— Oui, ce serait sympa si vous m’embarquiez. Je vais à Ixtepec pour y prendre la zipline jusqu’à Oaxaca.
— Oaxaca est ma prochaine étape, et ensuite je me rends à Nogales via Mexico City. Si vous avez suivi les infos, vous savez qu’on conseille aux gens d’aller dans les montagnes, et j’ai un chalet près de Green River, dans l’Utah. Vous pouvez m’accompagner aussi longtemps que ça vous chante, du moins si nous arrivons à nous supporter mutuellement. Si on est encore ensemble à Oaxaca, on pourra y faire une halte pour récupérer vos affaires.
Elle se demande effectivement si elle pourra le supporter longtemps, mais elle répond :
— Mes affaires tiennent dans deux valises et mes parents habitent à Grand Junction. Je serais enchantée d’être votre passagère.
Puis, tel un galant homme dans un vieux film, il fait le tour de sa voiture et lui ouvre la porte en s’inclinant. Elle se laisse aller à lui sourire… en fait, elle est prête à fondre quand elle pense à la climatisation et au frigo bien rempli dont est sans doute équipée cette voiture. Dans d’autres circonstances, elle aurait honte de sa conduite.
Quelques minutes plus tard, ils dépassent le groupe d’étudiants mexicains.
— Je connais mal le pays et j’ai peur de faire une gaffe, dit son chauffeur. Pensez-vous que nous devrions les prendre en stop ?
— Surtout pas. Ils ont de sales têtes.
La voiture accélère, et Naomi ne peut s’empêcher de regretter que ses ex-compagnons de marche ne puissent pas la reconnaître derrière les vitres fumées.
— Je m’appelle Naomi, dit-elle.
— Et moi Éric. Il y a du jus d’orange dans le frigo, servez-vous donc – vous devez avoir soif et je parie que vous êtes trop polie pour le dire.
Alors qu’elle déguste sa boisson merveilleusement fraîche – et pense à ces crétins d’étudiants marchant sous un soleil de plomb –, elle déclare :
— Vous savez vous y prendre avec les dames, Éric. Vous êtes sûr que vous n’avez pas un bazooka planqué dans le coffre ?
Il se fend d’un sourire.
— L’argent est l’arme la plus efficace, c’est ce que je dis toujours.
Harris Diem aimerait parfois que la porte de sa cave s’ouvre sur un mur de ciment plutôt que sur une volée de marches. En fait, il vaudrait mieux qu’elle disparaisse, purement et simplement. Si cela venait à se produire, il aurait l’une des deux réactions suivantes : soit il pousserait un soupir de soulagement, soit il entendrait monter dans son crâne un cri perçant, un bourdonnement qui lui tarauderait l’esprit. La seconde hypothèse est sans doute la bonne, et il se retrouverait dans la même position que maintenant, prêt à faire des bêtises.
Mais si seulement il se sentait soulagé… si seulement. Cela paraît inimaginable.
Et la porte de sa cave est toujours là, bien entendu. Il a dit à ses collègues qu’il devait rentrer chez lui, qu’il était à bout de nerfs, et cela au moins était exact ; ce qu’il ne leur a pas dit, car cela ne les regarde pas, car cela aurait signifié sa perte, c’est de quelle façon il a l’intention de se détendre.
La porte de la cave se referme derrière lui et il pousse un petit soupir ; le fil ultramince qu’il tend en travers des marches, si fin qu’il est invisible à un œil non prévenu, est toujours en place. Le personnel d’entretien n’est pas descendu ici (un souci majeur), pas plus qu’un quelconque détective privé (un souci mineur).
Il descend l’escalier, allume l’éclairage tamisé de la pièce sans fenêtre et l’examine d’un regard satisfait ; il regrette l’existence de cette pièce, la nécessité qu’il a de s’y rendre, et pourtant il est ravi de pouvoir en jouir – l’argent et le pouvoir ont leurs avantages.
Le sofa est pourvu d’un harnais de sécurité au fonctionnement des plus discrets. Le casque est doublé de satin ; les accessoires en latex, dont la surface est équipée d’un stimulateur neural, sont du dernier cri ; les stimulateurs musculaires des menottes sont réglés au centième de newton.
Comme à son habitude, il ouvre le réfrigérateur, attrape une bouteille d’eau minérale et la vide d’un trait ; si tout se passe comme d’habitude, il en a pour trois bonnes heures et ne veut pas se retrouver déshydraté.
Il suspend son peignoir au crochet, se déshabille, fourre ses vêtements dans le sac dont il vient de sortir le peignoir. Celui-ci est propre comme un sou neuf, et il enfouit son visage dans le tissu, veillant à ne pas y frotter son pénis, où perle déjà une goutte.
Diem lâche le peignoir, qui retombe doucement contre le mur. Il va jusqu’au lave-linge et en extrait les draps, propres et secs depuis son dernier passage.
Il se dit une nouvelle fois qu’il n’est pas vraiment obligé de faire ça, qu’il peut encore décider de laisser tomber et de remonter dans sa chambre pour y passer une bonne nuit de sommeil ; puis il pivote sur lui-même et pose le pouce sur la serrure électronique de l’armoire.
La porte s’ouvre en grand et il contemple sa collection de bandes XV. La plupart d’entre elles sont rangées dans des boîtes blanches, sur lesquelles il a soigneusement inscrit des prénoms de femmes.
Ou plutôt de filles, se dit-il, et ce mot à lui seul suffit à le faire bander. « Allie » se trouve en haut à gauche, « Zulika » en bas à droite. Mais ce soir, il a envie de quelque chose de spécial. Après tout, il risque de connaître l’abstinence pendant un long moment, un très long moment si la situation dans le golfe du Mexique évolue comme il le craint – dans quelques jours, cette pièce aura peut-être disparu, et lui aussi.
L’adjectif « spécial » s’applique essentiellement à trois bandes. Kimbie Dee, Micheline et DeLana. Kimbie Dee est une adorable petite blonde de treize ou quatorze ans, son tortionnaire un vieux concierge au visage hideux qui la surprend seule sous la douche ; de bons moments en perspective. Micheline est un ange aux cheveux roux, encore impubère, qui a affaire à son propre père, sans que personne ne puisse entendre ses cris… Il se décide pour DeLana.
Elle est noire, et cela explique en partie sa décision. Si jamais il était pris, la police aurait-elle les moyens de savoir que c’est sa préférée ? Y aurait-il des répercussions sur le plan politique du fait qu’il s’agit d’une négrillonne ? Qu’est-ce qui serait le plus dommageable ? se demande-t-il. Le fait qu’un type d’origine vietnamienne aime violer les petites filles noires (bonjour la haine inter-ghettos) ou les petites filles blanches (bonjour le racisme anti-Jaunes) ?
Quoi qu’il en soit, il a envie de DeLana. Ensuite, il se fera Micheline, puis Kimbie Dee, et retour à DeLana. Il programme la lecture et s’allonge sur le sofa. Le gode va dans son anus, le vagin en latex se coule sur son pénis, le casque lui enveloppe la tête. Il boucle ses jambières et sa ceinture, puis se rallonge après s’être assuré que les lanières sont à portée de main. Gants, lunettes, serre-tête, les bras en position… prêt…
— Lecture, ordonne-t-il.
Il est DeLana, il est l’homme qui l’enlève en pleine rue. Il lui empoigne violemment les cheveux et savoure sa souffrance ; goûte le canon qu’elle engloutit dans sa bouche, sent son propre doigt trembler sur la détente, appelle sa maman au moment où il éjacule dans son anus. Il jouit de ses seins meurtris le lendemain, sourit de ses hématomes, sent sa résistance s’effriter lorsqu’il l’oblige à lécher son cul encore merdeux, le cul de son maître, sent la petite langue le nettoyer… et finalement… non, pas encore, cut…
Ah ! Micheline. Elle s’agite sous les couvertures, terrifiée, papa lui a déjà fait ça mais jamais avec une telle violence ; papa sent qu’elle tente de lui échapper…
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