Le mur de l’armée helder fonçait à la rencontre de la horde zind, s’aidant des dernières coordonnées transmises par l’avion de surveillance, et la terre tremblait sous le grondement des canons envoyant salve après salve d’obus explosifs dans le ciel de plomb pour écraser l’ennemi. Des obus zind tombèrent au milieu de l’armée helder, faisant exploser les chars en geysers de flammes éclatantes et de fragments métalliques, remplissant les airs de fragments de motos pulvérisées. Les bombardiers helders, à présent nettement visibles au-dessus des coteaux, plongeaient presque à la verticale à une vitesse incroyable, lâchaient leurs charges mortelles, puis remontaient hors d’atteinte des explosions qui en résultaient. Des centaines de ces magnifiques croiseurs occupaient le ciel – plongeant, piquant, remontant, semant la mort dans les rangs ennemis, tels de grands aigles vengeurs.
« Nous y voilà, Best ! » cria Feric, apercevant pour la première fois l’ennemi. Du nord arrivait un immense vol de près de cent monstres volants zind, leurs ailes membraneuses luisant d’humidité, pourchassés par une douzaine d’avions helders toutes mitrailleuses en batterie. En quelques secondes, cette armada aérienne survola l’armée. L’acide gicla des sacs gonflés des créatures, faisant fuser des nuages de fumée jaune asphyxiante là où il entrait en contact avec le métal des chars. Les oiseaux se ratatinaient et explosaient dans les airs, déchiquetés par les balles des avions helders.
Mais Best et Feric n’eurent guère le loisir de contempler plus longuement la bataille aérienne, car la grande horde de Zind apparut, courant droit aux blindés helders ; Best poussa un cri inarticulé d’horreur où perçait un soupçon de panique.
L’armée de Zind s’étirait à perte de vue d’est en ouest, couvrant vers le nord un grand désert gris jusqu’à l’horizon. Une ligne de Guerriers géants et musclés déployés en tirailleurs et soutenus par d’innombrables bataillons de réserve marchait sur un front trop large pour qu’on pût en apercevoir les limites ; dans les interstices de cette première ligne de monstres de trois mètres avançaient des tanks vert-de-gris, guère différents de leurs équivalents helders. Derrière le front, des milliers de fourgons de guerre tirés par des Remorqueurs progressaient dans un océan solide de Guerriers à l’accablante synchronisation. À peine visibles, loin derrière l’artillerie manœuvrée par les Remorqueurs, les camions et les blindés à vapeur, d’immenses troupes de Guerriers avançaient dans un désordre précis et calculé, comme des fourmis-soldats. Le ciel, au-dessus de cette horde monstrueuse, était obscurci par une nuée d’avions helders et de volatiles zind évoluant au sein de tourbillons d’épaisse fumée noire. Des portions entières de la horde brûlaient comme autant d’énormes enfers ; d’innombrables Guerriers incontrôlés couraient et bondissaient stupidement à travers les derniers rangs ennemis. Des fourgons, chars, cuirassés et canons jaillissait un barrage continu d’obus qui, à cette courte distance, commencèrent à prélever leur dîme sur les chars helders.
Alors que les deux armées n’étaient plus distantes que de cent mètres, Feric vit le visage de Best figé en un masque guerrier. « Dispersion ! » ordonna-t-il aux commandants de chars ; ceux-ci s’écartèrent les uns des autres, et dans les intervalles s’amassèrent les immenses divisions de troupes motorisées. Feric écrasa la détente de sa mitrailleuse et rugit dans le micro « Feu à volonté ! » tandis que son arme crachait déjà rageusement la mort sur la horde en marche. Les chars abaissèrent leurs canons et lancèrent une dernière salve d’explosif dans le premier rang de la horde zind, provoquant une avalanche de terre, de chair et de fragments métalliques.
Et les deux armées se trouvèrent confrontées, dans un choc fracassant de chair et de métal. La tactique de Zind n’avait pas changé, si ce n’est que les immenses Guerriers qui avançaient de concert, vague après vague, à l’infini, brandissaient à présent des mitraillettes. Le rideau de balles qui submergea l’armée helder, s’il rebondissait sans dommage sur la coque des chars, causa des ravages parmi les motards qui se précipitaient pleins gaz dans la mêlée, avec un héroïque mépris de leur propre sécurité.
Les lance-flammes inondèrent la horde zind de pétrole enflammé ; des milliers de torches hurlantes n’en continuèrent pas moins leur avance, pour finir cisaillées par les mitrailleuses helders et écrasées sous les chenilles des chars, incurablement fidèles – même dans leurs ultimes spasmes – aux ordres psychiques des Dominateurs.
Les chars de Zind bondirent en avant, tirant à travers leurs propres troupes pour tenter de mettre en pièces les chars de Heldon. Sans cesser de faire cracher sa mitrailleuse sur l’étau de robots protoplasmiques qui entouraient son véhicule, Feric lança des ordres secs à ses commandants de char : « Tirez à bout portant ! Faites taire les chars ennemis à tout prix ! »
Les canons helders rugirent leur défi ; les obus ouvrirent une trouée dans le foisonnement de chair, pulvérisant les chars zind. Apparemment, ceux-ci abritaient les Dominateurs car, une fois qu’ils furent détruits, d’importantes formations de Guerriers, en première ligne, se transformèrent en troupeaux écumants et indisciplinés, courant comme fous sous le feu du combat et ajoutant à l’incroyable chaos.
Feric se retrouva isolé avec Best dans un univers intemporel de féroce bataille, un monde d’ignobles Guerriers qui déferlaient faisant cracher leurs mitrailleuses, se déchirant les doigts sur les blindages d’acier, explosant en flammes ou réduits en un épais brouet rouge sous les chenilles. Une odeur de chair grillée mêlée à l’âcre senteur de la poudre assaillait les narines de Feric, et ses oreilles étaient assourdies par le rugissement incessant des mitrailleuses, des canons, des moteurs, par des hurlements, des grognements, des gémissements et des piaillements. Les balles que tirait sa mitrailleuse semblaient sortir en un flot rageur des profondeurs mêmes de son être ; il les sentait véritablement déchirer la chair des Guerriers qui s’écroulaient devant lui. À travers les cahots du char, il devinait l’écrasement des corps sous les chenilles.
Il risqua un regard sur Best ; le jeune héros, rivé aux commandes du tank et à sa mitrailleuse, montrait un visage crispé par une farouche détermination ; ses yeux bleus exprimaient une extase sauvage et totale. Leurs regards se croisèrent une seconde, et ils furent unis dans une communion de combattants, transfigurés ensemble dans une brume rouge, hors du temps et de la fatigue. À travers le métal du char, l’arme qu’ils partageaient, leurs âmes parurent s’amalgamer, se confondre dans une plus grande communion encore : la volonté raciale. Tout cela en un éclair, sans que leur être physique fût jamais distrait de sa tâche sacrée.
Les actes d’héroïsme de milliers et de milliers de soldats helders composaient une épée raciale de fanatisme surhumain et de gloire transcendante. Les motards S.S. en cuir noir bondissaient droit à la gueule des fusils ennemis, brisant des jambes puantes et poilues, écrasant des Guerriers avec leurs engins, abattant des dizaines de monstres sous leurs massues, alors même que les balles ennemies déchiraient leur propre chair. Les chars helders éperonnaient leurs rivaux zind, les renversaient, puis les incendiaient au lance-flammes. Les bombardiers semaient la mort sur l’ennemi ; les appareils endommagés piquaient délibérément sur les chars et les fourgons de Zind, disparaissant dans une lumière de gloire. L’infanterie motorisée abandonna les camions et se précipita dans la mêlée, vague après vague ; beaucoup furent anéantis, mais entraînèrent des milliers de Guerriers dans la destruction finale.
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