George Effinger - Privé de désert

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Privé de désert: краткое содержание, описание и аннотация

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Marîd Audran, détective privé « câblé », entame sa traversée du désert. Naguère sans le sou mais libre dans le dédale du Boudayin, ce ghetto arabe d’une Terre future balkanisée, le voilà devenu flic côté jour et, côté nuit, bras droit du « parrain » local, « Papa » Friedlander bey.
Résultat: bonjour l’opulence… mais adieu l’indépendance… et les vieux amis du Boudayin.
Et puis voilà Marîd désormais affublé d’une vieille maman pas très présentable : un souci de plus pour qui a déjà fort à faire entre les meurtres sadiques, les trafics d’enfants et de modules électroniques, et les manœuvres suspectes d’un parrain rival de « Papa »… Faisant suite à Gravité à la manque, mais pouvant se lire indépendamment, une nouvelle incursion dans l’orient déglingué d’Effinger, la paix d’Allah soit sur lui.

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Il éleva une main tremblante et maigre. « Je préfère que mes associés aient des sources de revenus extérieures, des sources qu’ils gèrent eux-mêmes et dont ils n’ont pas besoin de partager les bénéfices avec moi.

— C’est une sage politique », dis-je. J’avais connu bon nombre d’« associés » de Papa et je savais le genre de sources dont ils disposaient. J’étais certain qu’il allait me brancher sur quelque affaire louche, quelque marché du vice. Non pas que les scrupules m’étouffent, qu’on me comprenne bien. Je n’aurais pas vu d’inconvénient à acheter mes drogues au prix de gros. Simplement, je n’ai jamais eu vraiment l’esprit de lucre.

« Jusqu’à une période récente, le Boudayin était tout ton univers. Tu le connais bien, mon fils, et tu comprends ses habitants. J’ai une grande influence là-bas et j’ai jugé intéressant de t’acheter un petit établissement commercial dans ce quartier. » Sur quoi, il me tendit un document plastifié.

Je me penchai pour le prendre. « Qu’est-ce que c’est, ô cheikh ? demandai-je.

— C’est un titre de propriété. Tu es désormais le propriétaire des biens qui y sont décrits. À partir d’aujourd’hui, l’affaire est sous ta responsabilité. C’est une entreprise rentable, mon neveu. Gère-la bien, et elle te récompensera, inchallah. »

J’avisai le titre. « Tu es…» Ma voix s’étrangla. Papa avait acheté le club de Chiriga et il me le donnait. Je le regardai. « Mais…»

Il balaya ma réponse d’un revers de main. « Inutile de me remercier. Tu es mon fils respectueux.

— Mais c’est le bar de Chiri. Je ne peux quand même pas lui piquer son club. Qu’est-ce qu’elle va faire ? »

Friedlander bey haussa les épaules. « Les affaires sont les affaires », dit-il simplement.

Je le fixai, muet, il avait la manie remarquable de me donner des choses dont je me serais passé avec joie : Kmuzu et une carrière de flic, par exemple. Mais ce n’aurait pas été une solution de refuser. « Je ne sais vraiment comment t’exprimer mes remerciements », dis-je d’une voix éteinte. Déjà qu’il ne me restait plus que deux bons amis, Saïed le demi-Hadj et Chiri… Ça n’allait certainement pas plaire à cette dernière. Je redoutais d’avance sa réaction.

« Viens, me dit Friedlander bey, allons dîner. » Il se leva derrière son bureau et me tendit la main. Je le suivis, encore ahuri. Ce n’est que plus tard que je m’avisai que je ne lui avais pas parlé de mon boulot avec Hadjar ou de ma nouvelle mission d’enquête sur Reda Abou Adil. Quand vous êtes en présence de Papa, vous allez où il veut, vous faites ce qu’il veut, et vous parlez de ce qu’il veut entendre.

Nous gagnâmes la plus petite des deux salles à manger, tout au bout de l’aile ouest, au rez-de-chaussée. C’est là que nous mangions, Papa et moi, quand nous dînions ensemble. Kmuzu m’emboîta le pas dans le couloir et le Roc parlant suivit Friedlander bey. Si nous avions été dans une holo-série sentimentale américaine, ces deux-là en seraient venus aux mains avant de devenir les meilleurs amis du monde. Sûr qu’on pouvait y compter.

Je m’arrêtai au seuil de la salle à manger, l’œil rond. Umm Saad et son fils nous attendaient à l’intérieur. C’était la première femme que j’avais vue sous le toit de Friedlander bey, et néanmoins elle n’avait jamais eu le droit de se joindre à notre table. Le garçon semblait avoir une quinzaine d’années, ce qui aux yeux de la foi est l’âge de la maturité. Il était en âge de se conformer aux obligations de la prière et du jeûne rituel, aussi en d’autres circonstances aurait-il fort bien pu partager notre repas. « Kmuzu, dis-je, raccompagne la femme à ses appartements. »

Friedlander bey me posa la main sur le bras. « Je te remercie, mon fils, mais je l’ai invitée à rester avec nous. » Je le regardai, bouche bée, mais aucune réponse intelligente ne me vint. Si Papa voulait à une date si tardive engager des bouleversements radicaux dans son comportement et son attitude, c’était son droit. Je refermai la bouche et acquiesçai.

« Umm Saad dînera dans ses appartements après notre discussion », dit Friedlander bey en la fixant du regard. « Son fils alors pourra se retirer avec elle ou bien rester avec les hommes, à son gré. »

Umm Saad semblait impatiente : « Je suppose que je dois t’être reconnaissante du temps que tu sais m’épargner. » Papa gagna sa chaise et le Roc l’aida à s’asseoir. Kmuzu m’indiqua un siège en face de Friedlander bey. Umm Saad s’installa à sa gauche et son fils se mit à la droite de Papa. « Marîd, dit ce dernier, connais-tu le jeune homme ?

— Non », répondis-je. Pas même de vue. Lui et sa mère se faisaient fort discrets dans cette demeure. Le garçon était grand pour son âge, mais il était maigre et mélancolique. Sa peau avait un teint jaunâtre peu naturel et il avait le blanc des yeux décoloré. Il avait un air maladif. Il était vêtu d’une gallebeya bleu foncé imprimée d’un motif géométrique, et il portait un turban de jeune cheikh – pas un turban de chef tribal mais la coiffure honorifique du garçon qui a mémorisé le texte intégral du Qur’ân.

« Yaa sidi , dit la femme, puis-je te présenter mon cher fils Saad ben Salah ?

— Que votre honneur s’accroisse, seigneur », dit le garçon.

Je haussai les sourcils. Le gosse au moins avait des manières. « Qu’Allah te soit gracieux, répondis-je.

— Umm Saad, intervint Friedlander bey d’une voix bourrue, tu es entrée dans ma maison en manifestant des prétentions extravagantes. Ma patience est à bout. Par respect pour les lois de l’hospitalité, j’ai souffert ta présence mais dorénavant ma conscience est claire. Je t’enjoins donc de ne plus me déranger. Tu devras avoir quitté ma demeure dès l’appel à la prière de demain matin. Je vais donner ordre à mes domestiques de te fournir toute l’assistance qui te sera nécessaire. »

Umm Saad lui adressa un petit sourire comme si elle trouvait sa colère amusante. « Je ne crois pas que tu aies prêté à notre problème toute l’attention voulue. Et tu n’as rien prévu pour l’avenir de ton petit-fils. » Elle posa sa main sur celle de Saad.

C’était comme un soufflet en plein visage. Elle prétendait être la fille ou la bru de Friedlander bey. Voilà qui expliquait pourquoi il voulait que je m’occupe de le débarrasser d’elle, au lieu de s’en charger lui-même.

Il me regarda. « Mon neveu, dit-il, cette femme n’est pas ma fille, et le garçon n’est pas de mon sang. Ce n’est pas la première fois qu’un étranger vient à ma porte en prétendant m’être apparenté, dans l’espoir de me dépouiller d’une fortune gagnée avec peine. »

Seigneur, j’aurais dû m’occuper d’elle dès qu’il me l’avait demandé, avant qu’il m’embarque dans cette histoire. Un de ces jours, il faudra bien que j’apprenne à m’occuper des choses avant qu’elles ne deviennent par trop compliquées. Je ne veux pas dire que je l’aurais vraiment assassinée, mais j’aurais pu avoir une chance de l’amener à nous quitter paisiblement, par la persuasion, la menace ou le chantage. Je voyais bien qu’il était désormais trop tard. Elle n’accepterait aucun arrangement ; elle voulait tout le gâteau, sans en perdre une miette.

« Tu en es certain, ô cheikh ? demandai-je. Qu’elle n’est pas ta fille, je veux dire ? »

Un instant, je crus qu’il allait me frapper. Puis, d’une voix maîtrisée avec peine, il répondit : « Je te le jure, sur la vie de l’Envoyé de Dieu (faveurs et bénédictions divines sur lui). » Je n’en demandais pas plus. Friedlander bey n’a rien contre quelques petites manipulations si cela aide ses visées, mais il ne fait jamais de faux serments. Si nous nous entendons si bien, c’est parce qu’il ne ment pas et que je ne mens pas non plus. Je regardai Umm Saad. « Quelle preuve as-tu à l’appui de tes prétentions ? »

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