— Et les commandes ? demanda Claude. Vous êtes bien certain de toutes les avoir repérées ?
— J’ai neutralisé toutes les audios, bien sûr, Mais les instruments de vol sont graphiques. Je peux m’y retrouver. Impossible de lire l’altimètre, mais il y a un moniteur de position et d’atterrissage qui donne une assez bonne image. Et on a inventé les yeux avant les chiffres, non ? Chaque lecteur du groupe moteur comporte trois petits voyants tout bêtes – cyan, ambre et violet pour paré, attention et décollage. Non, ça ira, là aussi. Le grand problème, ça va être les ailes. Bizarre d’avoir mis des ailes sur un truc électromagnétique… Une relique culturelle, probablement. En fait, ça devait leur faire plaisir de planer !
— Richard, fit Martha, emmène-moi avec toi demain !
— Oh, peut-être que…
— Non, Martha, il ne faut pas, intervint madame Guderian. Richard a peut-être confiance, je le crois, mais il y a des risques.
— Oui, elle a raison, fit-il en prenant la main de Martha.
La soirée était froide. Les flammes qui dansaient accusaient les creux du visage de Martha.
— Ecoute, quand j’aurai fait ce premier essai en vol, alors, nous ferons une balade. Promis. Mais je ne peux pas courir un tel risque avec toi, mon petit… Après tout, qui est-ce qui pourrait faire marcher ce bon Dieu de rayon de la mort qu’on ramène ?
Elle s’approcha de lui et ses yeux se fixèrent dans les siens.
— Je crois que la Lance va fonctionner. La batterie semble à moitié chargée, ce qui est remarquable après tout ce temps. Et on dirait qu’aucun des composants n’a souffert. J’ai dû surtout nettoyer le canon et remplacer le câble. Par chance, tous les matériaux se trouvaient à bord du planeur. Il me faut encore une journée pour tout terminer.
— Et vous pensez que c’est une arme très puissante ? demanda Claude.
— Il existe plusieurs réglages. Le plus bas ne comporte pas de capot de verrouillage. Ils devaient l’utiliser pour leurs combats rituels. J’estime que sa puissance doit être celle d’un pistolet-lumière. Les quatre autres crans protégés doivent correspondre à des fonctions plus spéciales. Le plus élevé doit équivaloir à la puissance d’un canon photonique.
— Je ne pense pas que nous puissions courir le risque de l’essayer et de décharger la batterie, ajouta Martha.
— Et nous n’avons aucun moyen de la recharger ?
— Je ne suis pas parvenue à l’ouvrir. Il faut un outil spécial et j’ai eu peur de détraquer quelque chose. Non, il faudra réserver notre gros rayon de la mort pour la bataille.
Ils jetèrent quelques branches de résineux dans le feu qui crachèrent des volées d’étincelles en craquant. Dans la jungle alentour, quelques rares insectes bourdonnaient. Lorsque la nuit serait noire, les petits mammifères et les oiseaux viendraient se désaltérer à la source et Felice tenait déjà son arc prêt.
— J’ai presque fini de nettoyer le sépulcre de Lugonn, dit la chasseresse. Aucune trace du torque.
Seule Martha poussa un soupir de regret.
— Si nous réussissons l’opération Finiah, lui dit Richard, nous en trouverons beaucoup. Vous n’aurez même pas besoin d’implorer le petit roi. Il suffira de se baisser, vous verrez.
— Oui, soupira-t-elle.
— Richard, comment comptez-vous monter la Lance sur l’appareil ? demanda Claude. Je ne vois pas comment vous pourrez bricoler une détente à partir du poste de pilotage vu le peu de temps qu’il nous reste.
— Il n’y a qu’un moyen d’opérer. Je piloterai et quelqu’un devra tirer par le sabord ouvert. Je pense que nous pourrions faire confiance à l’un des braves du chef Burke pour…
— Tout ex-paléontologue qui se respecte, le coupa doucement Claude, doit savoir se servir de lance-rayons de gros calibre. Comment croyez-vous donc qu’on découpe les rochers pour dégager les spécimens importants ? Durant ma vie, j’ai tranché dans pas mal de falaises, et même dans une ou deux montagnes pour ramener mes plus beaux fossiles.
— Ça alors ! D’accord, vous êtes engagé. On fera équipe à deux.
— A trois, dit madame Guderian. Vous aurez besoin de mon écran métapsychique pour protéger le planeur.
— Angélique ! protesta Claude.
— Impossible de vous en passer. Velteyn et sa Chasse Volante vous verraient approcher de très loin.
— Pas question que vous veniez ! insista Claude. Nous atteindrons Finiah à haute altitude et nous attaquerons en piqué. Nous les aurons par surprise.
— Non. Ils vous détecteront avant. Notre seule chance de les surprendre est de dissimuler l’appareil par un écran méta pendant les manœuvres d’approche. Il faut donc que je vienne avec vous. Il n’y a rien à ajouter.
Claude se dressa et la foudroya du regard.
— Non, il n’y a rien à ajouter. Vous croyez donc qu’on va vous lancer comme ça au milieu d’un combat aérien ? Richard et moi, nous avons une chance sur cent de sauver notre peau. Nous aurons besoin de toute notre concentration. Inutile de dire que ce n’est pas en vous ayant sur notre dos que nous y parviendrons.
— Radoteur ! Qui est le chef du groupe ? C’est moi. Et de qui est ce plan d’attaque, hein ?
— Je ne vous laisserai pas partir, espèce de vieille gorf entêtée !
— Essayez donc de m’en empêcher, vieux Polack Yankee !
— Mégère !
— Salopard !
— Vieille chauve-souris, vous commencez à nous les casser !
— Pauvre con !
— Est-ce que vous allez la fermer ! hurla Felice. Vous êtes pire que Richard et Martha !
Le pirate sourit et Martha se retourna en se mordant la lèvre pour ne pas éclater de rire. Le visage de Claude était sombre et madame Guderian était toujours dressée comme un coq.
— Ecoutez-moi, vous deux, intervient Richard. Le champ rho interdira à la Chasse Tanu de toucher à l’appareil. Il déviera probablement les flèches et les sagaies ou je ne sais quoi. Donc, il faut surtout que nous nous défendions contre leurs attaques mentales. Et pour cela, nous n’avons que l’écran méta de madame Guderian.
— Si seulement j’avais un torque ! gronda Felice.
— Combien de temps pourrez-vous tenir contre eux ? demanda Claude à madame Guderian.
— Je ne sais pas, avoua-t-elle. Nous serons déguisés en vapeur jusqu’au moment de tirer sur les murs de la cité. Alors, ils saurons qu’ils ont affaire à un ennemi et mon petit écran devra résister à un certain nombre d’émissions. Il est certain qu’il ne tiendra pas. Il faut espérer que nous aurons eu le temps d’attaquer la mine. Ensuite, nous pourrons nous enfuir à toute allure.
— Et quelle vitesse peut atteindre l’appareil de Velteyn ?
— Il ne doit pas dépasser celle d’un chaliko au galop. Notre champion Tanu est capable de faire léviter sa propre monture et celle de ses vingt et un guerriers. Télékinésie. Il n’a qu’un concurrent capable de réaliser le même exploit, c’est Nodonn, le Chef de Guerre Tanu et Seigneur de Goriah, en Bretagne. Il peut faire léviter jusqu’à cinquante hommes, dit-on.
— Si j’avais un torque, répéta Felice. Ils verraient bien.
— On les enverra s’écraser dans la poussière, proclama Richard. Deux coups de rayon pour abattre les murs, peut-être un autre sur les quartiers Tanu pour démoraliser la défense, et plein feu sur la mine. Si cette Lance est réellement un canon photonique, il ne restera qu’un tas de cendres.
— Et il faudra penser à rentrer sains et saufs, ajouta Claude, le regard perdu dans les flammes. Pendant que nos amis se battront au sol.
— Velteyn va tout faire pour défendre son royaume, dit Angélique Guderian. C’est un créatif extrêmement puissant et il dispose de coercitifs exceptionnels. Nous courrons un grave danger. Mais nous réussirons.
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