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Robert Heinlein: Route de la gloire

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Robert Heinlein Route de la gloire

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Je n'étais pas très chaud pour partir en colonie de vacances dans le Sud-Est asiatique, mais on ne m'avait pas donné le choix. Enfin, à mon retour, j'avais une belle cicatrice toute neuve sur la figure et un billet de Sweepstake gagnant dans la poche grâce auquel j'ai rencontré la plus belle sorcière des Vingt Univers. C'est là que mes ennuis ont commencé : je me suis retrouvé dans un monde parallèle, à pourchasser des rats gros comme des loups, des dragons cracheurs de feu (évidemment), et même un Ogre, tout en essayant d'échapper aux Fantômes à Longues Cornes et autres Ecumeurs des Eaux Glacées. Sans compter Celui-Qui-N'a-Jamais-Vu-Le-Jour et Celui-Qui-Dévore-Les-Âmes. Et tout ça pour récupérer un oeuf de Phénix… Vous allez dire que je ne suis jamais content, mais vous ne croyez pas qu'il y a de quoi vous faire regretter notre bonne vieille Terre, Sud-Est asiatique ou pas ? Et encore, je ne vous raconte pas tout !

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Rufo, avait froncé les sourcils. « La femme américaine-type est certaine d’être un génie en tant que couturière, décoratrice, cuisinière, et, toujours, en tant que courtisane. Elle se trompe en général pour ces quatre qualités. Mais n’essayez surtout pas de le lui dire. »

Il avait ajouté : « Sauf si vous pouvez en attraper une qui n’ait pas dépassé douze ans, et que vous puissiez l’isoler, surtout de sa mère, et ce sera peut-être même trop tard. Mais comprenez-moi bien, toute médaille a son revers d’ailleurs. Les mâles américains sont aussi convaincus d’être de grands guerriers, de grands hommes d’état, et de grands amants. Et l’expérience prouve qu’ils se trompent tout autant que leurs femmes. Plus peut-être. Pour parler historico-culturellement, il y a de fortes preuves que l’Américain mâle, plus encore que la femelle, a, dans votre pays, tué le sexe. »

— « Que puis-je y faire ? »

— « Allez de temps à autre en France. Les Françaises sont presque aussi ignorantes et presque aussi vaniteuses mais sont souvent capables d’apprendre. »

Quand mon avion atterrit, je chassai ce sujet de mon esprit car j’avais l’intention de vivre un certain temps en anachorète. J’ai appris dans l’armée qu’il est plus facile de supporter la privation sexuelle que la faim ; j’avais donc fait des projets très sérieux.

J’avais décidé d’être le type sérieux, carré que je suis naturellement, de travailler dur et d’avoir un but dans la vie. J’aurais pu profiter des comptes en banque que j’avais en Suisse pour faire le play-boy. Malheureusement, j’avais déjà été un play-boy, et cela ne m’avait pas convenu.

J’avais connu la plus grande ribotte de toute l’Histoire, une ribotte que je n’aurais pas crue possible si je n’avais pas ramassé un tel butin. Il était maintenant temps de dételer et de rejoindre l’association des Héros-Anonymes. C’est très bien d’être un héros, mais un héros à la retraite… c’est d’abord ennuyeux, puis ensuite cela devient misérable.

J’ai commencé par Caltech. Je pouvais maintenant m’offrir ce qu’il y avait de mieux et le seul rival de Caltech c’est l’endroit où ils ont essayé de mettre le sexe totalement hors la loi. J’avais assez vu ce triste cimetière, en 1942-1945.

Le doyen des admissions ne se montra pas très encourageant : « Mr. Gordon, vous savez que nous en refusons plus que nous n’en acceptons ? Ce n’est pas que nous n’accordions pas vraiment foi à vos états de service. Il n’y a rien à dire sur vos études précédentes, – et nous aimons donner leur chance aux anciens combattants, – mais cette école a un niveau très élevé. Autre chose, vous ne trouverez pas la vie bon marché à Pasadena. » Je lui dis que je serais heureux d’être à la place que je méritais, puis je lui montrai un relevé de mon compte en banque (d’un seul) et lui offris de lui faire un chèque pour couvrir les droits d’une année. Il ne voulut pas le prendre mais il s’adoucit. Je partis en ayant l’impression que l’on pourrait trouver une place pour E.C. « Oscar » Gordon.

J’allai en ville et je commençai les formalités pour devenir légalement « Oscar » au lieu d’« Evelyn Cyril ». Puis je cherchai une situation.

J’en trouvai une à Valley, comme jeune dessinateur d’un service ou d’une subdivision d’une corporation qui fabriquait des pneus, des machines alimentaires et d’autres objets, y compris, dans mon service, des fusées. Cela faisait partie du plan de réhabilitation Gordon. Quelques mois derrière une planche à dessin me remettraient dans le bain et j’avais en outre l’intention de suivre des cours du soir pour me perfectionner. Je trouvai un appartement meublé à Sawtelle et achetai une Ford d’occasion pour mes déplacements.

À ce moment, je me sentis enfin libéré ; « Seigneur Héros » était bien enterré. Tout ce qui en restait, c’était Dame Vivamus qui était pendue au-dessus de la télévision. Mais je la prenais de temps en temps en main, et j’avais alors des frissons. Je me décidai donc à trouver une « salle d’armes [68] En français dans le texte. (N.D.T.) » et à m’inscrire à un club. J’avais aussi trouvé un club de tir à l’arc dans la Vallée, et il devait bien y avoir quelque endroit où, le dimanche, les membres de l’American Rifle Association pouvaient faire du tir. Il ne fallait quand même pas m’abandonner à l’inertie…

Entre-temps, j’avais laissé mon argent en Suisse. Il était payable en or, pas en monnaie de singe, et si je le laissais fructifier, je pouvais gagner beaucoup plus grâce à l’inflation, plutôt que par des investissements. Un jour ce serait un capital, quand je monterais ma propre affaire.

C’était cela que j’avais en vue, devenir patron. Un esclave salarié, même si on le dit entre parenthèses, quand l’Oncle Sam lui prend plus de la moitié de ce qu’il gagne, est toujours un esclave. Mais j’avais appris de Sa Sagesse qu’un patron doit subir un entraînement ; je ne pouvais pas m’acheter un poste de « patron » avec de l’or.

Alors, je me suis établi. Mon changement de nom fut légalisé ; Caltech admit que je vise plus loin et que j’aille à Pasadena… et je reçus du courrier.

Ma mère l’avait envoyé à ma tante qui l’avait fait suivre à la première adresse d’hôtel que j’avais donnée, d’où il parvenait chez moi. Certaines des lettres avaient été mises à la poste aux États-Unis, plus d’un an auparavant, puis envoyées en Indochine, puis en Allemagne, puis en Alaska, puis encore ailleurs avant que je puisse les lire à Sawtelle.

Une d’elles m’offrait encore des possibilités d’investissements ; cette fois, je devais toucher 10 pour cent de plus. Une autre venait de mon entraîneur du collège, il me disait que l’on voulait commencer la saison par un coup d’éclat, est-ce que 250 dollars par mois me feraient changer ma décision ? Je n’avais qu’à téléphoner à ce numéro. Je déchirai la lettre.

La suivante provenait du Ministère des Anciens Combattants, elle était datée de quelques jours après ma libération, et me disait qu’il résultait du procès Barton contre le Gouvernement des États-Unis , et d’autres similaires, qu’il avait été reconnu que j’étais légalement « orphelin de guerre » et avais donc droit à 110 dollars par mois pour frais de scolarité jusqu’à l’âge de vingt-trois ans.

J’en ris à me faire mal.

Après quelques prospectus, je lus une lettre qui m’était écrite par un député. Il avait l’honneur de m’informer que, avec l’aide de la Fédération des Anciens Combattants sur les Théâtres d’Opérations Extérieurs, il avait fait proposer toute une série de décrets pour réparer les injustices provenant de la mauvaise qualification d’« orphelins de guerre », que les décrets avaient été publiés et qu’il était heureux de m’informer que celui qui me concernait me permettait, jusqu’à mon vingt-septième anniversaire, de compléter mon éducation étant donné que mon vingt-troisième anniversaire avait eu lieu avant que l’erreur ait été rectifiée. Je vous prie d’agréer, monsieur, etc.

Je ne pus même pas rire. Je pensais à toutes les saletés que j’aurais mangées ; je pensais à l’été au cours duquel j’avais été incorporé ; si j’avais été certain de toucher 110 dollars par mois ! J’écrivis une lettre de remerciements au député, du mieux que je pus.

Le pli suivant ressemblait à un prospectus. Il provenait de l’Hospitals’Trust, Ltd ; ce devait être un appel de fonds ou un formulaire d’assurance, mais je ne comprenais pas pourquoi, à Dublin, quelqu’un avait bien pu me mettre sur une liste de donateurs.

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