Mais elle se fixe cependant une limite : ne pas gêner celui qu’elle qualifie de « plus beau président de la V e République ». « Ce que je souhaite plus que tout, c’est ne jamais lui porter préjudice, c’est mon obsession. Si je sens un jour que ma présence est compliquée pour sa présidence, je m’effacerai [17] Dans une interview parue dans Elle , « Appelez-moi Brigitte », art. cit.
», anticipe-t-elle. « On sent une vraie gravité en elle, une crainte de ne pas réussir et une volonté de ne jamais nuire à son mari [18] Entretien avec l’auteur, le 1 er novembre 2017.
», explique Ahmed Eddarraz. À ceux qui lui demandent de s’impliquer dans un projet, elle répond d’ailleurs qu’elle doit en parler d’abord à Emmanuel Macron. Elle ne s’engage qu’une fois la « permission » accordée. Mais elle tient ensuite à remplir son rôle, sans se laisser cette fois effacer par les jeunes conseillers présidentiels. Et cela, les ministres d’Édouard Philippe le savent, eux qui parlent si fréquemment de Brigitte Macron lorsque aucun responsable politique n’évoquait par exemple Carla Bruni…
C’est que la nouvelle première dame ressemble peu à la chanteuse. Les deux femmes s’apprécient pourtant. Brigitte a admiré la retenue de Carla à l’Élysée et lui a demandé des conseils pendant la campagne, Carla a envoyé un message de félicitations à Brigitte dès l’élection de son mari et la qualifie de « femme gentille, chaleureuse et humaine, facile à aimer [19] Dans une interview à Version Femina , parue le 9 octobre 2017.
»… Mais pour le reste, elles n’ont pas le même style. « Non, Brigitte Macron ne sera pas Carla Bruni, qui a presque disparu en dehors des voyages à l’étranger [20] Entretien avec l’auteur, le 25 septembre 2017.
», décrypte l’auteur de Premières Dames , Robert Schneider. Plus proche de Cécilia alors ? Leur influence à Bercy, leur implication, leur côté people… Certaines similitudes existent. L’ex-Mme Sarkozy avait d’ailleurs souhaité avant les autres un statut de la première dame. Mais Brigitte Macron écarte la comparaison : « Elle était chef de cabinet. Elle avait un rôle sur le fond. Avec Emmanuel, ce n’est pas du tout moi qui fais ça [21] Alix Bouilhaguet, op. cit.
! » Robert Schneider propose une autre analyse. « Nicolas Sarkozy avait besoin d’elle, comme Emmanuel Macron recherche la présence de sa femme. Mais la vraie différence est que Brigitte Macron n’a pas envie d’exister en s’opposant. Il est évident qu’elle ne veut pas gêner son mari. » La diplomatie parallèle d’une Danielle Mitterrand, l’ambition électorale d’une Bernadette Chirac ou les tweets embarrassants d’une Valérie Trierweiler ? Peu de chances qu’elle s’y risque… Sans pour autant tomber dans l’ultra-discrétion d’Yvonne de Gaulle, dont les tentatives d’analyses politiques recueillaient inlassablement un « laissez, vous n’y connaissez rien » du Général, ou dans l’invisibilité de Julie Gayet. Pour certains proches, Brigitte Macron serait plutôt « la nouvelle Claude Pompidou », amie des arts et des lettres. Ce n’est sûrement pas un hasard si elle a choisi pour directeur de cabinet Pierre-Olivier Costa qui, avant d’intégrer l’Hôtel de Ville, avait œuvré au Centre Pompidou pendant près de quatre ans puis au CNC (Centre national du cinéma et de l’image animée) huit mois durant. La première dame ne s’en cache pas : elle souhaite faire entrer les artistes à l’Élysée. En y organisant des représentations tout d’abord, comme ce concert donné par Renaud Capuçon le 4 octobre. En appuyant aussi le rôle qu’ils pourraient jouer au sommet de l’État. Elle avait ainsi fait découvrir à Emmanuel Macron la prose de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, devenue depuis sa représentante personnelle pour la francophonie. On dit même que l’auteur de Chanson douce aurait refusé le poste de ministre de la Culture, ce qu’elle ne dément pas.
Avec Claude Pompidou, épouse d’un ancien de la Banque Rothschild, largement critiquée pour ses tenues couture, Brigitte Macron a donc bien des points communs. Comme « Bibiche », « Bibi » entretient surtout une relation très fusionnelle avec son mari. Le couple, très tactile en public, veille à se réserver des plages à deux. L’isolement des débuts leur en a laissé le goût, et ils ont par exemple toujours privilégié les vacances en couple plutôt qu’en bande. De toute façon, la meilleure amie du président, c’est son épouse, comme il le dit lui-même. Le matin, il commence donc sa journée à 9 heures, histoire de partager son petit-déjeuner avec Brigitte. Le soir, il la rejoint vers 22 heures pour dîner, avant de repartir travailler. Et le 20 octobre 2017, il n’envisageait pas d’être loin d’elle pour leurs dix ans de mariage, et écourtait donc sa présence au sommet européen de Bruxelles pour la retrouver à La Lanterne. Un accord conjugal que l’Élysée n’avait plus connu depuis longtemps. Des infidélités souffertes par Anne-Aymone Giscard d’Estaing aux vies séparées des Mitterrand, des disputes des Chirac (qui y avaient chacun son appartement) au divorce puis remariage de Nicolas Sarkozy… Le Château a été le théâtre de toutes sortes de rebondissements sentimentaux. Et l’on ne parle même pas des aventures casquées de François Hollande, puis du portrait assassin fait de lui dans Merci pour ce moment . Dans ce panorama, l’harmonie affichée et revendiquée par les Macron surprend. Elle produit surtout un contraste criant avec les tout premiers instants des précédents quinquennats. Le 7 mai 2017, Brigitte apparaissait sur la scène du Louvre main dans la main avec son mari quand, dans les mêmes circonstances, Cécilia Sarkozy avait menacé de ne pas venir et Valérie Trierweiler quémandait d’être « embrassée sur la bouche » pour marquer sa victoire sur Ségolène Royal. Dès les débuts, la nouvelle première dame formera clairement une équipe avec le président, lorsque d’autres, comme Carla Bruni, revendiquaient de se placer « en retrait ». Brigitte Macron, elle, est sa conseillère et elle se tient donc à ses côtés.
Cette concorde explique en partie l’engouement suscité par Brigitte Macron. Et la condamne à une ouverture de courrier digne d’un épisode de « L’amour est dans le pré ». Chaque jour, elle reçoit en effet cent cinquante lettres, soit quatre fois plus que Carla Bruni à en croire son entourage. Des missives qu’elle passe la moitié de la journée à traiter, les classant entre celles auxquelles elle répond personnellement, celles qu’elle laisse à son cabinet, et celles qui demandent une étude plus approfondie, parce que révélatrices de défauts dans le système de protection sociale. Autant dire qu’avec cette masse de lettres, elle ne peut assortir ses réponses d’un billet de banque – comme le faisait Anne-Aymone Giscard d’Estaing, qui renvoyait cinq cents francs aux cas les plus difficiles. Mais, à en croire sa popularité, les Français ne semblent pour l’instant pas s’en formaliser…
« Le phénomène Brigitte Macron » en une de L’Obs , « La Brigitte mania » décortiquée par Le Figaro , « L’atout du président » mis en avant par Le Parisien et la « Passion Brigitte » selon Grazia , déclinée dans un dossier de onze pages. Elle a aussi fait la couverture de Valeurs actuelles , Point de vue et L’Express . Et taper son nom sur Google offre plus de dix millions de résultats. Soit deux fois plus que David Beckham, cinq fois plus que Jean Dujardin… et trente fois plus que Valérie Trierweiler ou Julie Gayet ! Depuis des mois, les médias ont un nouveau sujet de prédilection. « C’est un personnage qui intéresse nos lecteurs », confirme Laurence Pieau, directrice de la rédaction de Closer . « Les numéros où elle apparaît en couverture fonctionnent en général bien [1] Entretien avec l’auteur, le 13 décembre 2017.
. » Même son de cloche du côté de Paris Match . « Le premier numéro où l’on a mis le couple Macron en couverture, en avril 2016, est un numéro historique, avec entre 60 000 et 70 000 ventes supplémentaires [2] Entretien avec l’auteur, le 30 août 2017.
», se souvient Bruno Jeudy. Il explique qu’une telle hausse n’avait pas été atteinte grâce à l’ascension d’un homme politique depuis Nicolas Sarkozy. « Nous n’avons pas encore fait de une sur Brigitte Macron toute seule mais notre lectorat pourrait bien sûr être intéressé. Si l’on avait eu la primeur de sa première interview en tant que première dame, on y serait allé ! » Un autre magazine du groupe Lagardère, Elle , a obtenu l’exclusivité, avec un long entretien publié le 18 août. Et l’hebdomadaire n’a pu que s’en féliciter, et trinquer aux 530 000 exemplaires écoulés, un record depuis dix ans ! « J’ai fait beaucoup de couvertures parce que je fais vendre. Comme une lessive », disait Emmanuel Macron pendant la campagne [3] Dans le documentaire Emmanuel Macron, en marche vers l’Élysée , de Bertrand Delais, diffusé le 11 mai 2017.
. Son épouse l’a largement rattrapé sur ce terrain.
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