Jean-Claude Carrière - N'espérez pas vous débarrasser des livres

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J.-P. de T. : Vous citiez, Jean-Claude, ces premières clés USB que furent les bibliothèques de voyage que les lettrés transportaient déjà avec eux au XVIII e siècle. Avez-vous le sentiment que la plupart de nos inventions sont la réalisation de rêves anciens de l'humanité ?

U.E. : Le rêve de voler hante l'imaginaire collectif depuis des temps immémoriaux.

J.-C.C. : Je crois en effet que de nombreuses inventions de notre temps sont la concrétisation de rêves très anciens. Je le disais à mes amis scientifiques Jean Audouze et Michel Cassé, lorsque nous travaillions ensemble sur nos Conversations sur l'invisible. Un exemple : je me suis récemment replongé dans le fameux livre VI de L'Enéide , où Enée descend aux Enfers pour y retrouver ces ombres qui, pour les Romains, étaient à la fois les âmes de ceux qui avaient déjà vécu mais aussi les âmes de ceux qui vivraient un jour. Le temps est ici aboli. Le royaume des ombres de Virgile préfigure un espace-temps einsteinien. Je relisais quelques pages de ce voyage en me disant que Virgile était déjà descendu dans le monde virtuel, dans les entrailles d'un immense ordinateur, où se pressent des avatars silencieux. Tous les personnages que vous croisez dans ce monde-là ont été quelqu'un ou ont la possibilité d'être un jour quelqu'un. Marcellus est dans L'Enéide un jeune homme merveilleux sur lequel on comptait beaucoup, du vivant de Virgile, et qui malheureusement est mort très jeune. Lorsqu'on s'adresse à ce jeune homme pour lui dire : « Toi, tu seras Marcellus » ( Tu Marcellus eris ), alors que les lecteurs savent qu'il est mort, j'y vois toute la dimension virtuelle, toute la potentialité de celui qui aurait pu être quelqu'un d'inoubliable, peut-être le sauveur providentiel que l'on attendait, et qui n'aura été que Marcellus, un jeune mort.

Comme si Virgile avait eu la prescience de ce monde virtuel dans lequel nous sommes en train de nous complaire. Cette descente aux Enfers est un très beau thème, que la littérature universelle a différemment abordé. C'est le seul moyen qui nous ait été offert de vaincre à la fois l'espace et le temps, c'est-à-dire de pénétrer dans le royaume des morts, ou des ombres, et de voyager à la fois dans le passé et dans l'avenir, dans l'être et dans le néant. D'atteindre ainsi à une forme d'immortalité virtuelle.

Un autre exemple m'a toujours frappé. Dans le Mahâbhârata , une reine, qui s'appelle Gandhari, se trouve enceinte et ne parvient pas à accoucher. Or elle doit impérativement le faire afin que son enfant naisse avant celui que porte sa belle-sœur, car le premier-né sera roi. Elle demande à une servante vigoureuse de se saisir d'une barre de fer et de lui taper sur le ventre, de toutes ses forces. Jaillit alors de son vagin une boule de fer qui roule sur le sol. Elle veut la jeter, la faire disparaître, lorsque quelqu'un lui recommande de couper cette boule en cent morceaux et de placer chaque morceau dans une jarre, lui prédisant qu'ainsi lui naîtront cent fils. Ce qui, en effet, se produit. N'est-ce pas déjà une image de l'insémination artificielle ? Ces jarres ne préfigurent-elles pas nos éprouvettes ?

Et nous pourrions sans effort multiplier les exemples. Toujours dans le Mahâbhârata, du sperme est conservé, transporté, réutilisé. La Vierge Marie, une nuit, à Calanda, vient remplacer la jambe coupée d'un paysan espagnol : voici déjà une greffe. Et combien de clonages, de sperme utilisé après la mort du mâle ? Combien, même, de chimères que nous pensions disparues à jamais dans des nuées lointaines – tête de bouc, queue de serpent, griffes de lion – et que nous voyons ressurgir dans les rêveries des laboratoires ?

U.E. : Ce ne sont pas les rédacteurs du Mahâbhârata qui voyaient dans le futur. C'est le présent qui réalise les rêves des hommes qui nous ont précédés. Vous avez parfaitement raison. Nous sommes par exemple sur le point de donner réalité à la Fontaine de jouvence. Nous vivons de plus en plus vieux et nous sommes capables de terminer nos jours dans une forme insolente.

J.-C.C. : Dans cinquante ans, nous serons tous des créatures bioniques. Je vous regarde par exemple, Umberto, avec des yeux artificiels. J'ai subi une opération des cristallins il y a trois ans, au moment où s'annonçait une cataracte, ce qui me dispense désormais de me servir de lunettes, pour la première fois de ma vie. Et le résultat de l'opération est garanti cinquante ans ! Aujourd'hui mes yeux se portent comme un charme, mais l'un de mes genoux me trahit. Je dois donc décider, ou non, de le changer. Une prothèse m'attend quelque part. Au moins une.

J.-P. de T. : Le futur est imprévisible. Le présent est entré dans une mue continuelle. Le passé, censé offrir un socle de référence et de réconfort, se dérobe. Engageons-nous des entretiens sur l'impermanence ?

J.-C.C. : Le futur ne tient pas compte du passé, mais pas davantage du présent. Les avionneurs travaillent aujourd'hui sur des avions qui seront prêts dans vingt ans, mais conçus pour fonctionner avec du kérosène qui alors n'existera peut-être plus. Ce qui me frappe vraiment, c'est la complète disparition du présent. Nous sommes obsédés comme jamais par les modes rétro. Le passé nous rattrape à toute vitesse, bientôt nous serons soumis aux modes du trimestre précédent. L'avenir est comme toujours incertain et le présent progressivement se rétrécit et se dérobe.

U.E. : A propos de ce passé qui nous rattrape. J'ai installé sur mon ordinateur les meilleures radios du monde et j'ai une collection d'une quarantaine de Oldies . Quelques radios américaines proposent un programme exclusivement inspiré des années 1920 et 1930. Toutes les autres offrent d'explorer les années 1990, déjà considérées comme le plus lointain passé. Un récent sondage proposait le nom de Quentin Tarantino comme le meilleur réalisateur de tous les temps. Le public interrogé n'avait dû visionner ni Eisenstein, ni Ford, ni Welles, ni Capra, etc. C'est toujours le défaut de ce genre d'enquête. J'ai écrit un livre, dans les années soixante-dix, sur la manière de conduire sa thèse universitaire, livre traduit dans toutes les langues. La première recommandation que je faisais dans ce livre, où je donnais vraiment des conseils à propos de tout, était de ne jamais choisir un sujet contemporain. Ou bien la bibliographie est manquante ou elle est sujette à caution. Choisissez toujours, disais-je, un sujet classique. Or la majorité des thèses, aujourd'hui, portent sur des questions contemporaines. Je reçois ainsi des quantités de thèses consacrées à mon œuvre. C'est fou ! Mais comment faire une thèse sur un type qui est encore vivant ?

J.-C.C. : Si notre mémoire est courte, alors, effectivement, c'est ce proche passé qui presse le présent et le pousse, le bouscule vers un futur qui a pris la forme d'un immense point d'interrogation. Peut-être déjà d'exclamation. Où est passé le présent ? Le merveilleux moment que nous sommes en train de vivre et que des conspirateurs multiples tentent de nous dérober ? Je reprends contact avec ce moment-là, parfois, dans ma campagne, en écoutant la cloche de l'église donner calmement toutes les heures une sorte de « la » qui nous rappelle à nous-mêmes. « Tiens, il n'est que cinq heures… » Comme vous, je voyage beaucoup, je me perds dans les couloirs du temps, dans les décalages horaires et j'ai besoin, de plus en plus, de renouer avec ce présent qui nous devient insaisissable. Sinon, j'aurais l'impression d'être perdu. Et même, peut-être, d'être mort.

U.E. : La disparition du présent dont vous parlez n'est pas seulement due au fait que les modes, qui duraient autrefois trente ans, durent aujourd'hui trente jours. C'est aussi le problème de l'obsolescence des objets dont nous parlons. Vous consacriez quelques mois de votre vie à apprendre à faire de la bicyclette mais ce bagage, une fois acquis, était valable pour toujours. Désormais vous consacrez deux semaines à comprendre quelque chose d'un nouveau programme informatique et lorsque vous le maîtrisez à peu près, un nouveau est proposé, imposé. Ce n'est donc pas un problème de mémoire collective qui se perdrait. Ce serait plutôt pour moi celui de la labilité du présent. Nous ne vivons plus un présent placide mais nous sommes dans l'effort de nous préparer constamment au futur.

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