Jean-Claude Carrière - N'espérez pas vous débarrasser des livres

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N'espérez pas vous débarrasser des livres: краткое содержание, описание и аннотация

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C'est Restif qui a parlé des travestis, qu'on appelait alors des « efféminés », sous la Révolution. Je me rappelle aussi une scène sur laquelle nous avons beaucoup rêvé, avec Milos Forman. Un condamné est amené à l'échafaud avec d'autres, dans une charrette. Il a son petit chien avec lui, qui l'a suivi. Avant de monter vers le supplice, il se tourne vers la foule pour savoir si quelqu'un veut s'en charger. L'animal est très affectueux, précise-t-il. Il le tient dans ses bras, il l'offre. Et la foule lui répond par des injures. Les gardes s'impatientent et arrachent le chien des mains du condamné, qui est aussitôt guillotiné. Le chien, en gémissant, va lécher le sang de son maître, dans la corbeille. Exaspérés, les gardes finissent par tuer le chien à coups de baïonnette. Alors la foule se déchaîne contre les gardes. « Assassins ! Vous n'avez pas honte ? Qu'est-ce qu'il vous avait fait, ce malheureux chien ? »

Je me suis un peu égaré, mais le défi de Restif – un livre-reportage, un livre « en direct » – me paraît unique. Revenons à la question : quels livres tenterions-nous de sauver en cas de malheur ? Le feu se déclare dans votre maison, savez-vous quels ouvrages vous chercheriez d'abord à protéger ?

U.E. : Après que j'ai parlé si bien des livres, laissez-moi vous dire que j'arracherais mon disque dur externe de 250 gigas, contenant tous mes écrits des trente dernières années. Après quoi, si j'en avais encore la possibilité, je chercherais à sauver bien entendu un de mes livres anciens, pas nécessairement le plus coûteux, mais celui que j'aime davantage. Seulement voilà : comment choisir ? Je suis attaché à un très grand nombre d'entre eux. J'espère n'avoir pas le temps d'y réfléchir trop longtemps. Disons que j'irais peut-être prendre le Peregrinatio in Terram Sanctam , de Bernhard von Breydenbach, Speier, Drach, 1490, sublime pour ses gravures sur plusieurs feuillets repliés.

J.-C.C. : Pour ma part je prendrais sans doute un manuscrit d'Alfred Jarry, un d'André Breton, un livre de Lewis Carroll qui contient une lettre de lui. Une triste histoire est arrivée à Octavio Paz. Sa bibliothèque a brûlé. Une tragédie ! Et vous pouvez imaginer ce qu'était la bibliothèque d'Octavio Paz ! Riche de tous les ouvrages que les surréalistes du monde entier lui avaient dédicacés. Ce fut la grande douleur de ses deux dernières années.

Si on me posait la même question à propos des films, je serais plus embêté pour répondre. Pourquoi ? Tout simplement parce que, encore une fois, beaucoup de films ont disparu. Il y a même des films auxquels j'ai travaillé qui sont irrémédiablement hors d'usage. Une fois le négatif perdu, le film n'existe plus. Et même si le négatif existe quelque part, c'est souvent toute une histoire pour le retrouver, et cela coûte cher d'en tirer une copie.

Il me semble que l'univers de l'image, et du film en particulier, illustre à merveille la question de l'accélération exponentielle des techniques. Nous sommes nés vous et moi dans le siècle qui, le premier dans l'Histoire, a inventé de nouveaux langages. Si nos entretiens se déroulaient cent vingt ans plus tôt, nous ne pourrions évoquer que le théâtre et le livre. La radio, le cinéma, l'enregistrement de la voix et des sons, la télévision, les images de synthèse, la bande dessinée n'existeraient pas. Or, chaque fois qu'une nouvelle technique apparaît, elle veut faire la démonstration qu'elle dérogera aux règles et contraintes qui ont présidé à la naissance de toute autre invention dans le passé. Elle se veut fière et unique. Comme si la nouvelle technique charriait avec elle, automatiquement, une aptitude naturelle pour ses nouveaux utilisateurs à faire l'économie de tout apprentissage. Comme si elle apportait d'elle-même un nouveau talent. Comme si elle s'apprêtait à balayer tout ce qui l'a précédée, faisant du même coup des analphabètes retardataires de tous ceux qui oseraient la refuser.

J'ai été témoin de ce chantage toute ma vie. Alors que, en réalité, c'est le contraire qui se passe. Chaque nouvelle technique exige une longue initiation à un nouveau langage, d'autant plus longue que notre esprit est formaté par l'utilisation des langages qui ont précédé la naissance de ce nouveau venu. A partir des années 1903-1905 se forme un nouveau langage du cinéma qu'il faut absolument connaître. Beaucoup de romanciers s'imaginent pouvoir passer de l'écriture d'un roman à celle d'un scénario. Ils se trompent. Ils ne voient pas que ces deux objets écrits – un roman et un scénario – utilisent en réalité deux écritures différentes.

La technique n'est en aucune façon une facilité. C'est une exigence. Faire une pièce de théâtre pour la radio, rien de plus compliqué.

Les poules ont mis un siècle pour

apprendre à ne pas traverser la route

J.-P. de T. : Revenons aux changements techniques qui devraient nous amener ou non à nous détourner des livres. Sans doute les instruments de la culture sont-ils aujourd'hui plus fragiles et moins durables que ne l'étaient nos incunables, qui résistent merveilleusement au temps. Pourtant ces nouveaux outils, que nous le voulions ou non, bouleversent nos habitudes de penser et nous éloignent de celles que le livre a induites.

U.E. : La vitesse avec laquelle la technologie se renouvelle nous oblige à un rythme insoutenable de réorganisation continuelle de nos habitudes mentales, en effet. Tous les deux ans, il faudrait changer d'ordinateur puisque c'est précisément ainsi que sont conçus ces appareils : pour devenir obsolètes après un certain délai, les réparer revenant plus cher que les remplacer. Chaque année il faudrait changer de voiture parce que le nouveau modèle présente des avantages en termes de sécurité, de gadgets électroniques, etc. Et chaque nouvelle technologie implique l'acquisition d'un nouveau système de réflexes, lequel exige de nous de nouveaux efforts, et cela dans un délai de plus en plus court. Il a fallu près d'un siècle aux poules pour apprendre à ne pas traverser la route. L'espèce a fini par s'adapter aux nouvelles conditions de circulation. Mais nous ne disposons pas de ce temps.

J.-C.C. : Pouvons-nous véritablement nous adapter à un rythme qui va s'accélérant d'une manière que rien ne justifie ? Prenons l'exemple du montage des images au cinéma. Nous sommes arrivés à un rythme si rapide, avec les vidéoclips, que nous ne pouvons pas aller plus vite. Au-delà, nous ne verrions plus rien. Je prends cet exemple pour montrer de quelle manière une technique a engendré son propre langage et comment le langage, en retour, a forcé la technique à évoluer, et ce de manière toujours plus hâtive, plus précipitée. Dans les films d'action américains, ou prétendus tels, que nous voyons aujourd'hui, aucun plan ne doit durer plus de trois secondes. C'est devenu une espèce de règle. Un homme rentre chez lui, ouvre la porte, accroche son manteau, monte au premier étage. Il ne se passe rien, aucun danger ne le menace, et la séquence est découpée en dix-huit plans. Comme si la technique portait l'action, comme si l'action était dans la caméra même, et non pas dans ce qu'elle nous montre.

Au début, le cinéma est une simple technique. On pose une caméra fixe et on filme une scène de théâtre. Des acteurs entrent, font ce qu'ils ont à faire et sortent. Puis, très vite, on se rend compte qu'en mettant une caméra dans un train en mouvement, les images défilent dans la caméra, puis sur l'écran. La caméra peut posséder, élaborer et restituer un mouvement. Elle s'est donc mise à bouger, prudemment d'abord, dans les studios, puis elle est devenue peu à peu un personnage. Elle s'est tournée vers la droite, ensuite vers la gauche. Après quoi, il a fallu coller les deux images ainsi obtenues. C'était le début d'un nouveau langage, par le montage. Buñuel, qui était né en 1900, donc avec le cinéma, me racontait que lorsqu'il allait voir un film en 1907 ou 1908 à Saragosse, il y avait un « explicador » muni d'un long bâton, chargé d'expliquer ce qui se passait à l'écran. Le nouveau langage n'était pas encore compréhensible. Il n'était pas assimilé. Depuis, nous nous y sommes habitués, mais les grands cinéastes, aujourd'hui encore, ne cessent de le raffiner, de le perfectionner et même – heureusement – de le pervertir.

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