James Ballard - La forêt de cristal

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La forêt de cristal: краткое содержание, описание и аннотация

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Des arbres entièrement cristallisés, des feuilles transformées en joyaux, des oiseaux sculptés dans du quartz, des hommes recouverts de pierres précieuses… et heureux dans la mort…
C’est ce que recèle la forêt de cristal où l’unité du temps et de l’espace sont la signature de chaque feuille et de chaque fleur.
Une « science-fiction » d’une beauté fantastique, qui nous révèle un univers où le temps a une dimension inversée et où la mort semble plus séduisante que la vie.

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— Ça va, il est parti.

Sanders hésita avant de bouger. Il observa les arbres au bord de la pelouse, essayant de montrer le moins possible de lui-même. Au fond de la pelouse, encadré par deux chênes, un belvédère blanc avait été métamorphosé par le gel en une énorme couronne de cristal. Ses châssis de verre scintillaient comme des bijoux enchâssés, on eût dit que quelqu’un bougeait derrière eux. Cependant Ventress restait en vue, debout devant la fenêtre et étudiait la scène au-dessous de lui.

— Était-ce Thorensen ? demanda Sanders.

— Bien entendu. Cette brève passe d’armes paraissait avoir détendu Ventress. Le fusil mollement posé dans le creux de son coude, il se promena autour de la chambre, s’arrêtant par moments pour inspecter le trou laissé par la balle dans le plafond. Pour quelque obscure raison, il semblait persuadé que Sanders était de son côté dans ce duel, peut-être parce que le médecin l’avait déjà sauvé à Port Matarre. Les actes de Sanders, cependant, n’avaient guère été que des réflexes, Ventress ne pouvait l’ignorer, et il n’était point homme à se croire l’obligé d’un autre, quoi qu’il ait pu faire pour lui. Sanders se dit qu’en réalité Ventress avait senti entre eux quelques affinités pendant leur voyage en bateau depuis Libreville et que sa sympathie ou son hostilité devaient être souvent fondées sur ces rencontres de hasard.

Dans le belvédère, les mouvements avaient cessé. Sanders sortit de sa cachette derrière la fenêtre.

— Ce sont des hommes de Thorensen qui vous ont attaqué à Port Matarre ?

— Vous pourriez bien avoir raison, docteur, fit Ventress avec un haussement d’épaules. Mais ne vous inquiétez pas, je vous protégerai.

— Vous aurez fort à faire car ces tueurs ne plaisantaient pas. D’après ce que m’a dit le capitaine au camp de base, les compagnies minières ne se laisseront arrêter par rien.

Ventress hocha la tête, exaspéré par l’incompréhension de Sanders.

— Docteur ! Vous persistez à découvrir les raisons les plus banales… Vous n’avez évidemment aucune idée de vos motifs réels. Pour la dernière fois, ce ne sont pas les maudites mines de diamants de Thorensen qui m’intéressent. Thorensen ne s’y intéresse pas non plus. Ce qu’il y a entre nous — il s’arrêta, regarda d’un air vague à travers la fenêtre, son visage montrant pour la première fois des signes de fatigue. D’une voix égarée, comme se parlant à lui-même, il continua : « Croyez-moi, j’ai du respect pour Thorensen. Aussi fruste qu’il soit, il comprend que nous avons le même but, et que ce n’est qu’une question de méthode — Ventress alors se détourna. Il vaut mieux que nous partions à présent, déclara-t-il. Il n’y a plus aucune raison de rester. Où allez-vous ? »

— À Mont Royal, si c’est possible.

— Mais ce ne sera pas possible. Ventress montra la forêt par la fenêtre. Le centre de l’orage est exactement entre la ville et l’endroit où nous sommes. Votre seul espoir est d’atteindre le fleuve et de le suivre jusqu’au camp de base de l’armée. Qui cherchez-vous ?

— Un ancien confrère à moi et sa femme. Connaissez-vous l’hôtel Bourbon ? C’est à quelque distance de la ville. L’hôpital de la mission est près de cet hôtel.

— Bourbon ? Le visage de Ventress se plissa. Vous vous trompez de siècle, vous voilà de nouveau hors du temps, Sanders. Il se dirigea vers la porte. C’est une vieille ruine, au diable vauvert. Il faudra que vous restiez avec moi jusqu’à ce que nous ayons atteint l’orée de la forêt. Après vous pourrez essayer de retourner au camp.

Tâtant chaque marche du pied, ils descendirent l’escalier cristallisé. À mi-chemin, Ventress qui marchait en avant, s’arrêta et fit signe à Sanders d’avancer.

— Mon revolver. Il tapa sur l’étui suspendu à son épaule. Je vous suis, regardez si on voit quelque chose de la porte.

Il revint sur ses pas et Sanders traversa la grande salle vide. Il s’arrêta au milieu des piliers de pierres précieuses, peu pressé, malgré les instructions de Ventress, de s’exposer à servir de cible dans la large porte du portique à colonnes. Du centre de la salle, le jardin et les arbres paraissaient silencieux. Il se tourna, attendit au milieu des piliers, près de l’alcôve à sa gauche. Des douzaines de reflets de lui-même brillaient dans les murs et les meubles gainés de verre.

Sanders leva involontairement les mains pour saisir les arcs-en-ciel de lumière autour de son costume et de son visage. Une légion d’El Dorado, ayant tous ses traits, reculaient dans les miroirs, il n’eût jamais pu espérer tant d’images de lui-même en homme de lumière. Il étudia son reflet de profil, remarquant à quel point les bandes de couleur adoucissaient ses traits tendus, la ligne de sa bouche, de ses yeux, estompant les traces du temps qui avaient durci les tissus comme les écailles mêmes de la lèpre. Un instant il parut de vingt ans plus jeune, avec ces teintes rosées étalées sur ses joues plus habilement que ne l’eût fait un Titien ou un Rubens.

Il se mit alors à observer l’image en face de lui et il remarqua avec surprise qu’au milieu de ces reflets prismatiques de lui-même réfractés par le soleil il avait découvert un jumeau à la peau plus sombre. Le profil et les traits étaient vagues, mais la peau avait presque la couleur de l’ébène et reflétait les bleus et violets mouchetés de l’autre extrémité du spectre. Menaçant au milieu de ces hommes de lumière, le sombre personnage restait immobile la tête détournée comme s’il eût été conscient de son aspect négatif. Dans sa main baissée, une lance de lumière argentée luisait comme une étoile dans un calice.

Sanders bondit brusquement derrière le pilier à sa gauche, tandis que le Noir caché dans l’alcôve se précipitait sur lui. Le couteau passa comme un éclair devant le visage de Sanders, sa blanche lumière plongeant parmi les reflets tournant tels des soleils ivres autour des deux hommes et des couleurs jaillissaient en flots de sang de leurs bras et de leurs jambes. Sanders envoya un coup de pied à la main du Noir ; il l’avait plus ou moins reconnu, c’était un des tueurs qu’il avait vus sur les passerelles de Port Matarre. Le Noir s’accroupit, son visage aigu, osseux presque entre ses genoux, et leva son couteau. Sanders recula vers l’escalier et aperçut alors le grand mulâtre en chemise de toile qui le guettait derrière une bibliothèque du salon, un pistolet automatique dans sa main coupée d’une cicatrice. Le gel donnait à son visage sombre une étrange luminosité.

Avant que Sanders pût crier, avertir Ventress, un coup partit, siffla dans l’air au-dessus de sa tête. Il se courba, vit le Noir au couteau tomber, se tordre de douleur. Le lacis troué dans le mur derrière lui glissa et se brisa sur un divan. Le Noir réussit à se relever et courut à travers l’entrée comme un animal blessé. Un second coup le suivit de l’escalier et Ventress descendit de son observatoire derrière la rampe. Son visage tendu caché derrière la crosse de son fusil, il fit signe à Sanders d’aller de l’entrée au salon. Le mulâtre caché derrière la bibliothèque traversa la pièce en courant, tira une fois en s’arrêtant sous le lustre et l’impact de l’explosion fit tomber en averse de lumière sur sa tête rasée les pendeloques de cristal taillé. Il cria quelque chose à un homme de haute taille vêtu d’une veste de cuir, debout devant le mur du fond. L’homme ouvrait un coffre-fort au-dessus de la cheminée décorative.

Le mulâtre le protégea en tirant à travers la porte. L’homme près du coffre-fort en sortit une boîte de métal tandis que Ventress renversait le porte-habits d’acajou en travers de la porte. La boîte métallique tomba et des douzaines de rubis et de saphirs s’éparpillèrent aux pieds de l’homme en veste de cuir. Sans se soucier de Ventress qui essayait de tirer sur le mulâtre, il se pencha, ses grosses mains ramassèrent une poignée de pierres précieuses. Ensuite, le mulâtre et lui tournèrent les talons, coururent vers les portes-fenêtres, brisant de leurs épaules les châssis légers.

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