— Pourquoi devrait-il y en avoir ? s’exclama Jarlow. Il y a beaucoup de chances pour qu’une molécule différente ait évolué sous la pression sélective de la lumière d’une naine rouge. Puis-je émettre une hypothèse ?
— Je vous en prie, répondit amèrement Wendel. Vous ne faites pas grand-chose d’autre, n’importe comment.
— Très bien. Tout ce que nous pouvons dire pour le moment, c’est que les continents de cette planète semblent totalement dénués de vie. Mais, cela ne signifie rien. Il y a quatre cents millions d’années, les continents de la Terre étaient aussi stériles, pourtant la planète avait de l’oxygène dans son atmosphère et une vie abondante.
— Une vie marine.
— Oui, capitaine. Il n’y a rien à reprocher à une vie marine. Et cela inclut des algues, ou leur équivalent … des plantes microscopiques qui fabriquent de l’oxygène. Les algues des mers terrestres produisent quatre-vingt pour cent de l’oxygène qui se déverse chaque année dans l’atmosphère. Est-ce que cela n’explique pas la présence d’oxygène dans l’atmosphère ainsi que le manque apparent de vie terrestre ? Cela signifie aussi que nous pouvons explorer sans danger la planète en atterrissant sur la surface stérile de ce monde et en étudiant la mer avec les instruments dont nous disposons … en laissant à des expéditions ultérieures, convenablement équipées, le soin de faire un travail plus détaillé.
— Oui, mais les êtres humains sont des animaux terrestres. Si Rotor a atteint ce système, ils ont sûrement tenté de coloniser les continents et il n’y a aucun signe de cette colonisation. Est-ce vraiment nécessaire d’étudier plus à fond ce monde ? demanda le capitaine.
— Oh, oui, se hâta de répondre Wu. Nous ne pouvons pas revenir rien qu’avec des déductions. Nous avons besoin de faits. Il pourrait y avoir des surprises.
— Vous en prévoyez ? demanda Wendel avec un peu de colère.
— Peu importe que j’en prévoie ou non. Pouvons-nous revenir sur Terre et leur dire que, sans y regarder de près, nous sommes sûrs qu’il n’y aura pas de surprise ? Ce ne serait pas raisonnable.
— Il me semble que vous avez changé d’idée du tout au tout. Vous étiez prêt à revenir avant même d’avoir atteint l’Étoile voisine.
— Autant que je m’en souvienne, on m’a fait changer d’idée. Dans ce cas, et étant données les circonstances, nous devons explorer cette planète. Je sais, capitaine, qu’on peut être tenté de saisir cette occasion de visiter quelques autres systèmes solaires, mais maintenant qu’il y a un monde apparemment habitable en vue, il faut revenir avec un maximum d’informations sur quelque chose qui peut s’avérer bien plus important pour la Terre que n’importe quelle quantité d’informations du type catalogue sur les étoiles les plus proches. En outre … » il montra du doigt le hublot d’observation avec une expression qui ressemblait à de la surprise, « … je veux voir ce monde de plus près. J’ai l’impression qu’il est dénué de tout danger.
— L’impression ? dit Wendel d’un air sardonique.
— J’ai le droit d’avoir des intuitions, capitaine. »
Merry Blankowitz dit d’une voix un peu enrouée : « Moi aussi, j’ai des intuitions, capitaine, et cela m’ennuie. »
Wendel regarda la jeune femme avec étonnement. « Vous pleurez, Blankowitz ?
— Non, pas vraiment, capitaine. Je suis juste bouleversée.
— Pourquoi ?
— Je me suis servie du DN.
— Le détecteur neuronique ? Sur ce monde vide ? Pourquoi ?
— Parce que je suis venue ici pour cela. Parce que c’est mon travail.
— Et les résultats sont négatifs, dit Wendel. Je suis désolée, Blankowitz, mais si nous visitons d’autres systèmes, vous aurez peut-être plus de chance.
— Mais, justement, capitaine. Les résultats ne sont pas négatifs. Je détecte de l’intelligence sur cette planète et c’est pour cela que je suis bouleversée. C’est un résultat ridicule et je ne le comprends pas.
— Peut-être que l’appareil ne fonctionne pas, dit Jarlow. Il est tellement nouveau que ce ne serait pas étonnant qu’il ne soit pas fiable.
— Mais pourquoi ne fonctionnerait-il pas ? Est-ce qu’il nous détecte, à bord du vaisseau ? Ou donne-t-il faussement une réponse positive ? Je l’ai vérifié. Le champ protecteur est en parfait état et si j’ai faussement un résultat positif, je devrais l’avoir ailleurs. Il n’y a aucune réponse positive concernant la géante gazeuse, par exemple, ou l’Étoile voisine, ou n’importe quel point choisi au hasard dans l’espace, mais chaque fois que je balaie le satellite, j’en ai une.
— Vous voulez dire, commenta Wendel, que sur ce monde, où nous ne pouvons détecter aucun signe de vie, vous captez de l’intelligence ?
— C’est une réaction très minime. C’est à peine si je peux la capter.
— Capitaine, intervint Crile Fisher, reprenons au point de vue de Jarlow. S’il y a de la vie dans l’océan de cette planète, que nous ne pouvons pas détecter parce que l’eau est opaque, ce peut être une vie intelligente, et c’est elle qu’a captée le Dr Blankowitz.
— Fisher a raison, dit Wu. Après tout, une vie marine, bien qu’intelligente, ne serait probablement pas technologique. On ne peut pas faire du feu dans l’eau. Une vie non technologique ne serait pas très visible, mais pourrait être intelligente tout de même. Et il n’y a rien à craindre d’une espèce non technologique, bien qu’intelligente, surtout si elle ne peut pas quitter la mer et que nous restons sur terre. Cela rend les choses plus intéressantes et notre investigation encore plus nécessaire. »
Blankowitz dit, d’un air contrarié : « Vous parlez tout le temps et tellement vite que je ne peux pas placer un mot. Vous vous trompez tous. Si c’était une vie intelligente marine, je n’aurais une réponse positive qu’en provenance des océans. Je l’obtiens partout, régulièrement. De la terre aussi bien que de la mer. Je n’y comprends rien.
— Sur terre aussi ? s’exclama Wendel, incrédule. Alors, l’appareil est détraqué.
— Absolument pas. C’est pour cela que je suis tellement bouleversée. Je n’y comprends rien. » Puis, comme pour atténuer ces paroles, elle ajouta : « La réaction est très faible, bien sûr, mais elle existe.
— Je crois pouvoir l’expliquer », dit Fisher.
Tous les yeux se tournèrent vers lui, et il se mit aussitôt sur la défensive. « Je ne suis pas un scientifique, mais ce n’est pas pour cela que je ne peux pas voir quelque chose d’aussi évident. Il y a de l’intelligence dans la mer, mais nous ne pouvons pas la voir parce que l’eau nous la cache. D’accord, cela paraît logique. Mais il y a aussi de l’intelligence sur terre. Elle est aussi cachée. Parce qu’elle est sous terre.
— Sous terre ? explosa Jarlow. Pourquoi sous terre ? Il n’y a rien de nocif dans l’air ou dans la température ou dans tout ce que nous captons. De quoi se protégerait-elle ?
— De la lumière, d’abord, répliqua Fisher avec force. Je parle des Rotoriens. Supposons qu’ils aient colonisé la planète. Voudraient-ils rester exposés à la lumière rouge de l’Étoile voisine ? Lumière sous laquelle la vie végétale rotorienne ne pourrait pas prospérer, et qui en plus les déprimerait ? Sous terre, ils auraient de la lumière artificielle, ce qui leur conviendrait mieux, à eux et à leurs plantes. En outre … »
Il s’arrêta et Wendel dit : « Quoi d’autre ?
— Eh bien, il faut que vous compreniez les Rotoriens. Ils vivent à l’intérieur d’un monde. C’est à ça qu’ils sont habitués et pour eux, c’est normal. Vivre en surface, ils ne trouveraient pas cela confortable. Ils s’enfonceraient sous terre, tout naturellement.
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