une voix de clairon enrhumé; Justin attendit, espérant une apparition encore plus grotesque.

L’enfant qui se montra sur le seuil, vêtue d’une misérable robe d’indienne frangée et d’un pauvre mouchoir de cou, à jour comme une dentelle, glaça le rire sur ses lèvres.

Et pourtant l’enfant souriait. Il n’y avait en elle, évidemment, ni regret d’une meilleure existence ni désir d’une autre vie.

Mais elle était si belle, cette enfant, que Justin en eut le cœur serré.

Barbe Mahaleur lui donna une bonne tape sur la joue en manière de caresse, et lui mit quatre sous dans la main en disant:

– Va me chercher du câblé, petite vache!

Ce dernier mot était doux comme une caresse.

Le gros câblé ou carotte double est le tabac à chiquer le plus fort. Cette Mahaleur était portée sur sa bouche.

Lily partit en courant. Je ne sais pourquoi Justin la suivit.

Certes, il ne prétendait point lier connaissance avec cette fille en haillons: «la petite vache». Oh! certes!

Pour gagner la route d’Italie, il y avait un long et tortueux couloir, bordé par de grands murs sans fenêtres, formant le derrière de plusieurs usines. Deux personnes de corpulence ordinaire auraient eu peine à passer de front dans ce défilé.

À moitié chemin, Lily se rencontra face à face avec un très beau chiffonnier en grande tenue, le crochet à la main, la hotte sur le dos. C’était Payoux, dit la Tulipe-de -Vénus, qui avait l’honneur d’être le favori actuel et régnant de Barbe Mahaleur. Il revenait de sa tournée avec une pointe de chambertin à trente centimes.

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