Gene Wolfe - L’épée du licteur

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L’épée du licteur: краткое содержание, описание и аннотация

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Devenu licteur de Thrace, Sévérian semble avoir trouvé l'équilibre qui lui manquait depuis son départ de Nessus. Pourtant, de mystérieuses créatures sont toujours à ses trousses et nombre de ses questions restent posées. Le bourreau en trouvera-t-il les réponses dans le lointain passé de Teur ? Et quel rôle joue réellement la Griffe du Conciliateur ? La quête de Sévérian va prendre un tournant décisif, pour son propre avenir et celui de la planète entière.

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« Lorsque la puissance des machines se fut encore affaiblie – comme elles l’avaient souhaité elles-mêmes –, elles ne furent plus capables d’entretenir ces fantômes dans l’esprit des gens, ni de construire de nouvelles villes, car les villes qui restaient étaient pratiquement vides.

« Elles avaient atteint, comme le disait mon oncle, ce point de l’évolution où elles avaient espéré que l’humanité se tournerait contre elles et les détruirait ; mais ce n’était pas ce qui se produisait. Elles qui avaient été tour à tour méprisées comme des esclaves puis adorées comme des démons étaient désormais grandement aimées.

« Si bien qu’elles réunirent auprès d’elles ceux qui les aimaient le plus, et, pendant de longues années, elles leur enseignèrent toutes ces choses que l’ancienne race avait jetées au rebut. Puis elles moururent.

« Alors ceux qui les avaient aimées et en avaient été aimés tinrent conseil ensemble pour savoir comment ils pourraient préserver l’enseignement qu’ils avaient reçu, car ils avaient compris qu’ils n’en reverraient jamais d’autres de la même sorte revenir sur Teur. Mais ils se prirent entre eux de violentes querelles. Ils n’avaient pas appris ensemble, mais au contraire séparément, et chaque homme et chaque femme avait écouté une machine différente, comme s’il n’y avait rien eu d’autre au monde qu’eux deux. Et comme la masse du savoir était considérable et qu’ils étaient si peu nombreux, les machines leur avaient enseigné à tous des choses très différentes.

« Alors ils se divisèrent en factions ; les factions connurent des scissions, puis se scindèrent encore jusqu’à ce qu’à la fin chaque individu se retrouvât tout seul, incompris et méprisé par les autres qu’il méprisait lui-même. Alors chacun partit de son côté, loin des villes qui avaient abrité les machines, ou au contraire en s’enfonçant au plus profond de leur labyrinthe ; quelques-uns restèrent dans les palais des machines pour veiller sur leurs carcasses. »

Un sommelier nous apporta des coupes contenant un vin presque aussi clair que de l’eau et aussi paisible qu’elle, tant qu’un mouvement n’en avait pas réveillé l’esprit. Alors, son parfum embaumait l’air comme ces fleurs qu’aucun œil humain ne peut voir et que seuls trouvent les aveugles, et en boire une gorgée était comme boire la force à même le cœur d’un taureau. Cyriaque s’empara avidement de sa coupe, la vida d’un seul trait et l’envoya sonner contre le sol de l’alcôve.

« Parlez-moi encore, lui dis-je alors, de l’histoire de ces archives perdues.

— Lorsque l’ultime machine devint froide et silencieuse, et lorsque tous ceux qui avaient appris d’elles le savoir interdit, autrefois rejeté par l’humanité, furent séparés les uns des autres, naquit alors l’épouvante dans leurs cœurs. Car tous savaient qu’ils étaient mortels, et la plupart qu’ils n’étaient plus jeunes. Chacun comprit que sa propre mort signifierait aussi la disparition d’un savoir qu’il chérissait plus que tout. Alors ils se mirent tous – chacun croyant être le seul à le faire – à noter par écrit les choses apprises au cours des longues années passées à écouter les machines qui leur avaient révélé la connaissance des choses sauvages et cachées. Beaucoup de ces témoignages furent détruits, mais d’autres survécurent, tombant parfois sur des gens, qui, en les recopiant, les enjolivaient de variantes de leur cru, ou bien les affaiblissaient en commettant des omissions… Embrasse-moi, Sévérian. »

En dépit de la gêne présentée par mon masque, nos lèvres se joignirent. Tandis qu’elle se laissait retomber en arrière, les souvenirs fantômes des anciennes amours et des badinages de Thècle, dans les boudoirs catachtoniens et les portes dérobées du Manoir Absolu, s’agitèrent au fond de moi, et je dis : « Ne savez-vous donc pas que ce genre de chose exige d’un homme toute son attention ? »

Cyriaque sourit. « C’est pour cette raison que je l’ai fait. Je voulais savoir si vous m’écoutiez vraiment.

« Quoi qu’il en soit, pendant très longtemps – personne ne sait combien, et de toute façon le monde n’était pas aussi proche de l’extinction du soleil que maintenant ; les années étaient plus longues –, ces écrits passèrent de main en main, ou bien moisirent dans les cénotaphes où leurs auteurs les avaient cachés pour les préserver. Ils étaient fragmentaires, contradictoires et allusifs. Puis un jour, il se trouva un autarque (mais on ne les appelait pas des autarques, alors) qui espéra reconquérir l’ancien empire ; tous ces documents furent rassemblés par ses serviteurs, des hommes en robe blanche qui dévastèrent les greniers et jetèrent à bas les androsphinx érigés à la mémoire des machines, qui allèrent partout et entrèrent jusque dans les cubicules des moïraïques depuis longtemps défuntes. Le fruit de ce pillage fut amassé en une énorme pile dans la ville de Nessus, alors au début de sa construction, afin d’être brûlé.

« Mais durant la nuit qui précéda la date arrêtée pour cet autodafé, l’Autarque, qui n’avait jamais auparavant connu les rêves sauvages du sommeil, et ne connaissait que ses rêves éveillés de puissance, rêva enfin pour de bon. Et dans son rêve, il vit tous les mondes non asservis de la vie et de la mort, des pierres et des rivières, des bêtes et des arbres lui glisser pour toujours entre les doigts.

« Au matin suivant, il interdit d’allumer les torches, et ordonna au contraire que fût construite une vaste crypte, afin d’y abriter tous les livres et tous les rouleaux rassemblés par les hommes en robe blanche. Car il s’était dit que si jamais l’empire dont il avait rêvé lui échappait, il se retirerait dans cette crypte pour y découvrir les mondes qu’à l’imitation des anciens, il avait voulu détruire.

« Comme il le devait, son empire lui échappa finalement. On ne peut trouver le passé dans un avenir d’où il est absent. Du moins pas tant que le monde métaphysique, qui est infiniment plus vaste et plus lent que le monde physique, n’aura pas terminé sa révolution, et que le Nouveau Soleil ne sera pas venu. Cependant, il ne se retira pas dans la crypte comme il avait prévu de le faire, ni derrière les murailles qu’il avait fait bâtir pour l’abriter. Car une fois qu’un homme a rejeté toutes les choses sauvages, elles savent flairer les pièges et on ne peut plus les capturer de nouveau.

« Malgré tout, on raconte qu’avant de faire fermer la crypte où il avait tout réuni, il lui donna un gardien. Et lorsque se fut écoulé le temps imparti sur Teur à ce gardien, celui-ci en trouva un autre, et cet autre un autre encore, si bien que ces gardiens restèrent fidèles aux ordres donnés par cet autarque, car ils sont saturés de toutes les pensées sauvages qui émanent du savoir préservé par les machines, et la fidélité en fait partie. »

J’avais commencé à la déshabiller tandis qu’elle parlait, et m’étais mis à lui baiser les seins ; je m’interrompis pour demander : « Est-ce que toutes ces pensées dont vous parlez n’ont pas disparu du monde, lorsque l’Autarque les a enfermées ? N’en ai-je jamais entendu parler ?

— Non, parce qu’elles avaient longtemps passé de main en main, et qu’elles étaient devenues la chair et le sang des gens.

De plus, on dit aussi que le gardien les laisse parfois sortir ; et même si en fin de compte elles lui reviennent toujours, elles sont lues entre-temps, par peu ou beaucoup de personnes, avant de s’enfoncer de nouveau dans les ténèbres.

— C’est une histoire merveilleuse, dis-je. Je crois que j’en sais un peu plus que vous là-dessus, et pourtant, je ne l’avais jamais entendue raconter auparavant. » Je découvris qu’elle avait de longues jambes fuselées, avec des cuisses comme des coussins de soie et des chevilles d’une exquise finesse ; tout son corps, en vérité, était un délice.

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