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Robert Silverberg: Valentin de Majipoor

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Robert Silverberg Valentin de Majipoor

Valentin de Majipoor: краткое содержание, описание и аннотация

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Sur Majipoor, la planète géante, règne Lord Valentin le Coronal, qui, naguère jongleur, a retrouvé son trône, mais conservé un corps d’emprunt. Ces faits de haute chronique ont été relatés dans Le château de Lord Valentin. Mais il n’est pas dit que le règne de Valentin restera serein. Tandis que le Coronal entreprend son Périple à travers les immensités de Majipoor, afin de se faire voir de ses peuples, accompagné de Carabella, son épouse bien aimée, de ses amis des jours d’infortune devenus grands seigneurs et d’une armée de courtisans, les nuages s’amoncellent, les maladies frappent les récoltes, s’étendent comme feu de forêt. Des monstres surgissent des forêts d’habitude paisibles de Majipoor. La famine survient, et la rébellion. Faudra-t-il faire la guerre aux Changeformes ? Car ce sont eux, premiers occupants de la planète, jadis massacrés et refoulés par les humains venus de l’espace, qui tentent une nouvelle révolte. Valentin, qui est épris de paix et d’amour, ne parvient pas à s’y résoudre. Majipoor va-t-elle sombrer ?

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Hissune le lâcha et reprit son souffle. Le cœur battant, baigné de sueur, il n’osait se demander à quoi il devait ressembler. Après tout le temps qu’Ailimoor avait passé à s’occuper de sa toilette.

Vanimoon fit un pas en arrière en se massant le poignet d’un air maussade.

— Il a eu peur que je salisse ses beaux habits neufs. Il ne veut pas que les gens du peuple s’approchent de lui.

— C’est cela. Maintenant, écarte-toi. Je suis déjà très en retard.

— Pour le banquet du Coronal, je présume.

— Exactement. Je suis en retard pour le banquet du Coronal.

Vanimoon et les autres demeurèrent bouche bée, partagés entre le mépris et le respect. Hissune s’avança entre eux en jouant des coudes et traversa la place.

La soirée commençait on ne peut plus mal.

3

Un jour, au plus fort de l’été, tandis que le soleil demeurait presque immobile au-dessus du Mont du Château, le Coronal lord Valentin partit gaiement chevaucher à travers les prairies constellées de fleurs qui s’étendaient sous l’aile méridionale du Château.

Il partit seul, sans même emmener lady Carabella, son épouse. Les membres du conseil élevaient de vigoureuses objections contre ses promenades sans escorte, même dans l’enceinte du Château. Ils refusaient à plus forte raison de le laisser s’aventurer hors du périmètre du domaine royal. Chaque fois que la question se posait, Elidath tapait du poing, Tunigorn se redressait de toute sa taille comme s’il se disposait à bloquer le passage à Valentin et le petit Sleet prenait un air furibond et rappelait au Coronal que ses ennemis avaient déjà réussi une fois à le renverser et qu’ils pourraient recommencer.

— Mais enfin, je suis en sécurité partout sur le Mont du Château, protestait Valentin.

Mais jusqu’à ce jour, ils avaient toujours obtenu gain de cause. Ils affirmaient que la sûreté du Coronal de Majipoor était une priorité absolue. Et chaque fois que lord Valentin partait faire une promenade en monture, Elidath ou Stasilaine, à moins que ce fût Tunigorn, chevauchait à ses côtés, comme ils le faisaient depuis leur jeunesse, et une demi-douzaine de membres de la garde du Coronal suivaient à distance respectueuse.

Mais cette fois, Valentin avait réussi à leur échapper. Il ne savait pas très bien comment il avait pu faire, mais quand l’envie irrésistible de faire un tour en monture l’avait pris au milieu de la matinée, il était tout simplement entré dans les écuries de l’aile sud, avait sellé sa monture sans l’aide d’un palefrenier et traversé la place Dizzimaule pavée de porcelaine verte et étrangement vide. Il était rapidement passé sous la grande arche pour déboucher dans les champs verdoyants qui bordaient la route du Grand Calintane. Nul ne l’avait arrêté, nul n’avait crié pour le retenir. C’était comme si quelque sorcellerie l’avait rendu invisible.

— Être libre, même pour une ou deux heures ! Le Coronal rejeta la tête en arrière et se mit à rire comme il n’avait pas ri depuis longtemps. Il frappa de la main le flanc de sa monture et s’enfonça dans les prairies, si vite que les sabots du grand animal pourpré semblaient effleurer les innombrables fleurs sans les toucher.

— C’était cela, la vie ! Il regarda par-dessus son épaule. L’amoncellement stupéfiant du Château diminuait rapidement derrière lui, bien qu’il parût encore immense à cette distance et remplit la moitié de l’horizon. L’édifice d’une taille invraisemblable comprenant quarante mille pièces s’étalait comme un gigantesque monstre au sommet du Mont. Valentin ne se souvenait pas d’être sorti une seule fois du Château depuis sa restauration sans ses gardes du corps. Pas une seule fois.

Valentin regarda à sa gauche où la saillie de cinquante kilomètres de haut qui constituait le Mont du Château descendait en pente vertigineuse et il vit High Morpin, la cité des plaisirs, dont les lumières brillaient loin en contrebas comme un réseau d’impalpables fils dorés. Allait-il descendre et passer la journée à s’amuser ? Pourquoi pas ? Il était libre ! Libre d’aller encore plus loin s’il le désirait, de flâner dans les jardins de la Barrière de Tolingar, au milieu des halatingas, des tanigales et des sithereels, et de revenir avec une fleur jaune d’alabandina sur son chapeau comme une cocarde. Pourquoi pas ? Il disposait de toute la journée. Il pouvait chevaucher jusqu’à Furible et arriver à l’heure pour le repas des oiseaux de pierre ou jusqu’à Stee pour boire du vin doré en haut de la Tour de Thimin ou encore jusqu’à Bombifale, Peritole, Banglecode…

Sa monture semblait de taille à le faire. Heure après heure, elle le portait sans manifester de fatigue. Quand il fut arrivé à High Morpin, il l’attacha à la Fontaine de Confalume où des flèches effilées d’eau colorée jaillissaient à une centaine de mètres en l’air tout en conservant leur forme rigide par quelque ancien procédé magique. Il parcourut à pied les rues de câble doré à la trame serrée et déboucha sur la place où se trouvaient les glisse-glaces, ce jeu auquel Voriax et lui avaient si souvent joué dans leur jeunesse. Mais quand il s’aventura sur la surface glissante, nul ne le remarqua, comme s’il était inconvenant de regarder un Coronal en train de s’amuser ou bien comme s’il était encore enveloppé de cette étrange invisibilité. Cela semblait curieux mais ne le perturbait pas outre mesure. Quand il en eut assez du glisse-glace, il songea qu’il pourrait chevaucher les mastodontes ou traverser les tunnels d’énergie mais il se ravisa et estima qu’il serait aussi agréable de poursuivre sa promenade. Il enfourcha sa monture et prit la route de Bombifale. Dans cette ancienne et charmante cité aux murailles incurvées de grés orange foncé surmontées de tours plus pâles s’effilant en pointes élégantes, il avait vu venir à lui un jour, il y avait bien longtemps de cela, ses cinq meilleurs amis. Ils l’avaient trouvé dans une taverne voûtée aux murs d’onyx et d’albâtre et quand il les avait salués dans un grand rire, étonné de les voir, ils avaient mis un genou en terre et fait le signe de la constellation en s’écriant : « Valentin ! Lord Valentin ! Vive lord Valentin ! » Sa première réaction avait été qu’ils se moquaient de lui, car il n’était que le frère cadet du monarque et il savait qu’il ne serait jamais roi et ne voulait pas le devenir. Et bien qu’il ne fût pas d’un tempérament coléreux, il se sentit furieux contre ses amis qui venaient le déranger avec cette plaisanterie aussi stupide que cruelle. Mais il remarqua alors à quel point leur visage était pâle et leur regard étrange. Sa colère l’abandonna, le chagrin et la peur l’envahirent. C’est ainsi qu’il apprit que son frère Voriax était mort et qu’il avait été nommé Coronal à sa place. Dix ans plus tard, dans cette même ville de Bombifale, Valentin avait l’impression que la moitié des hommes qu’il croisait avaient les traits de Voriax, sa barbe noire, son regard dur, son teint coloré et cela le troublait. Il quitta la ville en hâte.

Il ne fit pas d’autre halte, car il y avait tant à voir, tant de centaines de kilomètres à couvrir. Il poursuivit sa route, laissant sereinement les villes derrière lui l’une après l’autre, comme s’il flottait, comme s’il volait. De temps à autre, en bordure d’un précipice, il avait une vue stupéfiante de tout le Mont en contrebas, des Cinquante Cités toutes visibles en même temps, des innombrables villes des contreforts, des Six Fleuves et de la vaste plaine d’Alhanroel s’étendant jusqu’à la grève lointaine de la Mer Intérieure – quelle splendeur, quelle immensité. Majipoor ! C’était, sans conteste, la plus belle de toutes les planètes conquises par l’humanité depuis le début de la grande migration, depuis le départ de la Vieille Terre, des milliers d’années auparavant. Et tout cela avait été remis entre ses mains, était sa charge ; une responsabilité à laquelle il ne se déroberait pas.

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