Le spectacle de la nature offre la découverte des animaux, la splendeur des fleurs et le mystère des minéraux. Les hommes, les femmes, les pays et les villes ont aussi laissé leur trace dans ce domaine.
Le dieu latin Faunus protégeait les jardins ; divinité champêtre, le faune était le protecteur des troupeaux, dont il assurait la fécondité ; on le représentait cornu, velu, avec de longues oreilles ; son rôle dans la littérature n’est pas négligeable. C’est à partir de Faunus, dieu des troupeaux, que l’on est passé à la faune, caractérisant l’ensemble des animaux d’une région donnée.
Les Romains, découvrant certaines îles de l’Atlantique et y voyant des chiens, les appelèrent Canaries ; mais il y avait également nombre de serins d’un jaune vif et, vers 1583, le terme de canari désigna cet oiseau.
Le doberman, superbe chien de garde, fit son apparition en France en 1917 ; mais son « créateur », M. Doberman, employé à la fourrière d’un bourg de Thuringe, avait réussi vers 1860 à sélectionner ce type de chien, pour son plaisir. Autre chien, autre aspect : les habitants de l’ancienne Molossie étaient considérés par les Grecs comme des Barbares ; ces derniers élevaient des chiens grands et forts, qu’on baptisa, bien entendu, molosses.
Le Python était dans la mythologie un serpent monstrueux ; lorsqu’on rencontra dans l’ancien monde un serpent de grande taille, il prit ce nom à son tour.
Les Gorgones — dont Méduse — furent décrites par Eschyle comme des vierges ailées à chevelure de serpents ; les zoologistes ont donné à des cœlentérés gélatineux en forme de cloche ce nom de méduse.
Les fleurs ont reçu beaucoup de noms d’hommes, peu de villes ou pays ; cela s’explique par le fait que les botanistes ont souvent voulu honorer des amis, chercheurs comme eux ; Linné, célèbre pour sa classification est, pour sa part, un auteur fécond en la matière.
La déesse latine des fleurs s’appelait Flora et était mère du Printemps ; c’est en 1656 qu’on créa un mot pour désigner un herbier : ce fut le mot flore, qui est structuré, au niveau des appellations d’espèces, par des noms tels que le jordanon et le linnéon, qui se rapportent à Jordan et Linné.
Les plantes ornementales honorent de nombreux botanistes : Michel Bégon, intendant à Saint-Domingue en 1683 (le bégonia) ; Jean-Paul Bignon, bibliothécaire de Louis XV (le bignonia) ; Louis de Bougainville, diplomate et explorateur (le bougainvillée) ; Kamel, botaniste moravien (le camélia) ; Andréas Dahl, suédois (le dahlia) ; G. Forsyth, horticulteur (le forsythia) et Alexandre Garden (le gardénia), médecin, tous deux écossais ; Zinn, un Allemand (le zinnia).
Et les femmes, direz-vous ? On les a honorées avec l’hortensia, qui perpétue, grâce au naturaliste Commerson, la mémoire d’Hortense Lepeaute, femme d’un horloger en vogue peu avant la Révolution. Quant au paulownia, il rappelle Anna Paulovnia, la fille du tsar Paul I er. Tout de même, alors qu’on ne cesse de comparer la beauté d’une femme à celle de la fleur, c’est trop peu de dédicaces à notre goût. Que les botanistes d’aujourd’hui se ressaisissent !
Les pierres, les roches, les minerais, sont encore un domaine où les noms « propres » ont fait école. La région de Chalcédoine, sur le Bosphore, possédait jadis une variété de quartz à éléments rayonnants, de couleur blanche ou grise ; on la baptisa, dès 1120, du nom de calcédoine, mais ce n’est qu’au XVIII esiècle que le terme entra dans le Dictionnaire de l’Académie. Pline parle d’une ville, nommée Gagas et du fleuve qui la traversait ; on y trouvait de la lignite d’un beau noir luisant : le jais. Magnésie était située près du mont Sipyla, où Scipion l’Asiatique remporta une victoire ; on parlait déjà d’une pierre d’aimant où d’une pierre de Magnésie : elle devint la magnésie. Topazos était une île de la mer Rouge, où l’on extrayait une pierre précieuse, jaune, transparente : on la baptisa topaze. Quant à la pierre de couleur bleue tirant sur le vert, qu’on trouvait en Turquie, comment aurait-on fait autrement que de l’appeler turquoise ? Sylvain de Dolomieu naquit en 1750… à Dolomieu ; après une jeunesse agitée, il se consacra aux sciences et s’intéressa aux minéraux ; on l’appréciait dans les milieux scientifiques car, en 1792, un naturaliste suisse proposa de nommer une variété de calcaire d’Angleterre et du Tyrol, la dolomie.
En 1821, on découvrit un minerai qui allait servir à la fabrication des produits réfractaires ; le gisement se trouvant près d’Arles, au village des Baux-de-Provence, on l’appela bauxite. Chypre, l’île de la Méditerranée, possède des montagnes d’origine volcanique et l’on y a travaillé dès l’Antiquité le « bronze de Chypre », plus communément appelé… cuivre, par déformation du mot latin.
Et la géographie, direz-vous ? Atlas, ayant conduit les Titans à l’assaut du mont Olympe, fut changé en montagne et condamné à soutenir le poids de la voûte céleste ; lorsque le géographe Mercator publia, au XVI esiècle, une collection de cartes géographiques, il l’illustra d’une représentation d’Atlas avec le globe sur ses épaules ; le mot atlas désigna ensuite tout recueil de cartes géographiques. Il était un fleuve d’Asie Mineure appelé Méandre. Il faisait de nombreux détours ; à la Renaissance, on appela méandre tout contour sinueux d’un cours d’eau ou d’une route. On ne pourra pas dire que l’histoire des mots n’emprunte pas, parfois, de curieux méandres…
FAUNE
Ancien roi du Latium, Faunus aurait été divinisé après sa mort. Ainsi devenu dieu — latin — il devint le protecteur des bergers et des troupeaux.
Il fut confondu avec le dieu Pan. Faunus rendait des oracles près de Tibur et était adoré au Palatin sous le nom de Lupercus. (C’est d’ailleurs en raison de ce nom qu’étaient données les Lupercales, fêtes honorant le dieu.)
Divinité champêtre, il est cornu, velu, porte de longues oreilles pointues et des pieds de chèvre ; il joue de la flûte ou porte un chevreau sur ses épaules.
Par comparaison, on a parlé du faune, homme présentant des ressemblances physiques avec un faune ou ayant un comportement libidineux, voire lubrique.
Que Faunus, le dieu des troupeaux et des jardins, ou les Fauni, les petits génies champêtres, n’en soient pas malheureux pour autant.
Si le terme de faune a été cité en 1522, il n’est entré au Dictionnaire qu’en 1718.
ANGORA
Située en Asie Mineure, la ville d’Ancyre s’est ensuite appelée Angora puis Ankara et c’est sous ce nom qu’elle est devenue capitale de la Turquie en 1924.
Si sa renommée peut s’enorgueillir d’avoir eu comme hôte Alexandre le Grand et de posséder encore des ruines romaines d’un temple et d’une colonne dédiée à Auguste, c’est pour une autre raison que le nom est passé dans le langage courant.
En effet, on élevait à Angora certaines variétés de chats, de lapins et de chèvres, remarquables par la longueur de leurs poils. On parla bientôt, par exemple, du chat angora, puis de l’angora, tout simplement.
BENGALI
Le Bengale est, en Inde, la région alluviale très peuplée, des deltas du Gange et de Brahmapoutre. La ville de Calcutta en est aujourd’hui la capitale.
Outre les richesses naturelles à la région, on y voyait des passereaux au plumage de couleurs vives. Comme on les disait « originaires du Bengale », c’est tout naturellement.qu’on les baptisa bengalis ; en 1760, l’Index de M. Brisson fait entrer le mot dans le vocabulaire propre à l’ornithologie.
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