C’était ce qu’il s’efforçait de faire maintenant. Il commença à étudier le dossier sans inscription.
Garsch passa la tête à travers la porte.
— Encore au bureau ? Où est l’urgence, fiston ?
— Jim, où puis-je trouver dix hommes honnêtes ?
— Comment ? Diogène se contentait d’en chercher un seul. Ce qui n’était déjà pas une mince affaire.
— Tu sais ce que je veux dire : dix hommes honnêtes capables d’occuper le poste de directeur planétaire pour Rudbek. – Thorby ajouta en son for intérieur. – Et admissibles pour la Division « X ».
— Je vais t’en dire un.
— Tu vois une autre solution ? Chacun va remplacer un directeur dans le secteur visé. Nous réintégrerons les autres chez nous, car nous ne pouvons pas les renvoyer, nous ne savons pas. Mais les hommes à qui nous pouvons faire confiance seront informés sur le fonctionnement du trafic des esclaves et sur ce qu’il doit rechercher.
Garsch haussa les épaules.
— Nous ne pouvons pas faire plus. Mais n’imagine pas que tu vas y arriver d’un coup. Nous n’arriverons jamais à trouver autant de personnes qualifiées en une fois. Maintenant, écoute, fiston, tu ne vas rien résoudre ce soir, même si tu passes toute la nuit à contempler ces noms. Quand tu seras aussi âgé que moi, tu sauras que tu ne peux pas tout faire en même temps, à moins de te tuer d’abord. De toute façon, on finit par mourir et quelqu’un d’autre doit continuer le travail. Tu me rappelles celui qui avait décidé de compter les étoiles. Il avait beau compter, de nouvelles étoiles surgissaient constamment. Alors il est allé à la pêche. Tu devrais le faire de temps en temps.
— Jim, pourquoi as-tu accepté de venir ici ? Tu ne quittes pas le travail avec les autres.
— Parce que je suis un vieil idiot. Il fallait bien que quelqu’un te donne un coup de main. J’étais peut-être content de taper sur un trafic aussi répugnant que celui des esclaves. C’est ma façon de le combattre, je suis trop vieux et trop gros pour le faire autrement.
Thorby secoua la tête.
— C’est bien ce qu’il me semblait. Je connais une autre manière, mais, bon sang, je suis tellement occupé ici avec ce que je dois faire, que je n’ai pas le temps de faire ce que je devrais faire… Et jamais pour ce que je veux faire !
— Ça, fiston, c’est universel. Le seul moyen d’empêcher cette formule de te tuer, c’est de faire parfois ce que tu veux. En d’autres termes, tout de suite. Tu as encore tout demain… Maintenant tu vas venir avec moi manger un sandwich et regarder des jolies filles.
— Je vais faire monter le dîner.
— Certainement pas. Même un vaisseau a besoin de retourner au chantier pour son entretien. Allez, viens.
Thorby regarda la pile de documents.
— D’accord.
Le vieil homme mâchonnait son sandwich, buvait sa bière en regardant les jolies filles, avec un sourire de plaisir innocent. Elles étaient vraiment belles. Rudbek City attirait les talents les mieux payés dans le milieu du spectacle.
Mais Thorby ne les voyait pas. Il réfléchissait.
On ne peut pas se dérober aux responsabilités. Un capitaine ne peut le faire, ni un officier chef. Mais il ne voyait pas comment il arriverait à rentrer dans la division de Pop, s’il continuait ainsi. Mais Jim avait raison. Ici aussi on pouvait combattre ce sale trafic.
Même si cette manière ne lui plaisait pas ? Oui, le colonel Brisby avait dit une fois à propos de Pop : « Cela signifie se consacrer entièrement à l’idéal de liberté, accepter de renoncer à la sienne… Etre mendiant… Ou esclave… Ou mourir, au nom de la liberté. »
Oui, Pop, mais je ne sais pas faire ce travail. Je le ferais… Je m’efforce de le faire. Mais je tâtonne. Je n’ai aucun talent pour cela.
— Ridicule ! répondit Pop. Tu peux apprendre n’importe quoi, si tu t’appliques vraiment. Tu vas l’apprendre même si je dois te l’enfoncer à coups de poing dans ta tête de linotte !
Quelque part derrière Pop, Grand-mère, d’un air sévère, acquiesçait en hochant la tête. Thorby lui fit un signe.
— Oui, Grand-mère. D’accord, Pop. Je vais essayer.
— Tu feras plus qu’essayer !
— J’y arriverai, Pop.
— Mange ton dîner.
Thorby chercha docilement sa cuillère, puis s’aperçut qu’il avait un sandwich à la place d’un bol de ragoût. Garsch s’adressa à lui.
— Qu’est-ce que tu marmonnes ?
— Rien. Je viens de prendre une décision.
— Arrête de réfléchir cinq minutes et regarde autour de toi. Il y a un temps et un lieu pour tout.
— Tu as raison, Jim.
— Bonne nuit, fiston, murmura le vieux mendiant. Fais de beaux rêves… Et bonne chance !
Fin
En français dans le texte original.
En français dans le texte original.