Bientôt, la grande horde fut à portée des mitrailleuses et des lance-flammes. « Ouvrez le feu ! » rugit Feric.
Aussitôt, des centaines de milliers de mitrailleuses ouvrirent le feu sur toute la ligne. Le premier rang des Guerriers, littéralement foudroyé, s’écroula ; un sort identique fut réservé au rang suivant, les troupes helders continuant d’arroser de plomb toute la longueur du front zind ; de même pour le rang suivant. Mais les Zinds poursuivaient leur avance, inexorablement, par-dessus les cadavres de leurs camarades, droit vers les puissantes mâchoires des armes helders.
Voyant ses propres balles atteindre une demi-douzaine de monstres nus aux cuisses énormes, les rejetant en arrière dans un éclaboussement de chair, Feric réalisa soudain qu’aucun fourgon n’était en vue.
« Ce ne sont pas des Guerriers ordinaires, Best ! » s’écria-t-il. Les créatures n’avançaient pas en formations aussi précises qu’à l’accoutumée. En outre, leurs têtes, bien que de dimensions nettement inférieures à la moyenne humaine, présentaient de plus grands crânes que ceux des combattants que les Helders avaient affrontés jusque-là, et quelque chose dans leur mâchoire et leur bouche fit grincer les dents de Feric. Puis les lance-flammes des chars animèrent le front de l’assaut zind d’une vague de pétrole enflammé, provoquant des cris, des hurlements, des gémissements horribles, qui couvraient jusqu’au crépitement des armes.
Des Guerriers à moitié carbonisés jaillirent de rideau de flammes, tirant frénétiquement dans leurs derniers spasmes, et portant l’avance zind jusqu’à cent mètres des tranchées helders. Feric dégaina la Grand Massue de Held, la brandit magnifiquement au-dessus de sa tête, mit pleins gaz et se rua dans un hurlement hors des fortifications, droit sur la masse des géants bestiaux.
Cent mille motards S.S. et de l’armée le suivirent en poussant des vivats. Des milliers de ces héros furent instantanément taillés en pièces par les armes des Guerriers ; Feric entendit les balles siffler autour de lui. En quelques secondes la vague de motards atteignit les monstres zind et, les fusils devenant inutilisables, le combat se poursuivit massue contre massue.
Feric se retrouva dans une forêt de jambes énormes, velues et repoussantes. L’énergie de la Grande Massue se répandit dans tout son être ; il fit siffler l’arme comme une badine. Le coup surhumain trancha des douzaines de ces membres ignobles aussi aisément que s’il s’était agi de quelque fromage trop fait, précipitant au sol nombre d’ignominies hurlantes, où elles s’agitèrent comme des serpents décapités. Écrasant les crânes des créatures comme autant de melons, il remarqua leurs yeux de braise, leurs bouches couvertes de bave sanglante qui s’ouvraient sur des dents aiguës comme des rasoirs. Ces créatures n’appartenaient pas à l’espèce de Guerriers synchronisés que Heldon avait déjà combattus. Chacun luttait pour soi, avec la frénésie d’un chat enragé, opposant intrépidement leurs muscles massifs à la volonté de fer des fanatiques Helders montés sur leurs machines d’acier.
À grands coups de leurs énormes massues, ils taillaient en pièces motos et cavaliers, l’écume dégouttant de leurs ignobles bouches sans lèvres. Mais, aussi immenses et féroces qu’ils fussent, ces monstres ne pouvaient se mesurer à l’héroïsme surhumain du soldat helder combattant aux côtés de son Commandeur Suprême bien-aimé. Ces magnifiques spécimens sanglés de kaki ou de cuir noir affrontaient des créatures presque deux fois plus grandes qu’eux, leur cri de guerre aux lèvres, les yeux flambants de joie, et leurs massues s’abattaient comme les fléaux du Destin.
Attaquer ces héros raciaux, c’était plonger dans les dents en mouvement d’une énorme scie circulaire.
L’un après l’autre, les monstres se ruèrent en hurlant sur Feric, aussitôt broyés par la Grande Massue de Held ; bientôt le manche du Commandeur d’Acier fut tout englué d’un épais sang rouge, et le luisant cuir noir de l’uniforme de Feric souligné d’une centaine de taches écarlates. Des jours entiers semblèrent s’écouler alors que ce corps à corps ne dura en réalité qu’une heure. Feric ne pouvait juger du sort de la bataille, encerclé dans un univers de géants poilus, puants et écumants, animés d’une soif inextinguible de pur sang humain. Chaque nouvelle vague de créatures ne se frayait un chemin dans le monceau de cadavres entourant la moto de Feric que pour connaître aussitôt la colère fracassante du Commandeur d’Acier. Et les créatures surgissaient inlassablement, comme animées d’un désir ardent et irrésistible de marcher à leur perte.
Après un certain temps, Feric remarqua cependant que le nombre des assaillants diminuait minute après minute. Une demi-douzaine de géants émergèrent d’entre les corps de leurs camarades, hurlant follement ; Feric les abattit comme en se jouant. Puis trois hommes tombèrent quelques instants plus tard. Un long moment s’écoula enfin sans que rien ne bougeât plus. Feric était seul au centre d’un vaste cratère dont les parois étaient des cadavres brisés et sanglants de centaines, voire de milliers d’ennemis.
À coups de volée du Commandeur d’Acier, Feric s’ouvrit un chemin dans le monceau de Guerriers morts et y fit passer sa moto.
Aussi loin qu’il pût voir s’élevait un amoncellement de corps inertes de Guerriers zind pour la plupart, mais aussi de très nombreux héros helders qui avaient fourni une ultime marque de dévouement au Svastika. Entre les tas de géants, des dizaines de milliers de motards helders achevaient les Guerriers blessés avec leurs mitraillettes.
Venant de plusieurs centaines de mètres, Ludolf Best fonça vers Feric, gesticulant éperdument et hurlant de joie à la vue de son Commandeur Suprême, vivant et triomphant. Ses cris et ses mouvements attirèrent l’attention de centaines de soldats sur la personne de Feric ; à leur tour, ils poussèrent de folles acclamations, agitant leurs massues ou tirant des coups de feu avec une joie exubérante. En quelques instants, la nouvelle se propagea sur tout le champ de bataille : le Commandeur Suprême était vivant !
Plus de cent mille héros triomphants brandirent vers le ciel leurs massues poisseuses de sang pour exécuter le salut du Parti et rugirent « Vive Jaggar ! » avec une férocité et une ardeur qui surpassaient tout ce que Feric avait connu jusque-là.
Adossé contre le flanc d’un char aux côtés de Ludolf Best, durant un bref répit, Feric songeait à la stratégie apparemment très claire des Dominateurs. Depuis deux jours, ceux-ci lançaient inlassablement des formations-suicide de leur nouvelle race de Guerriers contre les positions helders ; chaque vague était aussitôt annihilée par les forces de Feric, mais au prix de lourdes pertes en vies, en munitions et d’une énorme dépense d’essence.
« Ils ne peuvent espérer nous égaler en mobilité et en puissance de feu, murmura-t-il. Et pourtant ils persistent dans la même tactique.
— Je ne vois pas pourquoi ils ne tentent pas une manœuvre tournante, remarqua Best. Manifestement, leur but doit être de nous contourner et d’arrêter les troupes de Waffing avant qu’elles ne nous rejoignent avec de l’essence et des munitions, à présent que les gisements sont entre nos mains. »
Feric sourit de cette naïveté. « Non, Best, même les Doms savent que la vitesse supérieure de nos blindés et de nos forces aériennes serait capable de bloquer toute manœuvre sérieuse par le flanc avant même qu’elle puisse se dessiner. J’imagine qu’ils espèrent nous submerger avant l’arrivée des troupes de Waffing.
— Quels idiots de croire qu’ils peuvent submerger l’armée helder ! » s’exclama Best.
Читать дальше