La fusion mystique entre Feric, ses troupes héroïques et l’énergie raciale de Heldon était complète : l’armée helder combattait comme un seul être dont le cœur était la volonté de Feric. Aucun homme n’attachait d’importance à sa propre vie ou à sa sécurité personnelle ; la peur et la fatigue n’existaient pas.
Lentement, pied à pied, l’armée helder avança, repoussant devant elle tout le poids de la gigantesque armée zind. Les premiers rangs de la horde n’étaient plus qu’un énorme troupeau de monstres aux yeux rouges, vomissant, bredouillant, crachant, déféquant, jetant au hasard leurs énormes masses nues sur les chars d’acier, s’empalant sur les fusils helders, massacrant avec le même entrain les Helders et leurs propres camarades. Partout s’élevaient des flammes et de grands nuages de fumée pestilentielle. Chaque char helder, chaque héros humain était couvert d’une épaisse couche de sang ennemi. Feric sentait l’énergie raciale frémir dans son corps, dans ses muscles et jusque sur la gueule rougie de sa mitrailleuse grondante. Lui-même n’était plus qu’une arme actionnée par quelque chose qui le dominait. Les centaines de chars et de milliers d’hommes hachant l’ennemi en débris sanglants prolongeaient son propre être de doigts, de bras, de pseudopodes, réalisant en lui et avec lui la plus haute expression de l’énergie raciale de son peuple. Ensemble, ce vaste organisme était Heldon, l’espoir du monde, la race maîtresse de la destinée, pétrissant son chemin dans les forces vives de l’exécrable ennemi racial.
Toute la nuit et le jour suivant l’incroyable carnage se poursuivit. Uni à cet organe unique qu’était son armée, Feric sentait dans sa chair que les troupes helders avançaient vers le nord et vers l’est, vers Bora. Semblables à des vrilles sensitives de son propre corps, les avions de reconnaissance rapportaient que les flancs est et ouest de la grande horde zind se refermaient sur les flancs de la ligne helder comme les pseudopodes enveloppants d’une gigantesque amibe.
« Il est difficile de dire si nous sommes cernés ou si nous coupons la horde en deux, remarqua Feric en s’adressant à Best.
— Commandeur, j’ai Waffing à la radio !
— Passez-le-moi sur le circuit du tank. »
La voix chaleureuse de Waffing gronda dans le char, se détachant sur ce que Feric reconnut comme des bruits de bataille. « Commandeur, nous avons atteint les champs pétrolifères et engageons le combat avec l’ennemi. J’espère pouvoir vous annoncer la conquête de notre objectif ce soir au plus tard.
— Beau travail, Waffing ! dit Feric. Je dois maintenant couper ; comme vous pouvez l’entendre, nous ne chômons pas non plus ici ! »
L’appel de Waffing fit réfléchir Feric. Les manœuvres latérales de Zind pouvaient être une tentative pour contourner l’obstacle de l’année helder afin d’aller renforcer les troupes trop peu nombreuses qui tenaient les champs pétrolifères, position clef. En ce cas, cette manœuvre devait être contrecarrée à tout prix !
N’écoutant que ses instincts guerriers, Feric sauta sur le micro et ordonna le déploiement de ses forces en position défensive : il fallait établir une ligne au sud de la horde zind, ligne assez solide et étendue pour n’être ni contournée ni brisée. La horde devait être immobilisée jusqu’à ce que Waffing ait accompli sa mission et opéré la jonction avec le gros de l’armée.
Aussi, derrière un écran de chars et de motos, l’infanterie helder recula, déployée sur un large front, à deux kilomètres au sud, installant des mitrailleuses, des canons, des obusiers, creusant des tranchées et des trous de défense individuels et ancrant chaque extrémité de cette ligne sur une division de S.S. parmi les plus fanatiques. Cela accompli, les motards de première ligne dégagèrent et se mirent à l’abri dans les fortifications, protégés par les tanks, qui furent les derniers à se retirer derrière le mur de feu de leurs propres canons et mitrailleuses.
Une fois ces manœuvres terminées et son char à l’abri derrière une levée de terre, Feric s’accorda une pause pour examiner la situation d’ensemble. Par l’écoutille ouverte du char, il vit que la horde zind ne s’était pas accrochée aux talons de l’armée helder en retraite, en raison du chaos monstrueux de ses premières lignes. À cette distance Feric distinguait la digue de cadavres emmêlés et sanglants, épaisse de plusieurs kilomètres, qui bouchait le front au nord sur toute la ligne de combat. Seuls quelques chars zind opéraient encore, qui furent rapidement détruits par les bombardiers helders. Derrière ce front de Guerriers exterminés, dans le lointain, tel un immense essaim de fourmis tueuses en folie, régnait un chaos tourbillonnant de Guerriers incontrôlés. Plus loin encore, une mer infinie de troupes encore disciplinées. Quant à l’artillerie zind, elle avait été entièrement réduite au silence par la force aérienne helder, dont les croiseurs noirs et luisants avaient également délivré le ciel de la vermine ennemie.
Motards S.S. et fantassins avaient subi de lourdes pertes, mais l’artillerie était pratiquement intacte ; guère plus de cinquante chars avaient été détruits, et l’armée de l’air paraissait flambant neuve. On avait utilisé beaucoup de munitions et de pétrole – non sans résultat – mais, une fois les renforts de Waffing arrivés, ce problème trouverait sa solution.
« Notre rôle est maintenant parfaitement clair, dit Feric à Best. Nous devons tenir cette position à tout prix jusqu’à l’arrivée des troupes de Waffing. »
Best ne manifesta guère d’enthousiasme. « Je préférerais attaquer l’ennemi, quelles que soient nos chances, plutôt que de tenir une ligne de défense, aussi inexpugnable soit-elle, Commandeur », dit-il.
Feric marqua son approbation d’un hochement de tête ; c’était là son désir le plus profond et l’attitude normale d’un soldat helder. Pourtant, le bien de la Patrie exigeait parfois de renoncer aux désirs les plus chers. Il était évident qu’une attitude purement défensive ne procurerait aucune joie aux troupes helders. Il fallait faire quelque chose pour maintenir le moral.
Pour attiser le feu sacré de ses hommes, Feric abandonna son char, endossa un uniforme noir immaculé, se drapa dans une cape rouge impeccable et entreprit l’inspection des premières lignes, juché sur la moto noire et chromée d’un héros S.S. tombé au combat, suivi de Best, également motorisé. Il exhibait aux regards de tous le Commandeur d’Acier, dont le fût épais et argenté et la tête puissante polis à neuf scintillaient au soleil.
Ses troupes, bien qu’ayant férocement combattu pendant près de deux jours sans dormir ne manifestaient que le désir ardent de repartir à l’assaut de l’ennemi. Preuve en était la détermination fanatique qui brillait dans leurs yeux, le soin amoureux qu’ils prodiguaient à leurs armes durant ce répit, l’ardeur et le mordant de leur salut, la ferveur de leurs « Vive Jaggar ! » et les ovations spontanées qui soulignaient chaque salve d’artillerie dirigée sur les lignes de l’ennemi.
Une demi-heure seulement après le début de l’inspection, un grand mouvement se dessina le long du front zind.
« Regardez, Commandeur ! fit Best.
— Il semble que notre soif de bataille doive être apaisée bientôt ! » dit Feric. Vague après vague, les Guerriers se frayaient un passage à travers les monceaux sanglants de leurs camarades, courant vers la ligne helder à travers le no man’s land, leurs armes crachant le feu.
Feric posa sa mitraillette sur son trépied de tir ; tout le long des fortifications helders, canons et pièces furent braqués sur la vague ennemie et de terribles salves d’obus explosifs laminèrent les créatures qui couraient sur le sol désolé, tandis qu’une chaîne sans fin de bombardiers en piqué creusait des cratères béants dans les formations d’arrière.
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