George Effinger - Privé de désert

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Privé de désert: краткое содержание, описание и аннотация

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Marîd Audran, détective privé « câblé », entame sa traversée du désert. Naguère sans le sou mais libre dans le dédale du Boudayin, ce ghetto arabe d’une Terre future balkanisée, le voilà devenu flic côté jour et, côté nuit, bras droit du « parrain » local, « Papa » Friedlander bey.
Résultat: bonjour l’opulence… mais adieu l’indépendance… et les vieux amis du Boudayin.
Et puis voilà Marîd désormais affublé d’une vieille maman pas très présentable : un souci de plus pour qui a déjà fort à faire entre les meurtres sadiques, les trafics d’enfants et de modules électroniques, et les manœuvres suspectes d’un parrain rival de « Papa »… Faisant suite à Gravité à la manque, mais pouvant se lire indépendamment, une nouvelle incursion dans l’orient déglingué d’Effinger, la paix d’Allah soit sur lui.

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— Nân. Si Indihar veut bien que t’arnaques les touristes dans la journée, c’est son problème. Mais j’aime autant pas te voir faire ça ici le soir quand je suis susceptible d’être dans le coin.

— À l’extérieur du Boudayin, yaa sidi , prononça Kmuzu, sur un ton menaçant, on vous trancherait les mains si on vous prenait à faire ça. »

Air horrifié de Fouad. « Tu les laisserais pas me faire une chose pareille, hein, Marîd ? »

Je haussai les épaules. « “Coupez la main du voleur et de la voleuse pour salaire de leurs gains et châtiment de Dieu, car Dieu est le puissant, le sage“. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le saint Qur’ân. T’aurais intérêt à y jeter un œil [6] Sourate V, « La Table servie », verset 38. (N.d.T.) . »

Fouad serra la boîte contre sa poitrine creuse. « Attends d’avoir un jour besoin de moi, Marîd ! » s’écria-t-il. Puis il se dirigea en trébuchant vers la porte, renversant une chaise et bousculant Pualani au passage.

« Il s’en remettra, dis-je à Kmuzu. Dès demain, il sera de retour. S’rappellera même plus ce que tu lui as dit.

— C’est regrettable, dit Kmuzu, gravement. Un de ces quatre, il essaiera de vendre une de ces chaînes au mauvais client. Il risque de le regretter pour le restant de ses jours.

— Ouais, mais ça, c’est tout Fouad. Bon, là-dessus, moi faut que je cause à Indihar avant le changement d’équipe. Ça te dérange si je te laisse seul deux trois minutes ?

— Pas du tout, yaa sidi . » Il me fixa d’un œil vide durant quelques instants. Ça me décontenançait toujours quand il faisait ça.

« Je vais te faire apporter un autre thé glacé. » Sur quoi je me levai et gagnai le bar.

Indihar rinçait des verres. Je lui avais dit qu’elle n’avait pas besoin de venir bosser jusqu’à ce qu’elle se sente mieux mais elle avait répondu qu’elle préférait travailler que rester plantée chez elle avec les gosses, à broyer du noir. Elle avait besoin d’argent pour payer la nourrice, et elle avait encore tout un tas de dettes, rapport à l’enterrement. Les autres filles tournaient autour d’elle sur la pointe des pieds, sans trop savoir quoi lui dire, quelle contenance prendre. Ça rendait l’ambiance un rien morose.

« Besoin de quelque chose, Marîd ? » Elle avait les yeux rouges, les orbites creuses. Elle détourna le regard pour fixer les verres au fond de l’évier.

« Un autre thé frappé pour Kmuzu, c’est tout.

— D’accord. » Elle se pencha vers le réfrigérateur sous le bar et sortit une carafe de thé glacé. Elle en servit un verre puis continua de m’ignorer.

Je regardai vers le bout du comptoir. Il y avait trois nouvelles dans le roulement de jour. Je ne me souvenais du nom que d’une. « Brandi, lançai-je, apporte ça au grand type, là, dans le fond.

— Tu veux dire ce kaffir ? » Elle était petite, avec de gros bras, des cuisses grasses, d’énormes implants mammaires et des cheveux ébouriffés d’un blond renforcé artificiellement. Elle portait des tatouages aux deux bras, au-dessus du sein droit, sur l’omoplate gauche, dépassant de son string, aux deux chevilles et sur le cul. Je crois qu’ils la gênaient plus qu’autre chose parce qu’elle portait en permanence un châle noir à franges quand elle s’asseyait avec des clients au bar et quand elle dansait, elle mettait des chaussures à semelles compensées rouge vif et des chaussettes montantes blanches. « Tu veux que je ramasse sa monnaie ? »

Je fis non de la tête. « C’est mon chauffeur. Il boit à l’œil. »

Brandi acquiesça et emporta le thé glacé. Je restai au bar, faisant négligemment tourner un sous-verre en liège. « Indihar », finis-je par dire.

Elle m’adressa un regard las. « J’t’ai prévenu que je voulais pas t’entendre me dire que t’étais désolé. »

Je relevai la main. « Je vais pas dire ça. Je trouve simplement que tu devrais accepter un petit coup de main à présent. Pour tes gosses, si c’est pas pour toi. J’aurais été heureux de payer une tombe dans le cimetière de tes beaux-parents. Chiri serait ravie de te prêter tout l’argent qu’il…»

Indihar laissa échapper un soupir exaspéré et s’essuya les mains avec le torchon du bar. « Voilà un autre truc que je ne veux pas entendre. Jirji et moi, on n’a jamais emprunté un sou. C’est pas maintenant que je vais commencer.

— Bon, d’accord, mais la situation est différente. Quel est le montant de la pension que te verse la police ? »

Elle jeta son torchon, dégoûtée. « Le tiers du salaire de Jirji. C’est tout. Et ils sont en train de me mener en bateau avec une sombre histoire de délai de règlement. Ils ne pensent pas pouvoir commencer à me la verser avant au moins six mois. On arrivait à peine à s’en sortir jusqu’ici. Je sais pas comment on va y arriver maintenant. Je suppose qu’il faudra que je trouve un endroit moins cher où habiter. »

Ma première idée fut que n’importe quel endroit moins cher que l’appartement d’Haffe al-Khala ne serait pas convenable pour élever des enfants. « Peut-être, dis-je. Écoute, Indihar, je crois que tu as gagné des congés payés. Alors, pourquoi pas me laisser te régler quinze jours, trois semaines d’avance, que tu puisses rester à la maison avec Zahra, Hâkim et Petit Jirji ? Ou tu pourrais en profiter pour te faire un peu de gratte, qui sait…»

Brandi revint au bar et se laissa choir près de moi, l’air dégoûté. « C’t enfoiré m’a même pas refilé de pourboire. »

Je la regardai. Elle était sans doute pas plus futée que Fouad. « Je te l’ai déjà expliqué, Kmuzu boit à l’œil. Je veux pas que t’ailles le tanner.

— Qui c’est, çui-là, ton petit copain ? » lança-t-elle avec un sourire torve.

Je regardai Indihar. « Tu tiens vraiment à garder cette pétasse ici ? »

Brandi sauta du tabouret et piqua droit vers les vestiaires. « Ça va, ça va, fit-elle, oublie qu’j’ai dit quoi que ce soit…

— Marîd, dit Indihar d’une voix basse, soigneusement contrôlée. Fiche-moi la paix. Pas de prêts, pas de marché, pas de cadeaux. D’accord ? Juste assez de respect à mon égard pour me laisser me débrouiller toute seule. »

Inutile de continuer à discuter. « Comme tu voudras. » Je fis demi-tour, regagnai la table de Kmuzu. J’aurais sincèrement voulu qu’elle me laisse l’aider d’une manière ou d’une autre. J’éprouvais pour elle une admiration sans bornes. C’était une femme bien, intelligente, et plutôt bien roulée, en plus.

Je bus un ou deux verres, tuai un peu le temps, puis il fut huit heures. Chiri et l’équipe de nuit arrivèrent et je regardai Indihar faire la caisse, régler les filles du roulement de jour et s’en aller sans dire un mot de plus à quiconque. Je m’approchai du bar pour saluer Chiri. « Je crois qu’Indihar essaie trop d’être courageuse. »

Assise sur son tabouret derrière le bar, Chiri examina les sept ou huit clients. Puis elle me dit d’une voix lointaine : « Hier, elle m’a parlé de son douzième anniversaire. Elle disait qu’elle avait connu Jirji toute sa vie. Ils ont grandi dans le même petit village. Elle avait toujours bien aimé Jirji et quand ses parents lui ont annoncé qu’ils s’étaient entendus avec les Shaknahyi pour marier leurs deux enfants, Indihar était très heureuse. »

Chiri se pencha sous le bar et sortit sa bouteille personnelle de tendé . Elle s’en versa un demi-verre et le goûta. « Indihar a eu une enfance traditionnelle, reprit-elle. Sa famille était très vieux jeu et très superstitieuse. Elle a été élevée en Égypte, un pays où l’on colporte encore ce conte de vieille femme comme quoi l’eau du Nil, quand elles en boivent, rend les filles trop passionnées. Elles épuisent leurs malheureux époux. C’est pour ça qu’on excise les filles avant le mariage.

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