Arthur Clarke - Les enfants d'Icare

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Les enfants d'Icare: краткое содержание, описание и аннотация

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« Il se trouvait à un moment où l’Histoire retient son souffle, où le présent se détache de ce qui a été… Toutes les réussites du passé se trouvaient réduites à néant, mais une seule pensée revenait inlassablement dans l’esprit de Reinhold comme un écho tenace : désormais l’homme n’était plus seul dans l’univers. »
L’astronef étranger s’était posé sur Terre et nul ne l’avait vu arriver. Maintenant qu’il était là, plus rien ne serait comme avant. Sans se montrer, ses occupants ne tardent pas à imposer leur volonté à l’homme. Ils exigent et obtiennent le désarmement général.
L’action des Suzerains est incontestablement bénéfique et cependant un doute terrible subsiste… Pourquoi aucun humain n’a-t-il pu les apercevoir ? L’existence de l’humanité n’est-elle pas menacée ?

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— Papa, lui dit-il au moment d’aller se coucher, tu connais le Suzerain qui nous a rendu visite ?

— Oui, grommela George.

— Tu sais qu’il est venu nous voir à l’école ? Je l’ai entendu causer à des profs. Je n’ai pas très bien compris ce qu’il leur racontait mais je crois que j’ai reconnu sa voix. C’est lui qui m’a dit de courir quand la grande vague s’est amenée.

— Tu en es certain ?

Jeff hésita un instant.

— Pas tout à fait. Mais si ce n’était pas lui, c’était un autre Suzerain. Je me suis demandé si je ne devais pas le remercier. Mais, il est reparti, n’est-ce pas ?

— Malheureusement, oui. Mais peut-être que l’occasion se représentera plus tard. À présent, va te coucher et n’y pense plus.

Quand Jeff fut au lit et qu’elle se fut occupée de Jenny, Jean revint et s’assit sur le tapis, adossée aux jambes de George. Celui-ci trouvait que cette habitude était d’un sentimentalisme exaspérant, mais cela ne méritait pas qu’on en fasse tout un plat et il se contenta de rendre ses genoux aussi accueillants que possible.

— Alors, qu’en penses-tu ? demanda Jean d’une voix lasse et monocorde. Tu crois que c’est vrai ?

— C’est vrai, mais nous sommes peut-être idiots de nous tracasser. Après tout la plupart des parents seraient reconnaissants – et je le suis, bien sûr. Il se peut que l’explication soit d’une simplicité enfantine. Les Suzerains s’intéressent à la Colonie, nous le savons, et il n’est pas douteux qu’ils l’épient avec leurs instruments en dépit de leur promesse. Suppose que l’un d’eux ait justement été en train d’observer à l’aide de ces espèces de jumelles et qu’il ait vu la vague arriver. Quoi de plus naturel que de prévenir une personne en danger ?

— Mais n’oublie pas qu’il connaissait le nom de Jeff. Non, ils nous espionnent. Nous avons quelque chose de particulier, quelque chose qui retient leur attention. Je le sens depuis cette soirée chez Rupert. C’est drôle comme elle a changé nos deux existences.

Il y avait de la sympathie dans le regard dont George enveloppa sa femme mais rien de plus. Bizarre comme on peut changer en si peu de temps, se disait-il. Il avait de la tendresse pour Jean : elle avait porté ses enfants et elle faisait partie de sa vie. Mais que restait-il de l’amour qu’un personnage nommé George Greggson dont il ne conservait qu’un souvenir flou avait autrefois porté à un rêve estompé nommé Jean Morrel ? Son amour se partageait désormais entre Jeff et Jennifer d’une part – et Carolle d’autre part. Il ne pensait pas que Jean fût au courant pour Carolle et il avait l’intention de lui en parler avant qu’un tiers la mette au courant. Mais il n’avait encore jamais pu s’y décider.

— Très bien ! On surveille Jeff – on le protège, en fait. Ne crois-tu pas que cela devrait nous remplir de fierté ? Peut-être que les Suzerains lui ont préparé un destin prestigieux. Je me demande bien lequel…

Il disait cela pour rassurer Jean. Pour ce qui était de lui, il n’était pas follement troublé. Intrigué et déconcerté, c’était tout. Mais une idée nouvelle germa soudain dans son esprit, une idée qu’il aurait dû avoir depuis longtemps. Il tourna machinalement les yeux vers la chambre des enfants.

— J’aimerais savoir si c’est seulement à Jeff qu’ils s’intéressent, murmura-t-il.

L’Inspecteur présenta son rapport sans délai. Les insulaires lui avaient montré beaucoup de choses. Tous les chiffres, toutes les données avaient été introduits dans les insatiables mémoires des grands ordinateurs qui représentaient une partie – une partie seulement – de l’invisible puissance dont Karellen n’était que le prolongement. Toutefois, avant même que ces cerveaux électroniques impersonnels fussent parvenus à leurs conclusions, l’Inspecteur avait soumis à qui de droit ses propres recommandations. Exprimées dans le langage des humains, elles auraient été formulées comme suit :

« Il est inutile d’entreprendre quelque action que ce soit en ce qui concerne la Colonie. C’est une expérience digne d’intérêt mais qui ne saurait d’aucune façon affecter l’avenir. Ses activités artistiques nous laissent indifférents et rien n’indique que des recherches scientifiques touchant à des domaines dangereux soient en cours.

« Comme prévu, j’ai pu prendre connaissance du dossier scolaire du Sujet Zéro sans éveiller la curiosité de mes interlocuteurs. Ci-joint les données statistiques le concernant. Elles ne révèlent aucun indice de développement atypique. Nous savons, toutefois, qu’il est rare que la Percée donne un préavis.

« J’ai aussi rencontré le père du Sujet. J’ai eu l’impression qu’il voulait me parler. J’ai heureusement réussi à éviter la confrontation. Il est hors de doute qu’il soupçonne quelque chose bien qu’il soit incapable de deviner la vérité ni d’influer sur le résultat.

« J’ai de plus en plus de peine pour ces gens. »

George Greggson aurait confirmé le verdict de l’Inspecteur déclarant que le comportement de Jeff n’avait rien d’anormal. Il n’y avait eu que cet unique incident déconcertant, tel un coup de tonnerre brisant le calme d’une longue journée. Après cela, plus rien.

Jeff avait le dynamisme et la curiosité de n’importe quel gosse de sept ans. Il était intelligent – quand il voulait s’en donner la peine – mais il n’y avait aucun risque qu’il devienne un génie. Jean se disait parfois en soupirant qu’il répondait admirablement à la définition bien connue du petit garçon : « Beaucoup de bruit enveloppé de poussière. » Il se montrait tantôt affectueux et tantôt renfermé, tantôt réservé et tantôt plein d’effervescence. Il ne manifestait pas de préférence pour l’un de ses parents plutôt que pour l’autre et la naissance de sa petite sœur n’avait pas suscité le moindre symptôme de jalousie. Il était d’une santé à toute épreuve : il n’avait jamais été malade un seul jour. Mais en cette époque et sous un pareil climat, cela n’avait rien d’insolite.

Contrairement à d’autres garçons, la compagnie de son père ne lui pesait pas et il ne jouait pas des pieds et des mains pour s’éclipser afin de retrouver des camarades de son âge. Il avait de toute évidence hérité des talents artistiques de George et dès qu’il avait commencé à marcher, ou presque, il était devenu un habitué des coulisses du théâtre de la Colonie. En vérité, on l’avait adopté en tant que mascotte officieuse et il était passé maître en l’art d’offrir des bouquets aux célébrités de la scène et de l’écran en visite.

Oui, Jeff était un petit garçon tout à fait ordinaire. Cette idée réconfortait George quand il se promenait à pied ou à bicyclette avec lui. Ils parlaient comme les pères et les fils parlent entre eux depuis le commencement des temps – à ceci près qu’il y avait désormais beaucoup plus de sujets de conversation. Bien que Jeff n’eût jamais quitté l’île, l’œil ubiquiste de la télévision lui permettait de voir tout ce qu’il avait envie de voir du monde extérieur. Comme tous les colons, il nourrissait un vague mépris à l’endroit du reste de l’humanité. Les insulaires étaient l’élite, le fer de lance du progrès. Ils conduiraient l’Humanité jusqu’aux cimes que les Suzerains avaient atteintes – peut-être même plus loin encore. Ce n’était pas pour demain, certes, mais un jour…

Ils ne se doutaient pas que ce jour ne viendrait que trop tôt.

18

Les rêves commencèrent six semaines plus tard.

George Greggson émergea lentement à la conscience dans l’obscurité de la nuit subtropicale. Il ne savait pas ce qui l’avait réveillé et il resta quelques instants immobile, plongé dans l’hébétude. Soudain, il se rendit compte qu’il était seul. Jean s’était levée et était allée sans bruit dans la chambre des enfants. Elle parlait à Jeff à voix basse – trop basse pour que George entende ce qu’elle disait.

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