Arkadi Strougatski - L'Escargot sur la pente

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L'Escargot sur la pente: краткое содержание, описание и аннотация

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Dans le roman « L’escargot sur la pente », la forêt est toujours présente mais le lieu de l’action s’est déplacé car le principal protagoniste fait partie de l’Administration chargée d’étudier et de gérer la forêt. Le « héros », Perets, est linguiste et a été embauché pour l’étudier bien qu’il n’ait pas l’autorisation de s’y rendre …
Les bâtiments de l’Administration sont situés sur un piton rocheux dominant la forêt qui s’étend jusqu’à l’horizon. Perets ne cesse de se heurter à la logique administrative pendant tout le roman d’où une impression de non-sens et d’absurde. L’un des passages les plus réussis est le moment où le Directeur fait une communication téléphonique à l’ensemble des employés de l’Administration (page 64 et suivantes). Perets a du mal à distinguer de quoi parle le Directeur car l’appareil qu’il porte à son oreille n’est pas le sien …
Ce roman est une dénonciation du pouvoir bureaucratique qui par nature engendre l’inefficacité, l’arbitraire et tend à transformer les êtres humains en machines. De plus la bêtise et l’alcoolisme se conjuguent pour rendre supportable la situation. Sans raison explicite, Perets finira par devenir lui-même Directeur et comprendra qu’à son nouveau poste, il doit donner des directives, peu importe lesquelles. Il donnera donc l’ordre aux membres du « Groupe de l’Eradication » de s’éradiquer eux-mêmes.
Roman sombre, « L’escargot sur la pente » montre que les Strougatski n’étaient pas dupes du système communiste dans lequel ils vivaient. S’ils ont dû parfois donner des gages au régime pour pouvoir continuer à publier, il est clair que chaque fois qu’ils l’ont pu, ils ont pris leurs distances avec lui.
Pendant une dizaine d’années, de la fin des années 50 à la fin des années 60, les écrivains soviétiques ont profité d’une relative liberté de parole qui a contrasté avec la période précédente marquée par le pouvoir de Staline et avec la période suivante inaugurée par une reprise en main générale à partir de 1969. D’autres livres des Strougatski subiront les foudres de la censure : les romans « La troïka » et « Les mutants du brouillard » écrits les mêmes années que « L’escargot sur la pente » seront interdits en URSS jusqu’à la chute du régime communiste. Pendant la « glaciation » brejnévienne, les Strougatski choisiront d’écrire des romans toujours intéressants mais moins dérangeants pour le régime plutôt que d’être contraints d’émigrer …

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Il s’éloigna avec sa mandoline et Perets resta assis а le regarder faire : il commença d’abord par essayer de ramer avec sa pelle, ce qui avait pour seul résultat de faire tourner le canot sur place, puis il se mit а se repousser avec la pelle, comme avec une perche, et tout alla bien. La lune l’inondait d’une lumière morte et il était comme le dernier homme après le dernier Déluge qui navigue entre les sommets des plus hautes maisons, très seul, cherchant а échapper а la solitude et encore plein d’espérance. Il arriva а l’automitrailleuse, fit sonner son poing sur le blindage, l’écoutille s’ouvrit et des gens parurent qui poussèrent des hennissements joyeux et le tirèrent la tête en bas а l’intérieur. Et Perets resta seul.

Il était seul, seul, comme peut l’être l’unique passager d’un train de nuit qui tire en hoquetant trois petits wagons élimés sur un embranchement promis а la disparition ; dans le wagon tout grince et chancelle, le vent souffle а travers les vitres brisées des fenêtres déjetées et apporte avec lui les poussières et l’odeur du charbon brûlé ; sur le plancher tressautent des mégots et des bouts de papier froissés, un chapeau de paille laissé lа par quelqu’un se balance а un crochet et quand le train arrivera enfin au terminus, l’unique voyageur descendra sur un quai vermoulu et il n’y aura personne pour l’attendre, il le sait, et il rentrera chez lui et lа fera cuire sur le fourneau une omelette de deux oeufs avec un bout de saucisson vieux de trois jours qui commence а moisir …

Soudain l’automitrailleuse trembla, se mit а cogner et fut illuminée par les brusques lueurs d’explosions spasmodiques. Des centaines de fils brillants et multicolores se mirent а courir au-dessus de la plaine et la lueur des explosions jointe au faible éclat de la lune permit de distinguer sur le miroir lisse du marais des cercles qui s’élargissaient а partir de l’automitrailleuse. Quelqu’un en blanc parut а la tourelle et déclama sur un ton hystérique :

« Messieurs ! Mesdames ! Salut des Nations ! Avec le plus parfait respect, Votre Splendeur, j’ai l’honneur de rester, très vénérable princesse Dikobella, votre très humble serviteur, technicien-préposé, signature illisible … ‘

L’automitrailleuse trembla а nouveau, il y eut les éclairs des détonations, puis а nouveau le silence.

« Je lвcherai sur vous des lianes dont on ne se défait pas, et votre famille sera balayée par la jungle, les toits s’effondreront, les poutres crouleront, et l’ortie, l’ortie amère envahira vos maisons » — pensa Perets.

La forêt avançait, grimpait le long de la corniche, escaladait le rocher abrupt, précédée par des vagues de brouillard lilas d’où émergeaient des myriades de tentacules verts qui pressaient et tordaient, tandis que dans les rues s’ouvraient les cloaques, que les maisons s’engloutissaient dans les lacs insondables et que les arbres sauteurs surgissaient sur les pistes d’envol bétonnées devant les avions bourrés а craquer de gens empilés pêle-mêle avec les bouteilles de kéfir, les cartons griffés, les coffres-forts lourds — et la terre s’écartait sous le rocher, et l’aspirait. Ce serait si logique, si nature], que personne ne serait étonné, tout le monde serait seulement effrayé et accepterait l’anéantissement comme le chвtiment que chacun attendait déjа depuis longtemps dans l’effroi. Et le chauffeur Touzik courrait comme une araignée au milieu des cottages chancelants et chercherait Rita pour avoir а la fin son dû, mais ne l’aurait pas …

Trois fusées s’élancèrent de l’automitrailleuse et une voix militaire rugit : « Les tanks, а droite, le couvert, а gauche ! Equipage, sous le couvert ! » Et quelqu’un qui avait un défaut de langue reprit : « Les femmes, а gauche, les lits, а droite ! Eq-quipage, aux lits ! » II y eut des hennissements et des bruits de galop qui n’avaient plus rien d’humain, comme si un troupeau d’étalons de race était en train de se battre dans cette boîte de fer а la recherche d’une issue vers l’espace, vers les juments. Perets ouvrit la portière et regarda а l’extérieur. Sous ses pieds se trouvait la fange, une épaisse couche de fange puisque les roues monstrueuses du camion s’enfonçaient jusqu’au moyeu dans le liquide gras. Il est vrai que la rive était proche.

Perets grimpa dans la caisse et marcha longtemps pour atteindre l’arrière de cette immense cuve d’acier qui grondait sous ses pas, puis il escalada la ridelle et descendit jusqu’а l’eau par l’une des innombrables échelles. Il resta quelque temps au-dessus du liquide glacé а rassembler tout son courage, mais quand la mitrailleuse se remit а tirer il plissa les paupières et sauta. La masse visqueuse céda sous lui, longtemps, pendant une infinité de temps, et quand enfin il sentit un sol résistant sous ses pieds, lu boue lui arrivait а la poitrine. Il s’allongea de tout son long sur la boue et commença а pousser avec ses genoux en prenant appui avec ses mains. Au début il ne fit que rester sur place, puis il s’adapta et fut très étonné de se retrouver rapidement sur la terre ferme.

« J’aimerais bien trouver des gens quelque part, pensa-t-il. Juste des gens, pour commencer : propres, bien rasés, attentifs, accueillants. Pas besoin de grandes envolées de pensées, pas besoin de talents étincelants. Pas besoin de buts grandioses ni de dégoût de soi. Je voudrais seulement qu’ils joignent les mains en me voyant et que quelqu’un coure me remplir une baignoire, que quelqu’un coure chercher du linge propre et préparer la théière, et que personne ne me demande de papiers ni ne me réclame une autobiographie en trois exemplaires complétée par vingt empreintes digitales doublées. Et surtout que personne ne se précipite au téléphone pour dire confidentiellement а qui de droit qu’un inconnu est arrivé, plein de boue, qu’il se nomme Perets, mais qu’il est peu probable que ce soit vraiment Perets, puisque Perets est parti sur le Continent, que la note de service а ce propos est déjа prête, et qu’elle sera affichée demain … Pas besoin non plus qu’ils soient des farouches partisans ou des adversaires résolus de quoi que ce soit. Pas besoin qu’ils soient des adversaires résolus de l’ivrognerie, du moment qu’ils ne sont pas eux-mêmes des ivrognes. Pas besoin qu’ils soient des farouches partisans de la mère-vérité, pourvu qu’ils ne mentent pas et ne disent pas d’horreurs, par-devant ou par-derrière. Et qu’ils ne demandent pas а un homme de correspondre pleinement а tel ou tel idéal, mais qu’ils le prennent tel qu’il est … Mon Dieu, se dit Perets, c’est possible que je veuille tant de choses ? »

II s’avança sur la route et chemina longtemps vers les lumières de l’Administration. Lа-bas, des projecteurs ne cessaient de s’allumer, des ombres couraient, des fumées multicolores s’élevaient. L’eau grognait et clapotait dans ses souliers, ses vêtements qui avaient commencé а sécher l’enserraient comme dans une boîte et bruissaient comme du carton, de temps en temps des plaques de boue se détachaient de son pantalon et s’écrasaient sur la route, et а chaque fois il croyait avoir perdu son portefeuille avec ses papiers — il mettait alors la main а sa poche, pris de panique. Et en arrivant au dépôt de matériel, une idée angoissante lui traversa l’esprit : ses papiers étaient mouillés, et tous les tampons et signatures s’étaient répandus et étaient devenus illisibles, irrémédiablement suspects. Il s’arrêta, ouvrit avec ses mains glacées son portefeuille, en sortit tous les certificats, tous les laissez-passer, toutes les attestations, tous les permis et entreprit de les examiner sous la lune. En fait, rien de terrifiant ne s’était produit et l’eau n’avait endommagé qu’un certificat sur papier armorié qui attestait а grand renfort de termes que le porteur de la présente avait subi la série des vaccinations et avait été autorisé а travailler sur les machines а calculer. Il remit alors tous les documents dans son portefeuille, les glissant soigneusement entre les billets et s’apprêtait а repartir quand soudain il se vit arrivant dans la rue principale : les gens avec leurs masques de carton et leurs barbes collées de travers qui l’attrapent par le bras, qui lui bandent les yeux, qui lui donnent quelque chose а flairer, qui lui ordonnent : « Cherche ! Cherche ! » et qui lui disent : « Vous vous souvenez de l’odeur, employé Perets ? », et qui l’excitent : « Ksss, ksss, imbécile, cherche ! » A cette idée, sans s’arrêter, il quitta la route et se mit а courir, plié en deux, vers le dépôt de matériel, plongea dans l’ombre des énormes caisses de bois clair, s’empêtra les jambes dans quelque chose de mou et finit sa course sur un tas de chiffons et d’étoupe.

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