Le dicton prétend qu’aucun visage ne ressemble à un autre, notre vocabulaire lui donne raison : tour à tour Adonis, Apollon, Chérubin, Vénus, Hercule ou Titan servent à donner une apparence aux simples mortels.
ADONIS
Divinité phénicienne, le récit de son histoire est dû au poète Panyasis, il symbolisa le mystère de la végétation renaissante à chaque printemps.
Aphrodite, déesse de l’amour et de la beauté, s’éprit de lui. Elle le confia à Perséphone, reine des Enfers, laquelle succomba au charme d’Adonis… et voulut le garder. Un conflit naquit, que Zeus lui-même dut arbitrer.
Adonis eut le droit de voir ses belles, chacune à son tour, pendant quatre mois ; pour le reste, il aurait la liberté de choisir un autre lieu, s’il le voulait. Mais il y avait un jaloux, l’amant d’Aphrodite. Un jour, Adonis fut blessé à mort par un sanglier et il ne resta plus à la déesse qu’à le changer en sanglier.
Si Ronsard utilisa le terme adoniser — parer avec une extrême recherche — qui vieillit rapidement, c’est en 1715 que Lesage le relança dans le sens d’homme remarquable par sa beauté.
APOLLON
Fils de Zeus et de Latone, Apollon naquit à Délos, connut une existence riche en événements, combattant le serpent Python avant d’être exilé sur terre pour avoir tué les Cyclopes. Il aurait également écorché vif un satyre et fait pousser des oreilles d’âne au roi Midas.
Apollon est le dieu de l’intelligence utile, de la musique, de la poésie et de la médecine. Il se rendit célèbre par ses amours, eut une foule de temples, inspira les poètes, devint symbole du soleil et de la lumière.
Également redoutable, il fut le dieu du châtiment, infligeant des blessures foudroyantes. De nombreux jeux lui furent dédiés dont les jeux apollinaires.
Le nom d’Apollon, cité dès 1660, a pris le sens d’homme soucieux d’atteindre à une idéale beauté, seulement dans le courant du XIX esiècle, par exemple dans Les Mystères de Paris , d’Eugène Sue.
BINETTE
On ne sait pas grand-chose de l’existence du sieur Binet jusqu’à son arrivée à la Cour, en qualité de coiffeur. Mais son succès est incontestable. Ses créations capillaires et artistiques furent déjà remarquées lorsqu’il réalisa la perruque dorée que Louis XIV arbora en février 1662 pour interpréter le rôle de Phoebus lors d’une fête aux Tuileries.
Ensuite, le roi comme ses courtisans mirent à la mode les énormes perruques bouclées et abondantes que Binet fabriquait : bientôt on porta la binette, ce qui donnait à chacun une drôle de figure, une drôle de tête… une drôle de binette.
La mode disparut comme elle était venue, mais le terme se fixa en 1791 avant de passer à l’argot où un dictionnaire spécialisé le recense en 1848.
CHÉRUBIN
C’est la religion juive qui emprunta à la mythologie babylonienne le chérubin ange mi-homme, mi-animal.
La religion catholique l’adopta et Beaumarchais en fit l’un des personnages du Mariage de Figaro .
Dans le langage courant, ressembler à un chérubin c’est posséder une beauté enfantine.
DULCINÉE
Miguel de Cervantès y Saavedra, en créant son personnage de Don Quichotte, entre 1605 et 1615, mettait également l’accent sur une femme, Dulcinéa de Toboso, la dame des pensées du chevalier.
En fait, Don Quichotte se souvenait de la jeune fille d’un laboureur, fort avenante, dont il avait été amoureux, nommée Aldonza Lorenzo, fille de Lorenzo Corchuelo et Aldonza Nogalez, braves paysans.
Pour Don Quichotte, c’est la beauté, alors que pour Sancho Pança, c’est une sotte fille à la voix grasse, une fille bien faite au sens pratique, qui rit de tout et s’adapte à tout. Qu’importe, Dulcinée est pour Don Quichotte, la « douce », belle, fidèle, la représentation idéalisée de la femme aimée.
Bien que le mot comporte une connotation quelque peu péjorative, il n’y a aucun déshonneur à être traitée de « dulcinée », depuis que le mot est entré dans le Dictionnaire de l’Académie, en 1835. À tout dire, c’est le fameux abbé Prévost, l’auteur de Manon Lescaut , qui utilisa comme nom commun le doux prénom de la chérie de Don Quichotte, en 1718.
FRÈRES SIAMOIS
Deux habitants du Siam, des jumeaux nés vers 1811, nommés Chang et Eng étaient soudés l’un à l’autre. Venus à Paris en 1835, espérant se faire opérer, l’intervention fut jugée impossible. Leur vie se termina à New York le 20 janvier 1874.
Ces deux frères siamois donnèrent naissance à l’expression courante qui désigne des cas de malformations similaires.
GANDIN
Depuis le début du XIX esiècle, un mot dialectal du Sud-Est commença à qualifier un homme un peu nigaud et niais du terme de gandin ; on le retrouvait d’ailleurs dans gourgandin.
Il connut une certaine mode dans le langage parisien, car on le mit en rapport avec le boulevard de Gand (devenu le boulevard des Italiens) qui était le lieu de rencontre des jeunes élégants de l’époque. Ainsi se développa l’appellation de gandin, pour désigner une sorte de dandy ridicule, vers 1855. Mais le mot connut un succès important lorsque Th. Barrière, dans une de ses pièces intitulée Les Parisiens de la décadence , mit sur scène le personnage de Robert Gandin. La mode était lancée et qualifia définitivement un jeune homme prétentieux et d’une élégance outrée.
GARGANTUA
C’est en 1534 que François Rabelais a publié La vie très horrifique du grand Gargantua, père de Pantagruel, jadis composée par M. Alcofribas Nasier, abstracteur de quinte-Essence .
Gargantua avait de qui tenir : ses parents, Grandgousier et Gargamelle, étaient eux-mêmes deux géants débonnaires, friands de tripes. Tout jeune, Gargantua leur fit honneur, en engloutissant des quantités énormes de victuailles, chantant, vociférant, dormant avec extase et bonne humeur.
Rabelais raconta dans ce livre l’enfance et l’éducation du géant, la guerre contre Pichrochole et la fondation de l’abbaye de Thélème, ce qui lui permit, sous le couvert des aventures « hénaurmes » de son héros, de livrer des critiques et réflexions sur son époque et sur les hommes beaucoup plus profondes qu’il n’y laissait paraître.
Gargantua ne manquait jamais une occasion de bien manger et de s’instruire ; si son savoir était important, ses repas étaient… énormes, dignes d’un « gargantua », terme usuel à partir de 1707. Il lui fallut toutefois attendre 1878 pour être accepté dans le Dictionnaire de l’Académie.
GÉANT
Les Géants étaient les monstrueux fils de la Terre, qui voulurent escalader l’Olympe pour détrôner Jupiter ; ils furent durement châtiés et foudroyés par lui.
En 1694, ce mot entra dans le dictionnaire servant à désigner une personne qui excède — de beaucoup — la stature habituelle des autres hommes.
GRINGALET
Gauvain, chevalier courtois et vigoureux de la légende du roi Arthur, possédait un cheval appelé Keinlcaled en gallois. Chrétien de Troyes retint ce nom dans ses romans.
Devenu « gringalet », le mot désigna un cheval ou un mulet de petite taille, puis gringalet adopta son sens péjoratif actuel, en désignant un homme grêle et chétif.
HERCULE
Le héros sans conteste le plus connu de la mythologie gréco-latine, l’Héraklès grec.
La légende le fit naître à Thèbes, de Zeus et d’Alcmène, la femme du roi de Tirynthe, Amphitryon. Jalouse d’Alcmène, la déesse Héra envoya deux serpents dans le berceau d’Hercule afin qu’il meure de leurs morsures.
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