Les objets avec lesquels il la violente sont de plus en plus gros, elle a les cuisses couvertes de sang (il sent le sang couler de ses veines, maculer sa peau si douce)… et puis vient l’instant où son crâne heurte la tête de lit, et l’émetteur Micheline expire, littéralement, bruit blanc, et papa monte à califourchon sur le petit corps encore chaud.
Diem éjacule à en avoir mal au scrotum, puis il suit Kimbie Dee dans un couloir après sa séance de gym, sent l’eau chaude de la douche qui coule sur son corps, savoure chaque seconde de l’heure qui suit, durant laquelle le concierge défiguré lui cogne les seins, la viole avec un manche à balai, là, sur le carrelage glacial, l’étrangle avec son soutien-gorge pour étouffer ses cris déchirants – Diem ne cesse de jouir, encore et encore, son pénis va le faire souffrir pendant plusieurs jours –, le petit corps nu choit dans le vide, les yeux encore écarquillés de terreur, le nœud coulant se resserre… et il le sent qui l’étouffe, qui fait taire à jamais sa honte…
Et Diem jette DeLana par la fenêtre, sent le vent glacial qui caresse son corps nu, augmente encore la douleur qui irradie son crâne brisé… le trottoir fonce vers elle, elle ne sait pas ce qui va lui arriver…
Un éclair de douleur, et il est seul dans le noir.
Diem n’a plus une goutte de sperme dans les couilles, mais il tente encore de jouir, pousse un hurlement, se débat dans ses liens, a l’impression que son corps est écartelé. Et comme à son habitude, il s’évanouit et plonge dans un sommeil sans rêves, pour se réveiller une heure plus tard.
Il se détache et se redresse ; comme d’habitude, il commence par vaporiser de l’analgésique sur son pénis, puis le masse avec de l’onguent. À un moment donné, il a perdu le contrôle de sa vessie et s’est souillé ; il n’arrive jamais à se rappeler quand ça se produit, mais cela intensifie encore son plaisir.
La pièce est imprégnée d’une puanteur qu’il veut fuir, mais il est bien obligé de procéder lui-même au nettoyage ; il est épuisé, l’analgésique n’est pas une panacée, il est quasiment mort de honte et de soulagement, mais il doit consacrer une demi-heure à cette tâche.
Les draps se retrouvent dans le lave-linge, qu’il allume. Le sang, la merde, le sperme, la sueur, l’urine – tout ça va être évacué dans les égouts, mais ces draps se font vieux et certaines taches résistent au lavage.
Bon Dieu, jamais il ne s’est senti aussi épuisé, lessivé, mais il prend soin de ranger les bandes et de refermer l’armoire, puis il asperge de désinfectant le sofa, les lanières, les gadgets. Il est si fatigué qu’il lâche le seau, dont le contenu coule vers la bouche d’évacuation ; il se tourne vers le balai avec un air navré, puis se rappelle que le sol est imperméable – cela peut attendre la prochaine fois.
Enfin, la douche. L’eau chaude coule en abondance, le gel a une odeur merveilleuse ; il manque pleurer de contentement…
Mais cette nuit-là, comme cela ne se produit que rarement, en général après les séances les plus intenses, son esprit le tourmente. Pendant qu’il se frictionne le cuir chevelu, il repense au commencement, à l’époque où circulaient les premières bandes porno « en parallèle » ; Brittany Hardshaw était alors procureur, puis on l’avait élue Attorney General de l’Idaho.
Bon Dieu, qui a bien pu avoir cette idée ? Avec le recul, ça paraît évident… mais qui a pu imaginer ce concept ? Si les violeurs jouissent de leurs actes, c’est parce qu’ils ont conscience de ce qu’éprouvent leurs victimes – une des raisons pour lesquelles les enfants ayant subi des sévices en font subir à autrui une fois adultes –, de sorte que les amateurs de porno-violence sont encore plus excités lorsqu’ils peuvent se brancher simultanément sur le bourreau et sa victime.
C’est un génie des affaires qui a eu cette idée.
D’un autre côté, que dire de la configuration cérébrale des hommes comme… eh bien, comme lui-même, comme Harris Diem ? Il se frictionne le dos à coups de brosse, faisant virer sa peau à l’écarlate. Il ne se sent toujours pas propre, et il est si fatigué…
Tout a commencé parce qu’il était curieux, et qu’il lui était facile de copier les bandes confisquées. Avant cela, Diem s’était cru dépourvu de toute pulsion sexuelle – à la fac, il n’avait rien retiré de ses expériences, d’abord avec deux femmes puis avec un jeune garçon. Il préférait rester chez lui et se masturber, et avant de découvrir les expériences en parallèle, il n’entretenait aucun fantasme particulier… du moins consciemment…
Et voilà. Sans doute aurait-il dû consulter un analyste. Certains traitements sont paraît-il encourageants. Mais il lui aurait fallu confesser certaines choses, notamment que quelques-unes de ses expériences lui avaient été fournies par des violeurs…
Le pays aurait pu plus mal tomber, se dit-il. Brittany Lynn Hardshaw est l’un des dirigeants les plus efficaces de ces cinquante dernières années, et il n’est pas le seul à entretenir cette opinion : pour bien faire son boulot, il a dû apprendre à jauger les êtres humains à l’aune de leurs actes. Et même s’il venait à se méfier de son propre jugement, son opinion est partagée par les plus éminents des historiens et des politologues, y compris ceux du camp adverse.
Et nombre de gens savent que Hardshaw doit en partie sa réussite à son éminence grise…
Il s’assied dans sa douche et énumère ses réussites. Que ce soit de façon directe ou indirecte, il a procuré un logement à trois millions de SDF, un emploi à treize millions de chômeurs, un jugement équitable à deux ou trois millions de justiciables…
Durant son unique mandat au Congrès, il a fait voter la loi Diem, grâce à laquelle un millier de personnes ont été exécutées pour avoir produit des bandes semblables à celles de sa collection. Il a même veillé à ce que certains de ses fournisseurs soient identifiés par la police… souhaitait-il être capturé ? Ou bien n’en voulait-il qu’à ses frères en perversion ?
Il a toujours mal ; ses éjaculations à répétition, la pression du vagin artificiel sur son pénis, celle du gode dans son cul, tout cela lui donne la nausée. Il rampe jusqu’aux toilettes et vomit à plusieurs reprises, se retrouve sur le carreau, brisé, anéanti, tremblant de tous ses membres, la tête dans un étau.
Plus la séance est intense, plus la réaction est pénible. Le bourdonnement a disparu de son crâne, pour plusieurs semaines au moins, voire plusieurs mois. Mais il a été remplacé par autre chose.
Quelque chose qui refuse de partir ; il retourne sous la douche, lave son corps de ses vomissures, se sèche en hâte, enfile son peignoir. En temps normal, la douche lui fait l’effet d’un baptême, le purifie en dépit de sa souffrance ; mais il arrive que ça se passe mal.
Impossible de chasser cette idée de sa tête. Il remonte les marches, remet le fil ultramince en place, mémorise sa position pour la prochaine fois…
La prochaine fois. Mon Dieu. DC risque d’être emporté par un raz de marée, Diem sera l’un des derniers membres du gouvernement à évacuer la Maison-Blanche, il risque d’être tué comme ces malheureux Hawaiiens… mais ça n’a aucune importance : il doit s’assurer que sa forteresse restera inexpugnable. Personne ne doit savoir…
Il se force à détailler le fil, à évaluer l’angle qu’il fait avec l’horizontale. Si un intrus le casse, jamais il ne parviendra à le remettre dans la même position, et il sera averti de son passage…
Puis il sent ses jambes se dérober. Il sent monter un cri des profondeurs de son esprit. Il fait demi-tour, referme la porte, la verrouille, monte en courant l’escalier interdit aux domestiques, se retrouve dans sa chambre. Le peignoir s’envole pour atterrir sur son bureau, où se trouvent les trois livres dont il avait entamé la lecture avant que les choses ne se gâtent.
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